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Victoria Boissonnas: «Mon corps brisé m’a menée à l’évidence de l’art»

La Genevoise Victoria Boissonnas a vu sa vie basculer quand son dos s’est brisé. Après deux opérations, des vis, des barres, une cage, un corset, elle nous raconte comment ses problèmes de santé l'ont inspirée à devenir une artiste sous le nom de Vicon.

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Victoria Boissonnas

Victoria Boissonnas est une artiste connue sous le nom de Vicon.

DR

«Je suis née et j’ai grandi ici, à Genève, dans une famille très créative: mon père travaillait dans la publicité, ma mère dans des musées. J’étais la dernière d’une fratrie de trois sœurs, essayant de frayer mon chemin dans la vie. Mes problèmes de santé sont apparus quand j’avais 12 ans: j’ai commencé à avoir des douleurs derrière la jambe, qui ont empiré. On a mis cela sur le compte de la croissance. Cela a duré deux ans. Alors que mes amis évoluaient dans leur vie, j’étais dans la souffrance. Après une IRM, on a découvert qu’une vertèbre avait glissé de 2 cm vers l’avant et qu’elle frottait sur mon nerf sciatique. Cela s’appelle une spondylolisthésis. On m’a opérée: j’ai été ouverte sur 30 cm et j’ai passé dix heures dans la salle d’opération et j’ai porté un corset pendant trois ans.

Je devais avoir 16 ans quand tout s’est cassé dans mon dos. On a dû me réopérer. Après la première intervention, j’avais de l’espoir: je pensais qu’on m’avait réparée et que tout irait bien. La deuxième fois, j’ai compris que cette fragilité allait rester à vie en moi. J’ai dû apprendre à naître dans un nouveau corps: je vis avec six vis, huit barres, une cage, un écrou, une greffe et une cicatrice que j’ai appris à aimer.

C’est l’art qui m’a sauvée. J’ai choisi cette option au collège Claparède et, pendant trois ans, j’ai travaillé sur un projet autour de l’enveloppe corporelle. Je me suis interrogée sur le corset, qui à la fois soutient et blesse, qui fait mal et dont on ne peut se séparer. Un jour, alors que je jouais avec des enfants, en perçant un ballon rempli d’eau, j’ai créé un visage avec le liquide qui coulait en continu. C’est à ce moment que sont apparus des personnages que j’ai créés avec une seule ligne et qui sont devenus ma signature. Je pose mon stylo et quelque chose en moi guide ma main jusqu’au point final. L’art, c’est mon travail.

Je me suis installée à Londres à la fin de 2016, après un voyage d’une année. J’avais 21 ans. J’en ai 27. Je me suis immergée dans cette ville de créatifs et j’ai continué mon exploration. J’ai étudié pendant deux ans à l’UAL, le London College of Communication, University of the Arts, en illustration et communication visuelle. Entre-temps, un morceau de genou s’est fragmenté. On m’a opérée juste avant le covid et l’on m’a de nouveau mis des vis dans le corps. Mes peurs sont revenues. J’ai dû réapprendre à marcher encore une fois et à cohabiter avec mon corps en étant consciente qu’il est fragile. C’est ce corps brisé qui m’a menée à l’évidence de l’art.

Aujourd’hui, je vends mes dessins, crée des objets, des peintures murales sur mesure, des néons, en fonction des commandes des clients… J’ai aussi créé une collection à base de vêtements recyclés. Je peins des motifs dessus et leur donne une seconde vie en les transformant en œuvres d’art uniques. Et ainsi ils renaissent, comme moi…»


Son actu

Ses dessins customisés, prints et vêtements de seconde main peuvent être commandés sur son shop en ligne, chez Black and Yellow et WAP! Concept Store à Genève. Elle va poursuivre ses recherches sur le corps en Inde en janvier 2023.

Par Isabelle Cerboneschi publié le 17 janvier 2023 - 08:53