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Portrait

Taylor Swift, un phénomène XXL

Alors qu’elle parcourt les cinq continents, la chanteuse américaine de 34 ans fera halte à Zurich, en juillet 2024, pour trois heures quinze d’un show monumental retraçant sa carrière. «The Eras Tour» a déjà rapporté 1 milliard de dollars, un record. Retour sur le succès stratosphérique d’une surdouée en Wonder Woman vulnérable qui vient d’être élue personnalité de l’année par le magazine américain «Time». 

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<p>Chaque soir de concert, sur les 151 dates de sa tournée, Taylor Swift chante pendant trois heures quinze, revisitant sa carrière dans de somptueux décors. Il lui a fallu six mois d’entraînement afin de se préparer à cet exploit physique et vocal. Sur le tapis de course de sa salle de sport, elle enchaînait l’intégralité des chansons en variant la cadence selon le tempo du titre. </p>

Chaque soir de concert, sur les 151 dates de sa tournée, Taylor Swift chante pendant trois heures quinze, revisitant sa carrière dans de somptueux décors. Il lui a fallu six mois d’entraînement afin de se préparer à cet exploit physique et vocal. Sur le tapis de course de sa salle de sport, elle enchaînait l’intégralité des chansons en variant la cadence selon le tempo du titre. 

Emma McIntyre/TAS23/Getty Images

L’air est saturé d’humidité et Taylor Swift, le souffle court, vient d’achever sa chanson dans une chaleur caniculaire. Il fait 39,1°C à Rio, ce soir du 17 novembre. Body scintillant, bras croisés dans le dos, l’artiste américaine de 34 ans peine à récupérer devant les 60'000 spectateurs de l’Estádio Olímpico Nilton Santos. Au bout de trois heures quinze de show, 16 changements de costumes, 44 chansons en dix tableaux retraçant chaque album de sa carrière, le tout premier concert brésilien de sa vie aurait dû être une fête. Mais en apprenant le malaise puis le décès d’une spectatrice à la suite d’un arrêt cardiorespiratoire, elle a préféré reporter sa prestation du lendemain, évitant de prendre le moindre risque pour son staff et ses milliers de fans, les Swifties. Ces derniers lui avaient souhaité la bienvenue en habillant d’un t-shirt de lumière proclamant «Welcome to Brasil» la statue du Christ Rédempteur de 38 m. Un accueil à la mesure de celle qui, bonne fée du showbiz, est devenue un phénomène XXL. Star féminine la mieux payée du monde, Taylor fera halte à Zurich, à guichets fermés, au stade du Letzigrund, les 9 et 10 juillet prochains. Baptisée «The Eras Tour», sa caravane traverse cinq continents en 151 escales. Avec elle, pour la première fois dans l’histoire, un artiste a atteint le milliard de dollars. Ce record, battu la semaine passée après 60 concerts, pourrait culminer à 1,5 milliard d’ici au 8 décembre 2024, sa dernière date, agendée à Toronto.

Pourtant, du haut de son mètre 78 (sans talons), cette grande sœur rassurante sait rester humaine. Le gigantisme n’a jamais soustrait Swift à sa sensibilité. Après le drame, elle a non seulement tenu à rencontrer la famille de la victime, mais elle a veillé, la fois suivante, à faire distribuer des bouteilles d’eau minérale. 

Elle aurait pourtant de quoi perdre la tête si l’on en croit John Williams, le président de la Fed de New York. Il estime que l’auteure, compositrice et interprète a un impact financier sur l’économie américaine et au-delà. Les retombées sur la totalité des villes où elle fait escale sont évaluées à 5 milliards de dollars. Au vu de ces résultats mirobolants, elle a décidé d’octroyer aux 50 chauffeurs engagés pour déplacer l’infrastructure scénique une prime de 100 000 dollars, soit une enveloppe de 5 millions de dollars de bonus. 

2,4 millions de billets en un jour


Désignée personnalité de l’année 2023 par le magazine américain «Time», Taylor Swift semble vouée à faire tomber des records. Comme ces 200 millions de dollars engrangés avec la diffusion au cinéma de «The Eras Tour», visible en Suisse jeudi 21 décembre. Selon CNBC, c’est le concert filmé le plus rentable de tous les temps derrière le documentaire «Michael Jackson’s This Is It» (262,5 millions de dollars). En 2023, Taylor Swift a été l’artiste la plus jouée du monde en streaming: 26,1 milliards d’écoutes sur Spotify uniquement. En 2014, elle a fait bouger les lignes des plateformes de distribution numérique en tournant le dos au géant suédois, estimant que les auteurs, les producteurs et les artistes n’étaient pas suffisamment rémunérés. «Je ne suis pas d’accord pour cautionner l’idée que la musique n’a pas de valeur et doit être gratuite», dit-elle avant de revenir sur sa décision. 

