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Valérie et Antoine Droux: «Nous sommes deux amoureux du micro»

Valérie et Antoine Droux ne prennent jamais le petit-déjeuner ensemble en semaine. Quand elle rentre dormir après ses deux revues de presse de «La Matinale» sur La Première, lui arrive au studio pour son émission. C’est peut-être le secret de leur couple!

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Valérie et Antoine Droux

Moment de complicité dans leur appartement lausannois. Ils sont deux voix radiophoniques qui comptent dans le paysage romand. Valérie pilote la revue de presse et des unes dans «La Matinale» de La Première, Antoine anime juste après «Médialogues», une émission consacrée aux médias. Ces fans de rock et de metal, parents de deux adolescents, ne peuvent s’imaginer ailleurs que devant un micro.

Nicolas Righetti / lundi 13

Nous entrons dans un vaste appartement du centre de Lausanne. Parquets anciens, hauts plafonds, vue dégagée sur les Alpes françaises, aux murs des signes ostensibles d’un intérêt pour l’histoire et l’actualité. Reproductions d’articles relatant l’assassinat de Kennedy, des journaux et magazines éparpillés dans les pièces, pas de doute, nous sommes dans l’antre de journalistes. En l’occurrence celui de Valérie et Antoine Droux, 45 et 49 ans. Mariés sous le régime de la RTS, dont le logo est d’ailleurs collé sur la porte de la cuisine.

C’est avec Valérie que le fidèle auditeur de La Première se réveille, boit certainement son café pendant ses deux revues de presse de «La Matinale», puis c’est Antoine qui prend le relais avec «Médialogues», l’émission quotidienne qui décrypte «la tactique médiatique et les coulisses de l’info», comme il le dit si bien au micro avec cette voix chaude et grave qui est sa signature sonore. Quatorze ans que Valérie se lève avant le soleil et s’engouffre dans un taxi à 3 heures du matin quand la ville est presque rendue à la nature «et qu’on peut même apercevoir un renard, sourit-elle. Vous réveillez des dizaines de milliers de gens, c’est vertigineux. Vous êtes dans les salles de bain, les voitures, les cuisines, vous êtes dans l’intimité des gens.»

Depuis dix-neuf ans, il y a toujours eu un des deux Droux en poste à «La Matinale». «Nous sommes reconnaissants à la RTS de ne jamais nous avoir programmés en même temps. Imaginez, qui se serait occupé des enfants?» Des enfants qui n’ont jamais vu leur maman le matin, ajoute Valérie, car c’est Antoine qui s’occupait du lever, du petit-déjeuner, du sac d’école. «Comme, le soir, je dois me coucher vers 19 h 30-20 heures, c’est lui encore qui les mettait au lit ou leur lisait l’histoire avant de s’endormir. Il est arrivé qu’il emmène notre fille encore bébé dans sa poussette à la radio le matin et je rentrais avec elle à la maison. Aujourd’hui, si je traîne après 20 heures devant la TV, ce sont mes ados qui me disent: «Maman, faudrait voir à aller te coucher!»

Valérie et Antoine Droux

Ils ne sont réunis dans le studio de «La Matinale» que pour la photo. En fait, quand l’une arrive à la radio, au beau milieu de la nuit, l’autre dort encore et, quand il rejoint les studios de La Sallaz, son épouse rentre dormir à la maison. Un chassé-croisé dans le boulot et la vie conjugale qui leur va bien. «C’est peut-être d’ailleurs le secret qui nous permet d’être ensemble depuis dix-neuf ans», disent-ils.

Nicolas Righetti / lundi 13

Rires. Ce rythme de vie particulier explique peut-être le secret de leur couple depuis près de vingt ans. Qui passe aussi par un vrai partage des tâches. «On a chacun sa vie, nos moments d’indépendance. Et beaucoup plus de choses à se raconter le week-end.» Antoine Droux reste tout de même admiratif devant l’exploit de son épouse de se lever à 2 heures du matin tous les jours ouvrables depuis tant d’années. Ce qui oblige d’ailleurs, confie cette dernière, «à une discipline digne d’un sportif de haut niveau durant la semaine. C’est mauvais pour la santé d’interrompre son sommeil, on doit avoir une hygiène de vie stricte.»

Et même si son médecin l’assure que ses horaires de travail ne sont pas liés à des carences, elle prend des vitamines B12 et B6 pour pallier des problèmes de digestion et la D pour le manque de lumière. Sa voix si familière se fait plus exaltée. Elle adore ça pourtant, Valérie, d’avoir Lausanne pour elle toute seule la nuit. «Il y a aussi une ambiance particulière, une intimité quasi familiale avec mes collègues de «La Matinale».» Et les chauffeurs de taxi de nuit l’appellent quasiment par son prénom.

Ils se sont connus à Fréquence Jura. La Neuchâteloise du Bas rêvait de faire de la radio après ses études de lettres et réalisait, déjà petite, des interviews en prenant sa Barbie pour micro. «A l’époque où je suis arrivée pour faire mon stage, Antoine était déjà une star», dit-elle avec un regard amusé vers son mari. Mais ce n’est pas ce qui l’a séduite en premier chez lui, même si elle est restée fascinée devant le spectacle de quelqu’un qui faisait «de la radio pour de vrai». «Il m’a invitée à manger et, quand je l’ai vu couper un oignon comme un pro, je me suis dit: «Celui-là, je l’épouse!»

