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Télétravail vs. droit du travail désuet

Le droit du travail a presque 150 ans – il est à la traîne des défis actuels. Comment le «travail flexible», télétravail et «travail hybride» s'inscrivent-ils dans la loi?

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Le télétravail concerne beaucoup de monde aujourd'hui et personne n'est à l'abri de ses écueils. 

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Travailler au maximum onze heures par jour: cette règle inouïe a été introduite par la dite loi sur les fabriques datant de 1877. Celle-ci a également interdit le travail de nuit et du dimanche – ce qui était extrêmement novateur. La durée du travail autorisé et la durée du temps de repos entre deux étaient alors réglementées pour la première fois. Il en a résulté un phénomène qui n’existait pas jusqu’alors, dans une société majoritairement empreinte par l’agriculture: la séparation du travail et du temps libre.

C’est précisément cette séparation qui tend de nouveau à s’estomper, à l’époque du télétravail et autres modèles de travail flexibles. A la différence du passé, nos ancêtres ne disposaient pas d’électricité – ils arrêtaient donc de travailler lorsqu’il commençait à faire sombre. De nos jours, les e-mails de notre supérieur nous parviennent même tard le soir. De là réside le risque que nous n’ayons plus de repos, relève Rita Buchli, psychologue du travail et des organisations. «Le repos est pourtant important pour réduire les hormones du stress.» Cela préviendrait les maladies liées au stress: dépression, troubles cardio-vasculaires, diabète, troubles gastriques et problèmes de sommeil.

La grande majorité des personnes qui profitent actuellement du télétravail ou d’autres modèles de travail flexibles aimeraient continuer de le faire à l’avenir. Une personne sur dix ne veut même plus jamais retourner au bureau. C’est ce qu’a révélé au printemps 2020 un sondage de «La plateforme», une alliance d’associations d’employés et d’associations professionnelles. Le résultat est peu surprenant.

Travailler de façon flexible nécessite de nouveaux modèles de travail

«Le travail flexible permet de mieux amortir les situations individuelles de vie», relève Rita Buchli. «Vite sortir le chien, accueillir un ouvrier ou recevoir une lettre recommandée durant une journée de travail: tout cela est bon pour l’équilibre travail-vie privée.» Les modèles qui mettent tout le monde dans le même panier ont fait leur temps. «Et c’est aussi bien ainsi.»

Travailler indépendamment du lieu et du temps devient toutefois rapidement incompatible avec les rigides dispositions de la loi sur le travail – qui repose toujours sur la loi sur les fabriques datant du 19e siècle.

Être atteignable en permanence peut en outre stresser et rendre malade. Par exemple lorsque la marge de manœuvre personnelle se révèle moins importante que le modèle flexible semblait le promettre à première vue. Un exemple: lorsque l’on est particulièrement productif tôt le matin et que l’on planifie sa journée de travail en conséquence, cela peut être pesant à la longue si l’on doit encore souvent répondre à des e-mails le soir.

«Le télétravail a également un grand potentiel. C’est une opportunité que l’on devrait également exploiter sur le plan législatif, plutôt que de mettre la tête dans le sable. Il est nécessaire de revoir et clarifier dans la loi la définition du travail», revendique Ursula Häfliger, directrice de «La plateforme». Elle plaide pour une définition qui englobe non seulement le travail au sein de l’entreprise mais également à l’extérieur de celle-ci. La loi sur le travail règle explicitement la façon dont le travail doit se dérouler dans l’entreprise. «Il est pertinent d’y préciser que le travail peut également avoir lieu hors de l’entreprise. Les modalités doivent pouvoir être réglées par les employeurs et les employés, entre eux.»

Raison pour laquelle Daniel Jositsch, conseiller aux Etats socialiste et président de la Société des employés de commerce, a déposé une motion dans ce sens au Parlement en juin 2021. Selon celle-ci, employeurs et employés devraient être obligés de conclure un accord écrit en cas de télétravail. Il contiendrait notamment des dispositions sur l’accessibilité, la saisie du temps de travail, les temps de repos et les coûts engendrés.

