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Interview

Véronique Jannot: «Je crois aux grandes décisions de l’univers»

Comédienne, chanteuse, mais aussi bouddhiste, Véronique Jannot publie un livre où elle partage ses convictions et ses conseils pour renouer avec des valeurs un peu décriées comme la bienveillance ou la gratitude. Dans ce monde gangrené par la peur, la violence et une technologie qui déshumanise, elle propose une sagesse toute simple pour tenter de se reconnecter à la vraie vie.

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La comédienne Véronique Jannot

Elle voue une passion aux animaux et à la nature. Et aime se ressourcer dans sa maison du Haut-Var avec Kiss, son chien. Pendant le confinement, l’actrice de 66 ans a recueilli deux jeunes merles qui la suivaient comme son ombre. Le dernier chapitre de son livre est dédié à son cheval Alboroto, compagnon d’une vie.

Cédric Perrin/Bestimage/Dukas

Elle a une voix de miel et un enthousiasme de jeune fille. Fut l’actrice emblématique de «Pause café» dans les années 1980, a prêté sa voix au «Désir, désir» de Laurent Voulzy, continue de jouer au théâtre ou à la télévision mais Véronique Jannot, bouddhiste convaincue, partage aussi au travers de ses livres des réflexions plus philosophiques sur le sens de la vie. Face au tourbillon du monde, cette bricoleuse de la joie de vivre met à disposition sa boîte à outils. Pour nous inciter à nous reconnecter à l’essentiel.  

- Mieux vivre l’instant présent, c’est ce que vous nous souhaitez pour 2024?
- Véronique Jannot: Oui, savoir s’arrêter, savoir débrancher. Nous ne sommes pas faits pour aller au rythme qu’on nous impose aujourd’hui. C’est comme si on vous demande de marcher à cloche-pied en permanence. C’est d’autant plus dur d’être dans l’instant présent qu’on vous presse à tout moment pour que vous soyez dans le futur. A un moment, il faut dire stop!

- C’est ce que vous faites?
- Oui, dès que je sens que je suis stressée, que je fais tout de travers, je m’arrête, je prends une grande respiration, je refais tout calmement et je vais beaucoup plus vite. Cela me rappelle ce metteur en scène qui disait à son chef accessoiriste: «Prends ton temps, je suis pressé!» Mon attachée de presse suit mes conseils. Elle prend dix minutes le soir rien que pour elle, elle respire, fait quelques étirements, elle oublie mari et enfants. Ça lui a changé la vie! 

- Il faut s’imposer une discipline?
- Mais il y a du bonheur dans la discipline, du bonheur dans l’exigence. Chez moi, elle est indispensable dans tout ce que je fais. Mais ces mots font peur aujourd’hui, à tort. Vingt minutes de méditation quotidiennes suffisent, c’est loin d’être le bagne. Et ça change sa façon de penser, de vivre. Se faire un monde intérieur qui nous permette de transformer l’extérieur. Ce qui se passe à l’extérieur est tellement dur, tellement violent, cela fait tellement peur. La peur ne sert évidemment à rien, c’est un frein, mais pour ne pas avoir peur il faut déjà se sentir bien en soi. La méditation aide à cela.

- C’est donc devenu urgent de méditer?
- Absolument. Il devrait y avoir des cours de méditation à l’école! A mes yeux, l’être humain est en grand danger. Le métavers qui arrive à grands pas, l’intelligence artificielle, on en rigole parce que ce sont des gadgets pour le moment, mais d’ici peu tant de métiers auront disparu... Le métavers nous prépare une vie rêvée mais il faudra bien retomber dans la vraie, à moins de nous mettre sous perfusion permanente. Moi, cela ne m’amuse pas du tout cette perspective, c’est effrayant!

- Vous dites que la méditation a sauvé votre vie...
- Oui. J’avais 22 ans quand on m’a diagnostiqué un cancer de l’utérus et que j’ai appris que je ne serais jamais maman. Etrangement, le plus dramatique n’était pas lié au risque de mourir, mais de ne pouvoir jamais réaliser mon rêve de maternité depuis mon adolescence. Mon monde s’est écroulé. L’ouverture à la spiritualité m’a aidée à comprendre que la vie d’une femme ne s’arrêtait pas à ça. Que je pouvais construire une autre maison, d’autres murs, mettre d’autres couleurs à ma vie.

- Vous parlez de ce cancer comme d’une bénédiction...
- Quand on traverse cette épreuve, tant de choses deviennent relatives, l’essentiel se dessine vraiment dans votre cœur, devant vos yeux. Le simple fait d’être vivant vous donne le sentiment d’une bénédiction parce qu’on a tout à coup une autre approche de la vie. J’ai eu la chance de pouvoir le découvrir très jeune. J’ai rechuté cinq ans plus tard suite à un gros choc émotionnel. J’ai pris alors conscience du fait que l’émotionnel pouvait déclencher des maladies.

