Il s’appelait Khuwy, c’était un noble et il a vécu en Egypte il y a plus de 4300 ans, entre 2500 et 2300 avant J.-C., sous la Ve dynastie. Sa tombe a été découverte dans une nécropole à Saqqara, à 35 kilomètres du Caire, au milieu d’une zone désertique qui semble défier le temps. Merveilleusement conservées, des fresques aux couleurs vives et des inscriptions qui restent à déchiffrer donnent à cette tombe une atmosphère de vie et de lumière, un sentiment de sérénité et de bonheur au-delà de tout.
Noble inconnu
Dévoilée en avril dernier par le ministre égyptien des Antiquités, Khaled el-Enany, flanqué en l’occurrence d’une dizaine d’ambassadeurs et d’attachés culturels de plus de vingt pays, la tombe se situe dans un site très ancien qui abrite de nombreux tombeaux et surtout la célèbre pyramide à degrés du pharaon Djoser, construite en 2700 avant J.-C. par le mythique architecte Imhotep et considérée comme l’un des plus anciens monuments à la surface du monde.
Vaste et décorée avec un soin extrême, la tombe de ce noble inconnu nommé Khuwy est construite en forme de L. «Elle commence par un petit corridor qui descend vers une antichambre, puis vers une chambre plus large avec des reliefs peints représentant le propriétaire de la tombe assis autour d’une table d’offrandes», explique Mohamed Megahed, le chef de l’équipe d’excavation.
La tombe se présente en fait comme un petit appartement sophistiqué et confortable où le défunt pouvait continuer de mener sa vie à son gré, en conservant avec lui tout ce qu’il avait aimé sur terre: de bons plats, des amphores que l’on imagine remplies de vins délicats, des objets usuels, la douceur de la vie quotidienne, la compagnie des chats ou des oiseaux.
La vie quotidienne sacralisée
«Les anciens Egyptiens ne parlaient pas de tombes, mais de demeures d’éternité, explique le grand égyptologue et écrivain Christian Jacq, qui vit à Blonay (VD) et a choisi d’acquérir la nationalité suisse. Ces demeures étaient destinées à la vie et elles n’avaient rien de funéraire. Quand vous regardez les peintures sur les murs, vous voyez qu’elles représentent toutes les activités quotidiennes qui sont ritualisées et sacralisées. Les repas, la culture des champs, les moissons, la joie de vivre, les relations entre les maîtres et les esclaves... Les couleurs sont vives et éclatantes, elles traduisent la beauté du monde et l’amour de la vie!»
Civilisation du bonheur
La vie après la vie, la vie qui continue au-delà d’une mort qui n’est en réalité que pure illusion... «Les anciens Egyptiens considéraient la mort comme une étape mais pas comme une fin, reprend Christian Jacq. Dans ces demeures d’éternité, on met en scène une vie transfigurée. L’Egypte était une civilisation du bonheur et il y avait une vraie communion entre la vie terrestre et la vie spirituelle. Le message à en tirer, c’est qu’il faut vivre chaque journée comme si elle était l’éternité.»
La tombe de Khuwy a enchanté les archéologues, qui s’efforcent désormais de lui faire livrer ses secrets. Mais d’autres demeures d’éternité dorment encore dans la terre d’Egypte, qui parleront un jour aux hommes d’aujourd’hui ou de demain. «Il reste encore des zones énormes à explorer, précise Christian Jacq, mais les fonds manquent pour faire les fouilles. Il y a sans doute des centaines et peut-être même des milliers de tombes à découvrir. Le problème est aussi de préserver et de conserver tous ces trésors. Un nouveau grand musée devrait ouvrir au Caire en 2021, mais il ne suffira pas.»
Hérétiques
Plus vieille civilisation du monde avec la Chine, l’Egypte prend naissance autour de l’an 3150 avant J.-C. Empires, dynasties, pharaons, âge d’or des temples et des pyramides… Une histoire d’une richesse incomparable qui va durer jusqu’à la conquête musulmane, au VIIe siècle.
Considérés alors comme hérétiques, tous les monuments sont détruits, laissés à l’abandon, saccagés, pillés. Et c’est un jeune Français, Jean-François Champollion, qui va sauver ce qui reste de cet héritage unique.
Comme le raconte Christian Jacq dans un livre publié en 1987 et devenu un best-seller mondial, «Champollion l’Egyptien», Champollion découvre d’abord à 32 ans, en 1822, en décryptant la pierre de Rosette, la clé des hiéroglyphes, avant d’aller en Egypte pour un bref et immortel séjour, de juillet 1828 à décembre 1829. Le gouvernement égyptien croit alors au progrès et à la table rase, il a des projets de construction – une gare, des usines... – sur les lieux les plus sacrés de l’histoire du pays. «Sans Champollion, il ne resterait rien, explique Christian Jacq, toujours aussi ému. C’est lui qui a persuadé le roi de sauver tous ces monuments et toutes ces traces du passé. C’est grâce à lui que la civilisation égyptienne vit encore.»
- Exposition Toutânkhamon
Une grande exposition consacrée à Toutânkhamon, le pharaon qui a régné au XIVe siècle avant J.-C., se déroule à Paris jusqu’au 15 septembre, à la Grande Halle de La Villette.
- Livres de Christian Jacq
Egyptologue, romancier, essayiste, Christian Jacq vient de publier une nouvelle édition de son best-seller «Toutânkhamon, l’ultime secret» (XO Editions). Auteur également de romans policiers, il vient de sortir le 33e épisode des enquêtes de l’inspecteur Higgins, «Un crime pour l’éternité» (XO Editions).