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Visite de l’orphelinat des éléphants

Au nord du Kenya, dans le premier refuge pour éléphants détenu et géré par une communauté locale en Afrique, les guerriers samburu sont devenus les anges gardiens de ces géants qu’ils ont longtemps considérés comme des ennemis. Une alliance gagnant-gagnant!

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©Ami Vitale

Quand on est un bébé éléphant dans la vallée du Rift, au nord du Kenya, qu’on tombe dans un puits creusé par l’homme en voulant s’y désaltérer et qu’on se retrouve enseveli dans le sable et l’eau, avec juste le dos qui émerge et la trompe qui crie au secours, on a une seule chance de s’en sortir: l’homme.

Et encore. Avant 2016, l’éléphanteau n’aurait-il probablement été tiré de l’eau que pour l’empêcher de la polluer, et les Samburu, peuple guerrier et berger propriétaire de ces terres, auraient ensuite abandonné ce bébé traumatisé, affamé et déshydraté à son destin. Non par cruauté, mais parce que le seul refuge pour éléphants du Kenya se trouvait à 390 km de là, près de Nairobi, et parce que ces hommes ne voyaient alors surtout dans ces pachydermes qu’une menace pour eux et leurs récoltes!

Une première en Afrique

Heureusement, la petite Kinya, dont la photoreporter américaine Ami Vitale a suivi le sauvetage, est née sous une bonne étoile. En 2016, les Samburu, financés par des organisations internationales et soutenus notamment par le Service kényan de protection de la faune, ont en effet fondé l’orphelinat pour éléphants de Reteti, au milieu de leurs terres ancestrales, dans une savane aux buissons épineux d’environ 400'000 hectares dédiée à la protection de la faune sauvage, la Namunyak Wildlife Conservation Trust.

La petite éléphante de 2 mois, baptisée du nom du puits qui a failli lui coûter la vie, pourra donc bénéficier du tout premier refuge pour éléphants détenu et géré par une communauté locale en Afrique!

Mais d’abord, il a fallu la tirer de son mauvais pas. Douze heures de dur labeur pour excaver le puits, en extraire l’éléphanteau, lui prodiguer les premiers soins, puis la longue attente: le troupeau de Kinya repassera-t-il au puits cette nuit? Les Samburu pourront-ils lui rendre la petite rescapée? Bien que les éléphants soient attachés à leurs habitudes, ceux-ci ne reviendront pas dans les 36 heures après la découverte de Kinya, temps réglementaire pour laisser aux bébés une chance d’être récupérés par leur troupeau. La petite sera donc prise en charge par l’orphelinat de Reteti durant trois ou quatre ans, jusqu’à ce qu’elle puisse être rendue à la nature, sevrée et éduquée, dans la région où vivent les siens.

Pas de vie sans pachydermes

Si les Samburu ont oublié leurs craintes jusqu’à prendre aujourd’hui soin des éléphants, c’est que ces bergers semi-nomades ont compris que les géants d’Afrique n’étaient pas en concurrence avec eux, mais dans une relation mutualiste, profitable à chacun. «Les éléphants sont des «architectes» de l’écosystème, ils se nourrissent de broussailles et rasent les petits arbres, favorisant ainsi la croissance d’herbes qui attirent à leur tour une grande partie des animaux brouteurs ainsi que leurs prédateurs. Et, en prime, davantage d’herbe, c’est aussi davantage de nourriture pour le bétail des Samburu», explique Ami Vitale.

A ce jour, Reteti contribue à pacifier une région qui a longtemps été instable, et permet à une soixantaine de Samburu – dont huit femmes – de gagner leur vie, notamment grâce aux touristes qui peuvent visiter le refuge. Et comme l’éducation de la petite classe est prise en charge par les éléphantes les plus âgées, puisque les sages pachydermes vivent en matriarcat, le travail consiste surtout à nourrir les bébés goinfres, qui engloutissent un biberon de 2 litres de lait maternisé toutes les trois heures, 24 heures sur 24, pendant trois à quatre ans!

Europe, ouvre les yeux!

Un lait maternisé que l’on doit à la ténacité de Daphne Sheldrick, citoyenne britannique née au Kenya et décédée l’an dernier, surnommée la mère des éléphants, épouse du fondateur du parc national de Tsavo, décorée par la reine Elisabeth II, qui a consacré 28 ans de sa vie à mettre au point la formule du lait qui sauve la vie des éléphanteaux ainsi que les procédures qui les incitent à s’accrocher à la vie!

Les éléphants d’Afrique sont pourtant toujours considérés comme très menacés. Le continent n’en compte plus que 415'000, contre 526'000 il y a dix ans. Ils tendent d’ailleurs – extraordinairement – à naître sans défenses pour sauver leur peau! La faute aux braconniers et, d’abord, à ceux qui achètent l’ivoire.

La Chine, longtemps numéro un, en a aujourd’hui interdit le commerce. L’Europe a cafouillé, acceptant les objets travaillés dans de l’ivoire acquis avant 1947 ou d’acquisition garantie par un certificat gouvernemental entre 1947 et 1990. Résultat: 75% de l’ivoire vendu en Europe est illégal!


Par Mireille Monnier publié le 4 mars 2019 - 10:16, modifié 18 janvier 2021 - 21:03