Véronique Jannot avec son compagnon Didier Pironi, décédé en 1987

Avec Didier Pironi, pilote automobile décédé en 1987 lors d’un accident de course offshore. Le choc émotionnel provoqué par la disparition de l’amour de sa vie a réactivé, dira-t-elle, le cancer de l’utérus qui l’avait frappée plus jeune. Et l’a fait se tourner vers des médecines alternatives.

Patrick Jarnoux/Paris Match/Scoop

- «La philosophie bouddhiste m’a tellement apporté», écrivez-vous. La tentation de devenir moine vous a effleurée, comme Davina, qui a animé une célèbre émission de gym à la TV?
- Oui, car j’ai un côté mystique très fort par moments. Mais ce qui a été le plus fort, c’est l’envie de continuer à vivre des aventures, aider les gens; je n’aurais pas été tentée par une vie recluse dans un monastère, même si renoncer à certaines choses ne me faisait pas peur. J’aime trop pouvoir prendre le nouveau radeau qui passe…

- Il y en a un qui passe?
- Plusieurs. Une pièce de théâtre à Paris en janvier avec Jean-Luc Moreau et la tournée «Hits 80» au printemps où je reprendrai mes tubes, «Désir, désir», «Aviateur» et «J’ai fait l’amour avec la mer». Je n’ai jamais fait de scène. Cela m’amuse beaucoup mais j’ai une trouille abominable. 

- Vous ressentez une nostalgie des années 1980?
- C’est très beau d’être nostalgique, ça n’a rien de péjoratif. On peut être nostalgique et rester actif au présent. Mais on avait tellement plus de libertés dans ces années-là, on ne parlait pas d’intégrisme islamique, c’était joyeux, il n’y avait pas toute cette terreur, cette violence. On dansait ensemble et pas tout seuls comme dans une «rave party». J’ai la nostalgie de cette période où on n’avait pas à taper 1, 2 ou 3 pour avoir un renseignement. Il y avait des humains au bout du fil!

A gauche, Véronique Jannot avec Johnny Hallyday; à droite, Véronique Jannot avec Alain Delon

Moment complice avec Johnny et retrouvailles avec Alain Delon qui fut son partenaire dans «Le toubib», sorti l’année de ses 22 ans. Elle avait caché avoir un cancer durant le tournage.

Collection Véronique Jannot; Bestimage/Dukas

- Vous avez adopté à l’âge de 57 ans. La concrétisation de ce rêve de maternité, enfin? 
- Non. Mon désir de maternité s’est tari à 40 ans. J’avais créé mon association Graines d’Avenir qui parraine des centaines d’enfants tibétains, j’avais une vie bien remplie. C’est parce que c’était elle, que c’était nous. On se faisait ce cadeau de la vie de se retrouver. Je crois en quelque sorte aux grandes décisions de l’univers qui nous échappent. Je crois que c’était écrit.

- Vous avez rendu visite à votre fille en Inde pendant sept ans. Pourquoi avoir attendu si longtemps?
- Les enfants tibétains sont très difficiles à adopter. Quand je l’ai rencontrée, Migmar était très jeune. On a appris à se connaître, je lui téléphonais, j’allais la voir, un lien s’est tissé. Elle était déjà quelque part un peu ma fille. Evidemment, quand elle est arrivée, en pleine adolescence, ce fut un véritable tsunami dans ma vie. Mais j’ai l’habitude. A 15 ans, j’ai été propulsée dans ce métier de comédienne avant même de l’avoir choisi et je suis tombée dans la marmite de la maternité à 57 ans! (Rires.)

Véronique Jannot avec sa fille Migmar

Avec Migmar, une orpheline tibétaine adoptée alors que Véronique avait déjà 57 ans et sa fille 15 ans. Elle se destine à devenir réalisatrice.

Collection Véronique Jannot

- Vous croyez beaucoup dans la puissance des femmes, pourquoi?
- Le dalaï-lama a dit que le futur passera par les femmes et les artistes. Je pense que les femmes vont jouer un rôle de plus en plus important. La femme a dans ses gènes la mission de protéger l’humanité, de la faire perdurer. C’est elle qui accepte la douleur pour mettre au monde des enfants. L’accompagnement, la douceur, la tendresse: on n’a jamais eu autant besoin de ces qualités liées au principe féminin. Je n’ai pas envie de voir des femmes devenir des mecs. On peut avoir de l’autorité en restant féminine. Regardez ces femmes qui se battent pour l’égalité au péril de leur vie. Oui, vraiment, j’aime les femmes! 

- Laurent Voulzy, qui a partagé votre vie, est un artiste qui exprime sa part féminine. Les machos n’ont aucune chance avec vous?
- Je n’ai rien contre les machos, je trouve même que quelquefois, un homme un petit peu macho, c’est exquis, mais juste quand il le faut; il y a des moments pour être macho (rires). 

