Pour se justifier de ne pas faire certaines choses, l’excuse qui revenait le plus souvent, dans notre vie de tous les jours, un souvenir qui paraît de plus en plus éloigné au fur et à mesure que nos journées casanières se multiplient, c’était «j’ai pas le temps». Et maintenant qu’un quart de la population suisse est au chômage partiel, et que notre temps de transport consiste à se déplacer de la chambre à coucher au salon, et que nos agendas sociaux ressemblent à l’armoire à trophées des clubs sportifs romands (je me réjouis de recevoir des messages de Valaisans qui me listent le nombre de Coupes de Suisse gagnées), on n’a que ça, du temps. Et on réalise que c’était pas le problème.
Ma déclaration d’impôt m’attend toujours sagement dans un coin. J’ai le temps, mais j’ai toujours davantage le temps pour deux épisodes de Netflix que pour deux classeurs de factures. En même temps, je connais peu de monde qui passe un moment de folie à calculer ses frais forfaitaires et le montant de ses acomptes (je me réjouis de recevoir un message de Pascal Broulis qui m’explique que c’est son petit plaisir quotidien).
Et je m’étais toujours dit qu’un jour, j’apprendrais mieux l’allemand. Et peut-être même le suisse-allemand. Pour éventuellement tenter d’aller dérider de l’autre côté de la Sarine (qui ne rêve pas de salles combles à Zollikofen, Stans ou Bümpliz?). Après presque un mois de confinement, je n’ai toujours pas ouvert l’application Duolingo sur mon téléphone. La tournée des Waldstätten attendra.
Heureusement, y a des trucs qu’on aime faire et qu’on a davantage le temps de faire ces jours. Dormir, dans le cas de Nathanaël Rochat. Jardiner, dans le cas d’une bonne partie des Suisses. Si bien qu’Alain Berset a dû annoncer cette semaine que les garden-centers pourraient rouvrir. A condition de commander à l’avance et d’aller chercher ses produits au drive-in. Il m’aura donc fallu une pandémie pour découvrir que les garden-centers avaient des drive-in. C’est fou comme la vie peut réserver des surprises. J’espère ne pas m’emmêler les pinceaux dans ces informations nouvelles et commander du terreau et des graines de gentiane la prochaine fois que je vais au McDo. L’inverse poserait moins problème, parce que, avec ce qu’ils mettent dans leurs aliments, je pense que les Chicken Nuggets peuvent avantageusement remplacer l’engrais.
Et en confinement, l’Helvète fait aussi du pain et des gâteaux. Visiblement, on a compris que ça servait à rien d’avoir un summer body cette année, à 2 mètres de distance on distingue quasi pas celle qui a fait des pompes de celui qui a fait des tourtes aux framboises. Mais les Suisses cuisinent tellement que le Conseil fédéral a dû prendre des mesures pour importer plus d’œufs et de beurre. En plus y a tous les œufs qu’on va acheter pour Pâques et devoir cacher dans l’appartement. Y a intérêt à ce que ton môme retrouve celui sous l’oreiller, sinon ça va faire une mauvaise surprise à l’heure du dodo.
En dehors des mauvaises herbes, de la pénurie de tresses et du coronavirus, un des dangers qui guette la Suisse en ce moment, ce sont les portes. En tout cas à en croire Daniel Koch, chef des maladies transmissibles à l’OFSP, qui a dû faire une conférence de presse avec un joli sparadrap sur le front, dont la présence a été expliquée, avec la magnifique traduction littérale de l’allemand, par une rencontre avec une porte. Il est donc important de respecter les gestes barrières avec les portes également. M. Koch, qui a pris sa retraite cette semaine après avoir été majoritairement encensé pour sa gestion de crise, ne les passe visiblement plus.