Taylor est devenue chanteuse professionnelle à 14 ans. L’année précédente, elle avait noté à la plume dans son journal intime: «Ma vie, ma carrière, mon rêve, ma réalité.» Avec ses grands yeux bleus, ses boucles blondes et son naturel souriant, le destin lui ouvrait les bras. A 17 ans, son premier single, «Tim McGraw», se classa pendant vingt semaines au Billboard Hot 100. Ado surdouée devenue femme, elle continue à partager des moments privilégiés avec ses fans, dont elle like les photos quand elle ne les invite pas à participer à des sessions d’écoute privilégiées ou à venir lui rendre visite en coulisses. Certains en profitent pour faire leur demande en mariage.

Taylor Swift, elle, mue par l’envie de «bien faire», d’être considérée comme «une bonne personne», déclare dans le documentaire «Miss Americana» (Netflix): «J’ai toujours essayé d’être une fille bien.» Sans renier ses ambitions, encadrée par des parents à la fois avisés et protecteurs, Scott, ancien agent de change, a été vice-président chez Merrill Lynch et Andrea, directrice marketing, Taylor a le don de s’adresser à chacun tout en rassemblant le plus grand nombre. En juin dernier, Julia Roberts la saluait sur son compte Instagram: «Je t’aime. Merci d’être tout ce dont nous avions besoin!»

Mais qu’est-ce qui rend Taylor Swift aussi unique? «The Harvard Gazette» a tenté de percer le secret en interrogeant ses professeurs d’économie et de musique. La prestigieuse Université du Massachusetts consacre désormais un cours aux rouages de la réussite de celle qui a écoulé 2,4 millions de billets en un seul jour, encore une première. 

Au-delà des performances chiffrées, cette artiste hors normes sait entrer en étroite connexion avec son public. Cela tient à la fois à ses mélodies, simples en apparence, et au mariage subtil entre la musique et les mots. Taylor écrit comme personne. «Ma force, c’est la narration», dit-elle. Dans «Betty», elle parle d’un garçon de 17 ans, qui, parti voir ailleurs, s’en mord les doigts. On imagine les personnages, le décor, on se laisse bercer par la voix, la guitare et l’harmonica. Deux autres titres complètent le tableau, donnant le point de vue des autres protagonistes de ce triangle amoureux. En quelques minutes, elle tend un miroir à son jeune public dont le cœur pétri d’incertitudes a pu connaître une trahison, les larmes d’un amour déçu. Si l’auditeur s’identifie aisément, c’est que les chansons de Taylor, souvent, sont autobiographiques, chacun les habille de ses propres sentiments. 

Célébrité à double tranchant


Elle éveille ses fans à des épisodes de l’existence qu’ils n’ont pas encore vécus. Dans «Dear John», elle évoque sa relation avec le guitariste John Mayer. Ce collectionneur d’aventures (Jennifer Aniston, Katy Perry) avait 32 ans en 2009, elle 19 seulement, lorsqu’ils se lièrent. «Ne penses-tu pas que 19 ans, c’est trop jeune pour être initiée à tes jeux sombres et tordus alors que je t’aimais tant?» chante-t-elle. 

Mais tout le monde n’aime pas Taylor Swift. Kanye West lui a volé son moment de gloire aux MTV Music Video Awards en septembre 2009. Elle avait 20 ans et il déclara en s’invitant sur scène que le clip de Beyoncé était meilleur. La séquence de la lauréate bafouée fit réagir jusqu’à la Maison-Blanche. Obama traita le rappeur d’abruti. Ce dernier insulta la jeune artiste dans «Famous» en chantant: «J’ai rendu cette salope célèbre.» Il en profita pour monter une cabale en filmant, à son insu, un coup de fil au cours duquel elle lui aurait donné l’autorisation de chanter ces paroles. La puissance des réseaux sociaux de Kim Kardashian acheva de la déstabiliser et déchaîna la presse. Désignée comme manipulatrice et menteuse, Taylor fut surnommée «le serpent». Elle comprit à ses dépens que la célébrité était une arme à double tranchant. Meurtrie, elle se réinventa, en restant cloîtrée une année. La Wonder Woman d’aujourd’hui n’a honte ni de ses failles, ni de ses sentiments. Elle dissimule une femme vulnérable; ses échecs lui ont appris à grandir et à rebondir. C’est ce qui l’aide à garder les pieds sur terre, malgré tout.

