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La longévité et la santé, épisode 1

Vivre 100 ans ou plus

En Suisse, comme ailleurs dans les pays développés, on compte de plus en plus de centenaires. Cette semaine, «L'illustré» s'intéresse aux facteurs qui contribuent à mener une longue vie, ainsi qu'aux cinq régions du monde connues pour l’extraordinaire longévité de leurs habitants.

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Longévité

Pour savoir si vous allez vivre longtemps, nul besoin de vous munir d’une boule de cristal. Regardez plutôt jusqu’à quel âge vos grands-parents ont vécu, car c’est un bon facteur de prédiction, confirment les spécialistes interviewés.

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Une femme sur quatre et un homme sur six nés en 2019 devraient atteindre l’âge de 100 ans en Suisse. Au vu de cette importante évolution de l’espérance de vie, un nouveau projet de recherche interdisciplinaire baptisé SWISS100 a été lancé par le Centre Lives à l’Université de Lausanne, en collaboration avec six instituts universitaires suisses. L’étude porte sur 240 centenaires sélectionnés au hasard dans les différentes régions de Suisse, incluant également, pour chacune de ces personnes, l’interview d’un proche ou d’une personne de référence. Elle sera menée jusqu’en 2024.

>> Lire aussi: Avoir mauvais caractère impacte la durée de vie

Financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), elle vise à mieux connaître les caractéristiques, les conditions de vie, les ressources et les besoins d’une population dont, à l’échelle suisse, on connaît encore peu de choses. «Nous souhaitons, par ce travail, être à l’écoute de cette génération, lui redonner un rôle dans notre société, mais aussi réviser nos stéréotypes», déclare Daniela Jopp, professeure en psychologie à l’Université de Lausanne et responsable de l’étude nationale sur les centenaires. La longévité suscite l’admiration et intrigue. Son mystère tient, on le sait, à des facteurs propres à l’individu, un peu à sa génétique, beaucoup à ses comportements, mais aussi à l’environnement dans lequel il vit. Tout cela est savamment intriqué. Décryptage.

Le patrimoine génétique

Il y a des familles où l’espérance de vie est grande. Une génétique favorable y contribue certainement. Pour savoir si vous allez vivre longtemps, nul besoin de vous munir d’une boule de cristal. Regardez plutôt jusqu’à quel âge vos grands-parents ont vécu, car c’est un bon facteur de prédiction, confirment les spécialistes interviewés. Néanmoins, la génétique ne fait pas tout. On estime seulement à 25% son influence sur l’espérance de vie. Certes, nos parents et grands-parents nous transmettent leurs gènes, mais on hérite aussi de leur part d’un certain style de vie. Et celui-ci contribue plus largement à la longévité, à une hauteur de 65%. «L’enfance joue un rôle (environ 5 à 10%), mais pas autant que l’hygiène de vie à l’âge adulte», déclare Karl-Heinz Krause, professeur à l’Université de Genève et spécialiste du vieillissement. Conclusion: nous pouvons mettre toutes les chances de notre côté pour vivre longtemps et en bonne santé.

De l’activité physique, encore et toujours

Bouger est bon pour la santé. En effet, la sédentarité est source de vieillissement précoce. «Il n’y a pas de personnes sédentaires parmi les centenaires», soulève le Pr Krause. Il s’agit moins de faire du sport à haut niveau que d’avoir une activité physique modérée et régulière tout au long de la vie. Les phénomènes qui expliquent ses bienfaits sont complexes. Une masse musculaire suffisamment développée permet d’être mobile et de prévenir les chutes, qui sont une des causes principales de morbidité chez la personne âgée. La masse musculaire participerait également au bon fonctionnement de notre métabolisme. Il y a aussi des connexions privilégiées entre les muscles et le cerveau. Les facultés cérébrales sont bien meilleures chez les personnes actives physiquement. On observe également une amélioration des compétences cognitives chez celles qui augmentent leur degré d’activité physique, en particulier par des exercices d’aérobie.

Manger équilibré

Une alimentation variée et équilibrée est un ingrédient indispensable pour une vie longue et en bonne santé. Il s’agit donc de renoncer autant que possible aux aliments industriels, souvent trop gras, trop sucrés et trop salés. Et de privilégier les produits frais, en faisant la part belle aux fruits et aux légumes, sans oublier les légumineuses (haricots secs, pois chiches, etc.). Les compléments alimentaires, par contre, sont fortement déconseillés: ils sont associés à une moins grande longévité. «Produits chimiquement, ils ne peuvent se substituer à un apport en végétaux frais, riches en vitamines et en fibres. A moins d’une prescription médicale spécifique, ils sont à éviter», indique le Pr Krause. La viande, quant à elle, n’est pas indispensable, poursuit le professeur: «Consommer beaucoup de viande est sans le moindre doute mauvais pour la santé, d’après les recherches scientifiques. Il n’y a pas de données convaincantes quant à l’intérêt d’une consommation modérée, mais on se questionne encore.» Quant au poisson, il pourrait être bénéfique à raison d’une ou deux fois par semaine.

