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Le Tessin, royaume du merlot

Tous les amateurs de vin le savent, le merlot occupe 80% des surfaces cultivées en vignes. Alors partons à la découverte de ce cépage à travers l’histoire de la plus ancienne et troisième plus grande maison de négoce en vins du Tessin, la société Matasci.

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F.BUSSON

Le merlot, originaire du Bordelais, a trouvé une deuxième patrie au Tessin au début du XXe siècle. La douceur du climat, fortement influencé par la Méditerranée, et des coteaux bien ensoleillés offraient des conditions idéales pour produire des vins exceptionnels.

Mais jusque dans les années 20, la viticulture au Tessin resta l’affaire de petits agriculteurs qui cueillaient les fruits de la vigne pour en faire la boisson de la maison et éventuellement céder le surplus aux amis. Sinon, c’était le Barbera du Piémont italien que l’on trouvait sur toutes les tables. Giuseppe Matasci, un jeune paysan du Val Verzasca descendu sur Locarno, fut le premier à organiser avec quelques vignerons une vente conjointe de la production locale, cherchant un marché et un réseau de distribution.

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La maison Matasci & Balemi dans les années 20.

En 1921, il fonde avec son partenaire Carlo Balemi la première coopérative viticole du Tessin. Mais le merlot étant encore en phase expérimentale, la production locale était très disparate. C’est pourquoi, afin d’éviter de fournir à ses clients des qualités qui variaient trop d’une fois sur l’autre, la maison Matasci & Balemi Vini se mit ensuite à mélanger les vins de la coopérative afin d’obtenir un produit homogène portant son propre label. Las, cet arrangement se révéla également insuffisant du fait surtout des méthodes de vinification rudimentaires des petits producteurs. La maison finit donc par acheter non pas le vin mais la matière première, c’est-à-dire le raisin.

C’est alors que les premières caves de vinification voient le jour grâce aux multiples apports financiers de tous les membres de la famille. En 1957, Carlo Balemi s’étant retiré à la suite de la mort de son associé Giuseppe Matasci, les enfants de ce dernier, Peppino, Lino et Mario, reprennent l’activité. Aujourd’hui, les vins produits directement par la maison, qui vinifie bon an mal an 15% du merlot produit au Tessin, représentent 60% de ses ventes, les 40% restants étant de la revente de vins, italiens, français ou suisses.

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De gauche à droite: Paola Maran-Matasci, Pier Maran, Mauro Bernardasci et Fabiana Matasci.

F.BUSSON

A la tête de l’entreprise, on découvre la troisième génération Matasci avec la fille de Mario, Paola, responsable de la communication du groupe, en compagnie de son mari, Pier Maran, directeur des ventes, de la fille de Lino, Fabiana, l’œnologue de la maison, et de Mauro Bernardasci, époux de la sœur de Fabiana et responsable des installations.

Parmi les 500 viticulteurs travaillant pour la maison Matasci, nous rencontrons sur les hauteurs du Tenero Julio de Almeida, originaire comme son nom le suggère du Portugal. Car son histoire n’est pas banale. Jeune, il travaille la vigne avec son grand-père qui lui transmet sa passion pour la viticulture. Arrivé en Suisse en 1989, à l’âge de 28 ans, il commence à œuvrer dans des jardineries à Genève puis au Tessin, avant de rejoindre la maison Matasci comme chauffeur-livreur en 1997.

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Le merlot occupe 80% de la surface viticole du Tessin.

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Pendant quinze ans, il sillonne les routes du pays pour livrer du vin. Mais dès 17 h 30, sa journée terminée, il se met à travailler à façon des vignes de petits propriétaires jusqu’à la nuit tombée. Une tradition bien ancrée dans ce terroir d'Ascona-Locarno, où le parcellaire est très dispersé avec de nombreux viticulteurs amateurs qui soignent une vigne, le soir, après leur travail. Par la suite, Julio loue également de petites parcelles, jusqu’au jour où il décide d’abandonner son boulot de chauffeur pour devenir viticulteur professionnel.

Aujourd’hui, il cultive 6 hectares répartis sur neuf parcelles disséminées entre Gordola et Cadenaza. Il produit en moyenne 40 tonnes de merlot par année, qui finissent dans les pressoirs de la maison Matasci, son ancien employeur. En raison de l’exceptionnelle qualité de ses vendanges, deux vins issus exclusivement de ses vignes figurent au catalogue de la maison de négoce: le Loco Coste, élevé uniquement sur le fruit, et le Gaggiole, passé en barriques.

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Fabiana Matasci et Julio de Almeida inspectent la prochaine vendange.

F.BUSSON

C’est Fabiana Matasci, l’œnologue responsable de la production depuis 1989, qui a élaboré ces deux vins. Celle qui supervise cette année ses trentièmes vendanges est l’instigatrice de la diversification de la production œnologique de la maison par tout un travail rigoureux de sélection des terroirs et de la production. Onze autres vins maison figurent aujourd’hui au catalogue de la cave, avec quelques spécialités qui ont raflé des médailles d’or au Mondial du merlot ou au Grand Prix du vin suisse, comme le Sirio Barrique ou le Cherubino, un blanc de merlot qui porte bien son nom…

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La cave conserve quelques anciens flacons de son vin fétiche: la Selezione d’Ottobre.

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Sans oublier le vin emblématique de la maison, la Selezione d’Ottobre, qui, en 1964, fit connaître le merlot au-delà du Gothard. Les Suisses alémaniques, qui se rendaient alors de plus en plus nombreux au Tessin pour les vacances, s’entichèrent littéralement de cette Selezione d’Ottobre qui a fait la richesse et la notoriété de la cave tessinoise. Encore aujourd’hui, la quinquagénaire est en pleine forme!

La Casa del Vescovo, une demeure bourgeoise sur deux étages, construite dans les années 1900 par une famille de Tenero s’enorgueillissant de compter un évêque dans ses rangs, est aujourd’hui le siège de la maison Matasci.

Elle abrite bien entendu les caves et l’œnothèque familiale, mais également une galerie d’art contemporain créée dans les années 70 par Mario Matasci, le père de Paola. Passionné d’art et d’histoire, il est également à l’origine d’un petit musée du vin au sous-sol de la maison, rassemblant des dizaines d’objets et d’outils ayant trait à la culture viti-vinicole du Tessin au XIXe siècle, collectés auprès des viticulteurs amenant leur raisin à la cave.

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Le Musée du vin.

F.BUSSON

De Pâques à fin octobre, sur réservation, on peut ainsi visiter les caves, le Musée du vin et participer à des dégustations de vins gratuites. Quant à la galerie d’art, elle est ouverte toute l’année aux mêmes horaires que l’œnothèque. Voilà en tout cas quatre bonnes raisons, si vous passez dans la région d'Ascona-Locarno, de rendre visite à cette étonnante famille qui fait rimer culture du vin et culture tout court. matasci-vini.ch

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La galerie d’art contemporain. 

F.BUSSON

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publié le 16 octobre 2018 - 09:29, modifié 18 janvier 2021 - 21:15