Mais le Conseil Fédéral ne voit pas de nécessité d’agir, considérant que le droit en vigueur est suffisant. Avant de légiférer, il convient selon lui d’attendre les constats issus de la pandémie.

Ursula Häfliger ne comprend pas: «Il n’est pas possible de se référer à une loi datant de l’ère industrielle et de simplement compter sur le fait qu’elle sera respectée d’une façon ou d’une autre.» Cela pourrait mener à des conflits entre supérieurs et employés. «Le télétravail a également beaucoup de potentiel. C’est une opportunité que l’on devrait exploiter également sur le plan législatif, plutôt que de mettre la tête dans le sable.»

Points de friction: les sujets qui peuvent devenir compliqués

  • Temps de travail et de repos: saisie du temps de travail également en cas de télétravail
    Selon la loi, le travail quotidien doit être effectué dans un délai de 14 heures – y compris pauses et heures supplémentaires. Lorsqu’on lit son premier e-mail à 7 heures, on ne doit plus rien faire pour son travail après 21 heures. A cela s’ajoute un temps de repos quotidien de minimum onze heures consécutives. Le travail de nuit et du dimanche son interdits – à moins que l’entreprise ne dispose d’une autorisation correspondante. En outre, le temps de travail doit également être saisi et documenté en cas de télétravail.
  • Coûts du télétravail: qui paie?
    Les personnes qui doivent travailler depuis leur domicile peuvent faire valoir les frais auprès de leur employeur. Selon le Tribunal fédéral, cela comprend par exemple les coûts d’infrastructure, dans le cas échéant, également une contribution aux coûts de location, lorsque l’on utilise une partie de l’appartement à des fins professionnelles. Il en va différemment lorsque l’on travaille à domicile à sa propre demande. Dans ce cas, l’employeur ne doit rien payer. En ce qui concerne l’obligation de télétravail durant la pandémie, les employeurs doivent prendre en charge uniquement les coûts qui se seraient également présentés au bureau.
  • Protection des données: quels sont les dangers du télétravail?
    Les dispositions relatives à la confidentialité et à la protection des données s’appliquent également au télétravail. Aspect particulièrement délicat à gérer: la protection antivirus sur les ordinateurs professionnels est actualisée automatiquement par le service informatique. Utiliser des appareils privés à des fins professionnelles implique des failles de sécurité et le risque d’être tenu pour responsable cas échéant.

Pour une négociation réussie

  • Conditions cadres pour le travail flexible: convenir des règles communes
    Consignez par écrit avec l’employeur les conditions cadres pour le travail flexible. Cela comprend, par exemple, dans quel délai devrait-on répondre aux e-mails, comment le support technique est-il organisé et comment l’utilisation d’appareils privés à des fins professionnelles est-il dédommagé.
  • Confiance et reconnaissance
    Bien entendu, ces valeurs ne valent pas uniquement pour le télétravail – mais elles sont particulièrement importantes dans ce cas. La confiance est favorisée par le dialogue. C’est pourquoi il est important de se rencontrer régulièrement (en ligne) également en cas de distance physique et de consacrer également du temps à un échange informel à deux. Une communication valorisante est également importante, c’est-à-dire: poser des questions, donner un feedback, montrer de l’intérêt et se renseigner sur l’état de son interlocuteur.
  • Prévenir le stress
    Vous sentez-vous surchargé ou surmené? Le contact direct vous manque-t-il? Parlez-en à votre supérieur et faites valoir vos droit et besoins. Recourez rapidement à des offres d’aide. Focalisez votre attention sur les aspects positifs. Noter chaque soir trois choses qui se sont bien passées peut être un premier pas dans ce sens. Le sport et le mouvement favorisent également la diminution des hormones de stress.

*Traduit de l'allemand (Beobachter)

Katharina Siegrist
Katharina Siegristist Anwältin und seit 2014 Redaktorin und Beraterin beim Beobachter. Mehr erfahren
Par Katharina Siegrist publié le 7 février 2022 - 10:11