Un poids sain

Une alimentation équilibrée va de pair avec un poids sain. Un indice de masse corporelle (IMC) se situant entre 20 et 25 à l’âge adulte est probablement un des meilleurs garants de longévité. Pour rappel, l’IMC est le rapport entre le poids et la taille (en mètre) au carré. Un IMC inférieur à 20 (minceur, voire maigreur) est associé à une augmentation de la mortalité. C’est le cas aussi d’un IMC supérieur à 30, qui est synonyme d’obésité, elle-même facteur de risque des maladies cardiovasculaires notamment. Au-delà de 80 ans néanmoins, le surpoids et l’obésité ne représentent plus un problème pour la santé. Tandis que la perte de poids, qui va souvent avec une fonte de la masse musculaire, voire un état de dénutrition, est problématique à un âge avancé. Au cours de la vie, enfin, mieux vaut avoir un poids stable que de grandes variations de poids, sources de stress pour le corps.

Des relations sociales

Les personnes qui ont une vie sociale riche ont une meilleure qualité de vie et vivent plus longtemps. Car l’être humain est, par sa nature, un animal social. Etre en lien avec les autres suppose un plus haut degré d’activité au quotidien, lorsqu’on sort de chez soi pour échanger et partager du temps avec ses amis ou sa famille. Cette dimension sociale de la vie est associée à plus d’exercice physique, mais aussi à plus d’intensité sur le plan intellectuel et émotionnel. Enfin, avoir une vie sociale diminue le stress et augmente la production des hormones de bien-être. Les études scientifiques montrent combien l’isolement est un facteur qui augmente la mortalité, au même titre que le tabac et l’obésité. Alors que le grand âge s’accompagne souvent de la perte d’êtres chers, les centenaires disposant d’un réseau social étendu sont davantage protégés.

Prendre la vie du bon côté

Les facteurs psychologiques aussi jouent un rôle important en matière de longévité. «On retrouve parmi les centenaires des gens qui ont du tempérament et de la personnalité, note Daniela Jopp, spécialiste du sujet. Très souvent, ces personnes sont animées par une passion qui les pousse à rester actives et engagées, même à un âge avancé.» Au-delà de la personnalité et du désir de vivre, savoir faire preuve d’optimisme est une clé de la longévité. Autrement dit, le fait de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Le regard que l’on porte sur le vieillissement aussi a un impact: «Ne pas en avoir peur et se montrer ouvert à la vie est en quelque sorte un bon remède», note la spécialiste.

D’autres dispositions psychologiques entrent en ligne de compte, comme la capacité à trouver des moyens pour garder le contrôle sur les événements ainsi que le sentiment d’autoefficacité. Savoir ce qui est bien pour soi et s’y tenir. Mais, face aux épreuves de la vie, c’est aussi savoir mettre les choses en perspective et s’adapter. C’est ce qu’on appelle les stratégies de coping, poursuit Daniela Jopp: «Les personnes à la longévité exceptionnelle sont capables, peut-être plus que les autres, de tirer parti de leur expérience pour surmonter les difficultés de l’existence ou, à défaut, de faire preuve d’une grande acceptation face à l’adversité.»

Pour en savoir plus: «J’ai envie de comprendre comment mieux vieillir», par Christophe Büla et Elisabeth Gordon, aux Editions Planète santé (2018).


Les «blue zones»
 

Certaines régions du monde sont plus propices à la longévité.

Okinawa au Japon, la Sardaigne en Italie, Nicoya au Costa Rica, l’île d’Ikaria en Grèce, Loma Linda en Californie, ces cinq régions du monde sont connues pour l’extraordinaire longévité de leurs habitants. Elles ont été qualifiées de blue zones («zones bleues»), un concept créé par le médecin italien Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain. Comment expliquer cette concentration de centenaires, voire de supercentenaires, dans ces zones géographiques? C’est ce que ces universitaires ont tenté de découvrir. Neuf particularités ont été mises en évidence: un environnement propice au mouvement sans qu’on doive y penser, avoir un but dans la vie, avoir des routines pour gérer les stress de l’existence, prendre un dernier repas léger en fin d’après-midi ou en début de soirée, beaucoup de légumineuses dans les assiettes et très peu de viande (viande blanche cinq fois par mois seulement), une consommation modérée et régulière d’alcool mais avec des amis et/ou durant les repas, l’appartenance à une communauté religieuse, le fait de donner la priorité à sa famille et faire partie de cercles sociaux où une hygiène de vie saine est privilégiée.

Plus d’informations sur le sujet: www.bluezones.com (en anglais)


Des chiffres qui font tourner la tête
 

1831 Le nombre de centenaires en Suisse (au 31 mars 2021).

516 Le nombre de centenaires vivant en Suisse romande. Ils sont 1163 en Suisse alémanique et 134 en Suisse italienne.

109 ans L’âge du citoyen suisse le plus âgé. En l’occurrence, il s’agit d’une Suissesse, la Bernoise Marie Guerne, née le 26 mars 1912.

83,97 C’est l’âge moyen de l’espérance de vie en Suisse. Les femmes vivent toujours plus longtemps, leur espérance de vie étant de 85,6 ans contre 81,9 ans pour les hommes. A noter que l’espérance de vie en Suisse a presque doublé par rapport au début du XXe siècle.

20 ans C’est le nombre d’années de vie en bonne santé que l’on peut gagner si l’on applique les big five: une vie sans tabac, un poids sain, une alimentation équilibrée riche en végétaux et sans produits transformés ainsi qu’une activité physique modérée régulière.

118 ans L’âge de la doyenne de l’humanité, la supercentenaire Kane Tanaka, qui vit au Japon.

Par Elodie Lavigne publié le 1 octobre 2021 - 18:59