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Six réponses sur les allergies alimentaires

Le point en six questions sur les allergies alimentaires avec le professeur François Spertini, médecin agréé au Service d’immunologie et d’allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

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Liées en grande partie à la nutrition moderne, les allergies alimentaires sont en nette augmentation. Avec des conséquences sociales souvent très handicapantes. Il est donc très important de ne pas les minimiser.

  1. Comment différencier une allergie d’une intolérance alimentaire?
    Lors d’une allergie alimentaire, le système immunitaire répond de manière disproportionnée lorsqu’une substance habituellement bien tolérée est ingérée. L’organisme produit alors un type d’anticorps, qu’on appelle IgE, pour lutter contre ce qu’il considère comme une agression. En même temps, il déclenche une réaction inflammatoire. «Dans l’allergie proprement dite, explique le professeur Spertini, il y a une réponse immunologique, alors que lorsqu’il s’agit d’une intolérance, le problème est biochimique. Le tube digestif n’arrive pas à dégrader une substance particulière, comme le lactose.»

  2. Une allergie alimentaire est-elle facile à reconnaître et à traiter?
    La démarche diagnostique est souvent complexe. Les allergies alimentaires peuvent déclencher des réactions cutanées comme de l’urticaire ou provoquer des diarrhées, des symptômes qui orientent le diagnostic des médecins. «Il existe par ailleurs des tests spécifiques, comme les tests cutanés ou la recherche d’IgE spécifiques de l’aliment, qui nous permettent d’identifier potentiellement l’allergène, précise l’allergo-immunologue vaudois. Cela dit, au-delà des tests, il faut encore prouver que ceux-ci ont une réelle signification clinique, c’est-à-dire que l’aliment identifié est bien la cause de l’allergie. Nous pouvons selon les cas proposer des tests de provocation avec l’aliment lui-même. Il faut faire ingérer les substances suspectes à la personne concernée et observer sa réaction.» Une fois le problème détecté et clarifié, la seule solution en cas d’allergie vérifiée est l’abstinence de cette substance.

  3. Quels sont les risques liés à une allergie alimentaire?
    Les réactions sont individuelles et très variables. Elles peuvent être bénignes mais aussi provoquer un choc anaphylactique (lire encadré). Selon François Spertini, les manques en termes d’apports nutritionnels de base peuvent s’avérer importants. «Selon les cas d’allergies alimentaires complexes, les choix en matière de nutriments peuvent être véritablement réduits à la portion congrue, ce qui est évidemment problématique pour le bon fonctionnement de l’organisme.» Autre problème parfois minimisé: celui des interactions sociales. «Manger avec d’autres ou au restaurant sont des moments de plaisir qui peuvent devenir de véritables défis pour les allergiques, ajoute le professeur vaudois. Le risque d’isolement de ces patients ne doit ainsi pas être minimisé.»

  4. Les allergies alimentaires sont-elles en augmentation?
    Oui, à tel point que 15 à 20% de la population serait positive à un test allergique vérifiant la présence d’anticorps de type IgE. La faute à l’environnement et à notre interaction avec lui, selon le professeur Spertini. «Au cours des trente dernières années, nous avons essayé de réduire l’impact des mondes bactérien et viral. En l’absence de pathogènes, le système immunitaire a plutôt tendance à favoriser une réponse allergisante.» Un environnement aseptisé ne serait toutefois pas la seule cause de cette augmentation des allergies alimentaires. L’alimentation en elle-même, en particulier lorsque l’industrie transforme les aliments ou met sur le marché de nouveaux allergènes (fruits exotiques, etc.), jouerait aussi un rôle dans l’augmentation des allergies.

  5. Quelles sont les allergies alimentaires les plus fréquente?
    En Suisse, le centre d’allergie suisse AHA! note que 14 ingrédients sont listés comme potentiellement allergènes. Toujours selon cet organisme, les adultes sont plus fréquemment allergiques aux noisettes, au céleri, aux pommes, aux noix et aux kiwis. Les enfants, eux, sont plutôt sensibles au lait de vache, aux œufs de poule, aux cacahuètes et aux noix. A noter enfin que des réactions croisées sont fréquentes entre le pollen de bouleau et des fruits à pépins ou à noyau, de même entre les acariens et les fruits de mer, entre le latex et les fruits exotiques. Mais «de nouvelles allergies alimentaires apparaissent et prennent des visages surprenants, commente le professeur Spertini. C’est ce que nous voyons avec l’apparition des allergies à la viande rouge qui apparaissent à la suite de piqûres de tiques.»

  6. Que penser du gluten?
    Le gluten représente une situation intermédiaire. D’un côté, c’est une véritable allergie, parce que le système immunitaire des patients cœliaques (qui souffrent de cette allergie) reconnaît le gluten de façon inadéquate. D’un autre côté, «à la différence des allergies alimentaires classiques, note François Spertini, ce sont des cellules et non des anticorps qui créent le problème». Mais surtout, en plus des patients cœliaques, il existe une grande majorité de gens qui sont plutôt intolérants sans que l’on puisse vraiment savoir pourquoi. «Nous sommes dans le flou», reconnaît le spécialiste vaudois.

Bon à savoir

Le choc anaphylactique en bref
Il s’agit d’une réponse immédiate et inattendue à un allergène, qui peut engager le pronostic vital. Les symptômes sont des démangeaisons, le gonflement des paumes de la main ou de la plante des pieds, des paupières, de la muqueuse buccale, des lèvres, de la langue, des vertiges ou des troubles respiratoires.
Le traitement repose sur l’administration d’antihistaminiques ou d’adrénaline si la réaction est grave. Dans tous les cas, il faut appeler le 144.

Lexique: deux mots à retenir

  • Anticorps
    Protéine, aussi appelée immunoglobuline, produite en réponse à une stimulation par un agent étranger nuisible pour l’organisme qu’on appelle antigène.
  • Antigène
    Substance nuisible à l’organisme qui suscite une réponse du système immunitaire.

Par Michaël Balavoine publié le 18 novembre 2020 - 08:20, modifié 18 janvier 2021 - 21:16