Le principal intéressé esquisse une moue joyeuse. Antoine, dans une autre vie, a été cuisinier, et même chef de partie au Dolder, à Zurich. «Avant de me rendre compte, à 23 ans, que ce monde aux relations humaines parfois brutales n’était pas fait pour moi. Comme j’étais passionné par le son depuis longtemps, j’ai commencé des études d’ingénieur du son. Puis, au cours d’un stage à Fréquence Jura, j’ai commencé par hasard à faire de l’animation. Pour l’anecdote, j’ai même animé le fameux jeu du «Kikouyou», l’équivalent du «Schmilblick».» Sourire. Il deviendra correspondant neuchâtelois de la RTS en 2004. Puis passera dans l’équipe de «Forum» deux ans plus tard, après avoir fait une petite incursion par «ArcInfo» pour lancer son site web. L’attrait de la radio a été le plus fort. «Antoine est comme moi, on est des amoureux du micro», lance Valérie, qui a rejoint la RTS en 2006 comme «flashiste».

Valérie et Antoine Droux

«La voix, c’est l’humanité dans ce qu’elle a de plus profond», Antoine Droux, Journaliste radio.

Nicolas Righetti / lundi 13

Au fait, qui a la plus belle voix de radio à ses yeux? «Didier Duployer!» lance-t-elle avant d’ajouter, malicieuse: «Après celle de mon mari.» Elle l’admirait dans sa jeunesse avant d’avoir eu la chance de travailler avec lui. A noter également une admiration éperdue pour Fabrice Drouelle, l’homme des faits divers de France Inter, dont le livre est dans la bibliothèque. On évoque justement leurs voix à eux. Parler dans un micro, c’est un métier, et c’est bon de le rappeler à l’heure du podcast généralisé. Des années de travail pour être bien dans sa voix.

«La voix, c’est l’humanité dans ce qu’elle a de plus profond», assure Antoine, qui pense que l’âme s’y reflète plus que dans les yeux. «On met ses tripes sur la table derrière un micro», tel est le credo des Droux. Sans parler de la manière, du rythme, ce qui fait dire à Valérie que les bons journalistes de radio sont un peu comme des acteurs. D’ailleurs, Antoine a fait partie dans sa jeunesse de la troupe des Funambules à Delémont. Valérie: «Il y a un peu de théâtre dans la présentation des journaux, des flashs, il faut être dans ce qu’on dit, on est dans une sorte de rôle. Quand on annonce que la guerre a commencé en Ukraine, ce n’est pas la même énergie dans la voix que pour la fin des mesures covid.»

Elle aime bien citer Victor Hugo dans ses cours de formation aux futurs journalistes: «La forme, c’est le fond qui remonte à la surface.» «Elle est essentielle pour la radio», ajoute celle qui a regretté d’être en vacances durant l’éclatement du conflit en Ukraine et de rater, sur un plan strictement journalistique, ce moment historique. «No comment» de leur part, en revanche, concernant ce récent sondage interne dont «Blick» s’est fait l’écho qui faisait état d’un mal-être dans les rangs des journalistes radio couvrant l’actualité.

On essaie après eux de répéter sans discontinuer «les 13 chaises sales», histoire de rigoler un peu. Et on se dit, à les entendre le faire sans la langue qui fourche, que même les engueulades chez les Droux doivent obéir à certains critères sonores. «C’est vrai, on n’est jamais discordants», plaisantent ces fans de rock. Valérie est imbattable à un «blind test» sur les Rolling Stones et ses t-shirts et son mug à l’effigie du groupe sont légendaires à la radio. «J’adore ces mecs, ils me font vibrer», dit-elle en montrant la fameuse langue tatouée sur un bras. Antoine est plus Metallica ou Iron Maiden. Côté tatouages, il fait plus dans le dragon, dont il aime la symbolique (mais rien à voir avec «Game of Thrones») et qui se déploie joliment sur un de ses bras. Une nouvelle bestiole cracheuse de feu devrait bientôt prendre place sur le second.

Des tatouages que les auditeurs de «Médialogues» n’imaginent peut-être pas s’ils ne passent pas en mode vidéo pour écouter l’émission. Devenue quotidienne cette année mais toujours basée sur l’échange avec un invité. Il en écrit les temps forts, tout est minutieusement calibré, mais «l’important, c’est qu’on ne s’en rende pas compte», précise-t-il. Dans son émission du 9 mars, il accueillait deux collègues qui sont aussi des amies, Aurélie Cuttat (connue à Fréquence Jura) et Christine Gonzalez, pour parler de leur couple et de leur podcast commun, «Voyage au Gouinistan». Au téléphone, cette dernière nous a confié son affection et son admiration pour le couple Droux. «Je les adore, ils sont drôles, sympas, intelligents, j’admire cette part de subjectivité affirmée dans leur travail.» Sans cacher non plus qu’il fait bon être invité à la grande table de ces deux bons vivants. Aux fourneaux, c’est évidemment Antoine qui officie. Son carré de porc pata negra inspiré d’Ottolenghi est, paraît-il, une délectation, comme sa goulasch ou ses fonds de sauce. «Moi, je m’occupe de l’ambiance et j’ouvre les bouteilles!» conclut tout sourire Valérie.

Par Baumann Patrick publié le 20 avril 2022 - 09:03