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Justice

Un soupçon, c’est bien, mais des preuves, c’est mieux

Les séries policières nous l’inculquent: les preuves, c’est mieux. Dans quels cas celles-ci s’avèrent-elles utiles?

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Dix questions pertinentes et dix réponses cruciales sur la manière dont opère la justice pour établir la véracité d’une preuve.

  1. On m’accuse d’avoir commis un délit. Suis-je censé prouver mon innocence?
    Non, c’est l’autorité de poursuite pénale qui doit établir que quelqu’un a commis un délit. Si les faits ne peuvent pas être établis, la personne visée doit être innocentée. Cela découle du principe de la présomption d’innocence: jusqu’au jugement définitif, tout accusé est présumé innocent.
  2. En tant qu’accusé, puis-je fournir des preuves qui m’innocentent?
    Oui, cela résulte du droit d’être entendu. Le juge d’instruction ne peut écarter qu’exceptionnellement de telles requêtes, s’il a déjà pu se faire une idée suffisante grâce à d’autres preuves et part de l’idée que vos nouvelles preuves ne vont rien y changer. C’est ce qu’on appelle l’«appréciation anticipée des preuves».
  3. Quels moyens de preuves sont autorisés?
    En principe tous ceux qui sont propres à mettre en lumière la vérité. Il importe que pour la collecte des preuves l’autorité demeure dans le cadre autorisé.
  4. La police peut-elle prétendre face à un accusé qu’un coaccusé a avoué et l’inciter ainsi aux aveux?
    Non, l’autorité pénale n’a pas le droit de tromper les personnes interrogées. Egalement inadmissibles: les menaces, la violence et les tactiques d’usure telles qu’un interrogatoire extrêmement long et épuisant.
  5. Et si les enquêteurs ne respectent pas ces règles? Si l’accusé avoue parce qu’il a été trompé?
    Alors l’autorité doit faire comme s’il n’avait pas avoué. Pour sanctionner, on ne peut tenir compte d’un tel aveu, il doit être éliminé du dossier. De sorte que même s’il existe concrètement une preuve, elle n’est pas exploitable.
  6. L’autorité pénale peut-elle recourir à un détecteur de mensonges?
    Non, cela empiète trop gravement sur la liberté personnelle.
  7. Puis-je filmer secrètement quelqu’un pour faire la preuve d’un comportement illégal?
    Tout dépend des circonstances. Du point de vue juridique, c’est un terrain glissant. Suivant le cas, on enfreint la protection des données et l’on est même punissable pour avoir secrètement enregistré une conversation privée. En plus, l’autorité pénale doit évaluer si l’enregistrement constitue une preuve. En deux mots: si un film montre comment quelqu’un commet un meurtre, il peut être exploité. Mais pas si quelqu’un fait un doigt d’honneur à une autre personne.
  8. Les déclarations d’un policier sont-elles jugées plus crédibles que celles de n’importe qui d’autre?
    En principe, non. Le tribunal peut apprécier librement les preuves. Le juge décide selon sa conviction personnelle et n’est pas lié à une règle stricte. Il n’y a par exemple pas non plus de règle affirmant qu’un élément est prouvé parce que deux témoins le confirment.
  9. Que se passe-t-il si un témoin confirme qu’il a assisté à un crime mais qu’un autre témoin procure à l’accusé un alibi en béton?
    Tout dépend des autres preuves. S’il existe par exemple en plus une vidéo à charge, on devrait avoir un verdict de culpabilité. Mais si l’état des autres preuves est contradictoire et qu’au bout du compte le juge éprouve des doutes, il doit acquitter l’accusé.
  10. Que se passe-t-il lorsqu’il est probable que l’accusé a fait disparaître des preuves?
    Alors le Ministère public peut demander au tribunal la détention préventive. Cela empêche par exemple que le suspect ne fasse disparaître l’arme du crime ou ne se concerte avec des complices. La prison préventive n’a alors pas pour objet de punir mais de faciliter l’enquête pénale.

PREUVES, COMMENT SONT-ELLES COLLECTÉES?
Pour élucider un délit, l’autorité pénale peut:

  • Procéder à une inspection des lieux.Le Ministère public peut visionner la scène du délit pour mieux en juger. Il peut par exemple vérifier comment une personne aussi grande que l’accusé tire un coup de feu depuis un certain endroit, afin d’élucider les circonstances.
  • Réaliser un prélèvement d’ADN.Dans certains cas, il est possible de prendre des échantillons d’ADN sur des personnes qui correspondent à un profil criminel déterminé. La loi règle dans le détail dans quels cas c’est possible.
  • Recourir à des enquêteurs infiltrés.En cas de crime grave, on recourt parfois à des agents qui mènent des investigations sous une fausse identité. Il est même possible, par exemple, que la Banque nationale mette à disposition d’un agent infiltré une somme d’argent, afin qu’il puisse faire croire à un suspect sous observation qu’il dispose de gros montants destinés à conclure un marché.
  • Procéder à une perquisition domiciliaire.Pour ce faire, il faut un mandat de perquisition signé par le procureur ou le tribunal. Ce n’est que dans les cas urgents – par exemple si une personne vient de se faire prendre en flagrant délit et qu’elle a été poursuivie jusque chez elle – qu’il est loisible de renoncer à ce mandat.
  • Surveiller le courrier et les appels téléphoniques.En cas de crime grave tel qu’un braquage, le Ministère public peut faire surveiller les courriers, les courriels et les appels téléphoniques d’un suspect. Cette atteinte grave à la sphère privée doit être autorisée par un tribunal et la personne visée doit être informée par la suite qu’elle a été sous surveillance, pourquoi et combien de temps.
  • Fouiller quelqu’un.Pour découvrir des traces de délit ou de la drogue, la police est autorisée, en cas de soupçon, à fouiller les vêtements, la surface du corps, la bouche et la voiture d’un suspect.
  • Ordonner une autopsie.S’il existe des indices d’une mort non naturelle, la dépouille est examinée par un médecin spécialiste. En cas d’indices de crime, on fait appel à un médecin légiste qui peut pratiquer une autopsie. Un corps peut être exhumé si cela contribue à élucider un crime.
  • Séquestrer des moyens de preuve.Un objet susceptible de servir de preuve (porte-monnaie volé, arme du crime, etc.) peut être séquestré. Il faut un mandat du Ministère public ou du tribunal. En revanche, la correspondance entre un accusé et son avocat ou certains proches demeure taboue.
  • Prendre des empreintes digitales, des échantillons de voix ou de langage.On peut comparer un échantillon de voix avec une conversation téléphonique interceptée ou le faire écouter à un témoin.
  • Interroger les témoins.Si une personne extérieure à l’affaire a vu quelque chose qui pourrait aider à élucider un crime, elle est entendue au titre de témoin. Si un témoin ment, il se rend punissable.

* Traduit de l'allemand


 

Par Norina Meyer (Beobachter*) publié le 14 juillet 2020 - 15:21, modifié 11 novembre 2021 - 21:13