Trahison et renaissance


Loin de se laisser bercer par sa réussite, Taylor Swift prend des risques et les assume, comme le 8 octobre 2018 lorsqu’elle s’engagea politiquement et publiquement pour la première fois. C’était à l’occasion des élections de mi-mandat désignant les représentants au Congrès dans l’Etat du Tennessee. Prenant ouvertement position contre la républicaine Marsha Blackburn, elle savait qu’elle se hasardait en terrain miné. Son entourage la mit en garde: elle pouvait s’aliéner une partie de son public. Taylor, en larmes, n’écouta que son instinct. Elle ne pouvait pas, sans réagir, laisser élire une politicienne qui avait voté contre l’égalité de salaire pour les femmes et contre la réautorisation de la loi sur la violence à l’égard de celles-ci.

A ce niveau de notoriété, dévoiler ses positions, c’était entrer en confrontation directe avec Donald Trump. «J’aime Taylor Swift 25% de moins depuis ses déclarations», fit-il savoir.

Le message de Taylor posté sur Instagram, liké plus de 2 millions de fois, engendra 5138 inscriptions supplémentaires sur les listes électorales en vingt-quatre heures. Le nombre de jeunes votants fut multiplié par sept. Mais elle ne réussit pas pour autant à inverser la vapeur. Dans la foulée, elle écrira «Only the Young» – chanson d’espoir, engagée contre le clan de l’homme d’affaires qu’elle ne nomme jamais – afin de signifier aux teenagers qu’ils pourront changer les choses le moment venu.

Quel chemin parcouru depuis ses premiers pas et un album country-rock d’une maturité surprenante! Swift doit son inspiration à Shania Twain, son idole canadienne, installée à La Tour-de-Peilz (VD), mais également à Faith Hill et aux Dixie Chicks. Sa grande polyvalence lui a permis de passer de la country à une pop mainstream tout en proposant en 2020, pendant la pandémie, deux albums indie folk introspectifs, «Folklore» et «Evermore». Alors que ce choix aurait pu l’éloigner des fidèles, adeptes d’une musique plus scintillante, elle les a convaincus et a réussi à élargir son audience. «Exile», écrite et interprétée avec Bon Iver, est un petit chef-d’œuvre de poésie sur des accords de piano minimalistes. La chanson totalise pas loin de 650 millions d’écoutes sur Spotify alors que cinq de ses titres les plus écoutés dépassent le milliard sur la plateforme, voire le milliard et demi pour «Blank Space». En octobre 2022, avec «Midnights», elle a renoué avec l’électro-pop.

Le 8 juin 2011, Taylor Swift et son idole, la chanteuse canadienne Shania Twain

Le 8 juin 2011, Taylor Swift et son idole, la chanteuse canadienne Shania Twain – elle fut sa toute première source d’inspiration –, ont rejoué une scène du film «Thelma et Louise» pour la cérémonie des CMT Music Awards couronnant les artistes country.

Rick Diamond/Getty Images

Faire vibrer un cœur et trembler la terre


Taylor Swift est à ce point incontournable que l’Etat d’Israël lui a demandé, le 5 novembre, sur X (ex-Twitter) et Instagram, d’intervenir afin de l’aider à retrouver et ramener Roni Eshel, l’une de ses fans de 19 ans, femme soldat de Tsahal, dont il avait perdu la trace après l’attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre. Les Swifties israéliens ont porté un bracelet au nom de la disparue. L’espoir de la localiser vivante aura duré quelques semaines avant qu’on ne retrouve sa dépouille.

Côté cœur, la presse populaire ne manque pas un épisode de sa vie amoureuse. Non contente de se distinguer dans son domaine de prédilection, elle a réussi à faire grimper les ventes de billets des matchs de football américain de l’équipe des Chiefs de Kansas City et à booster les audiences TV de leurs rencontres depuis qu’elle s’affiche avec l’ailier de 1 m 96 Travis Kelce. Cette romance prolonge, malgré elle, son omniprésence médiatique. Dès qu’elle le peut, elle est en loge, aux côtés des parents du joueur de 34 ans, détenteur de deux titres du Super Bowl. Cette fille sensationnelle, capable de faire tressaillir les cœurs, peut aussi faire trembler la terre. Les 22 et 23 juillet à Seattle, lorsque 144 000 fans sont venus l’acclamer, les sismographes ont enregistré des vibrations de 2,3 sur l’échelle de Richter. C’est tout le mal qu’on souhaite à la ville de Zurich lors du passage de l’ouragan Taylor.

Taylor assiste aux matchs de football américain de Travis Kelce, son amoureux

Quand elle n’est pas en tournée, Taylor assiste aux matchs de football américain de Travis Kelce, son amoureux depuis juillet dernier (bisou à droite). La présence de la star dans les tribunes fait grimper la vente des billets ainsi que les audiences TV des rencontres de l’équipe de son chéri, les Chiefs de Kansas City.

David Eulitt/Getty Images; chariah_/Instagram
Par Didier Dana publié le 18 décembre 2023 - 09:54