Véronique Jannot avec Laurent Voulzy

«Ecris-moi une chanson», avait-elle lancé en guise de défi à Laurent Voulzy, tombé sous son charme. Elle n’aurait jamais pensé qu’il allait très vite lui proposer «Désir, désir». Un tube de 1984 dont le refrain est encore dans toutes les têtes. Véronique Jannot la chantera de nouveau lors de la tournée «Hits 80» au printemps 2024.

Bertrand Rindoff Petroff/Bestimage/Dukas

- Quel est le secret de votre jeunesse malgré le temps qui passe?
- Tout m’intéresse. La curiosité empêche de vieillir. Comme je n’aime pas survoler les choses, j’approfondis et je vais rencontrer les chercheurs. Mais cela m’emplit de tristesse de voir qu’on ne donne pas aux scientifiques les moyens financiers pour développer leurs découvertes. Par contre, pour empoisonner la planète et tuer les insectes, il n’y a pas de problème! Nous devons réinventer ce lien essentiel avec la nature. Méditer en son sein est une chose merveilleuse. La vie est intimement liée à des champs énergétiques invisibles. Il y a une interaction avec tout ce qui nous entoure. Les scientifiques ont identifié chez les végétaux plus de 700 capteurs sensoriels; cela m’émerveille, il faut retrouver le pouvoir de s’émerveiller comme les enfants.

- Vous avez encore des rêves d’enfant?
- Nager avec les baleines. Aller voir les gorilles des montagnes. Mes rêves sont toujours liés aux animaux. Je n’aurais pas envie d’être dans la navette qui partira sur Mars pour préserver l’espèce humaine si la Terre doit disparaître. Je ne comprends pas les gens qui se construisent un bunker en prévision d’une guerre atomique. Quand ils sortiront, tout sera brûlé, les animaux seront morts, plus de chants d’oiseaux... Quel intérêt? Je préfère partir!

- L’abri antiatomique, c’est une spécialité suisse, vous savez...
- Je sais bien, mais pourquoi faire survivre son corps si on ne peut plus faire survivre son âme?

- Vous avez grandi à Annecy, aux portes de Genève. Quelle est votre relation avec notre pays?
- Nous allions souvent à Genève avec mes parents. C’est aussi en jouant sur les planches du Théâtre de Carouge que j’ai eu la révélation que je voulais devenir comédienne. Je suis aussi la marraine d’un atelier genevois de chromatothérapie. Les couleurs possèdent des ondes qui influencent notre comportement. Quand je ne vais pas bien, je mets du jaune et de l’orange! (Rires.) 

- Votre maman était psychographologue et médium, avait-elle prévu votre fabuleux destin?
- Non. Quand j’avais 15 ans, il y avait peu de temps qu’elle avait découvert son don. On l’a d’ailleurs découvert ensemble en jouant au jeu du verre. Elle pratiquait l’écriture automatique. Ça allait tellement vite que parfois elle n’arrivait pas à se relire elle-même, ça faisait comme une guirlande. Maman avait un imaginaire d’une force incroyable qui m’a beaucoup influencée. Tout lui parlait, elle faisait tout vivre dans la nature, les objets... Tout à coup, une saynète prenait vie sous nos yeux. Je souhaite l’enfance que j’ai eue à tous les enfants du monde.

Véronique Jannot enfant avec sa mère

A 12 ans, à côté de sa maman adorée, qui était médium. L’actrice est persuadée que les défunts continuent de vivre dans une autre dimension...

Collection Véronique Jannot

- «Son absence est un gouffre», écrivez-vous à propos de sa disparition, il y a sept ans, dans un accident de voiture. Vous évoquez les signes qu’elle vous a envoyés de l’au-delà...
- La mort, on y va tous, d’une façon plus ou moins harmonieuse; il faut s’y préparer, mais ces signes sont rassurants dans le sens où on sait que quelque chose est toujours là. La mort est un passage vers un autre monde. Je parle tout le temps à ma mère; mon père, je le sens plus loin.

- Vous avez incarné une infirmière aux côtés d’Alain Delon, une assistante sociale dans «Pause café». Que des personnages positifs. Jouer une perverse narcissique ne vous a jamais tentée?
-Non. J’ai déjà refusé des rôles de méchantes. Je les laisse à des comédiennes qui le feront mieux que moi. Pour faire passer une émotion, il faut la vivre et je n’ai pas envie de me nourrir de choses mauvaises, de haine, même si c’est un jeu. Je n’ai pas envie de donner cette information à mes cellules. Sauf si le personnage est méchant par ignorance et que, confronté à une certaine situation, il évolue et comprend.

Le livre «Le présent est mon refuge» de Véronique Jannot

«Le présent est mon refuge», de Véronique Jannot, XO Editions.

XO Editions
Par Patrick Baumann publié le 4 janvier 2024 - 09:07