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Whitney Toyloy traitée de «salope» 
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L’ex-Miss Suisse Whitney Toyloy a reçu des insultes racistes et sexistes à la suite de ses critiques des CFF postées sur Instagram et relayées par le Blick. 
Des injures qui la font réagir, elle qui d’habitude privilégie l’indifférence et l’humour. Décryptage avec elle de ce phénomène «haters» qui infeste internet.

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Blaise Kormann

Elle n’a pas franchement apprécié. Se faire traiter de «Schlampe» (chienne) dans les commentaires publiés sous un article du Blick, de nana trop jolie pour être intelligente - «la beauté ne signifie pas que le cerveau est là, salope!» - lire qu’elle ne méritait pas son passeport suisse, ferait mieux d’entamer une formation ou d’aller à l’étranger… Pas le genre de propos qui vous met en joie au petit matin.

«L'invasion des imbéciles»

Même si l’ancienne Miss Suisse sait pertinemment que le phénomène «haters», ces personnes qui déversent leur fiel sur le web, n’a fait que s’amplifier avec l’apparition des réseaux sociaux. L’écrivain Umberto Eco avait déclenché une polémique en affirmant qu’on avait «donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, auparavant, ne faisaient que discuter au bar après un verre de vin. On les faisait taire tout de suite, alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un Prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles.»

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Elle entretient une belle relation avec ses milliers de followers. Qui lui ont remonté le moral. Blaise Kormann

Whitney Toyloy n’ira peut-être pas jusque-là, elle qui entretient avec sa communauté de quelque 8000 followers sur Instagram «une belle relation avec beaucoup de bienveillance». Mais elle ne mâche pas ses mots contre la lâcheté des gens qui déversent leur haine cachés derrière leur ordinateur. «Elles sont où, les couilles de celui qui a écrit une lettre anonyme à la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz?» s’enflamme la pétulante métisse de 28 ans, évoquant la prose ignominieuse «on a envie de te piner et t’enculer» reçue par la femme politique durant la campagne électorale.

Si Whitney a à son tour été victime de propos malveillants, c’est en raison justement d’une story sur Instagram relatant une panne d’électricité dans le train où elle a été coincée, dans le noir, debout pendant trois heures. La Vaudoise avait critiqué la gestion de l’incident par les CFF, la qualifiant de pitoyable, en leur souhaitant de n’être jamais confrontés à une crise grave. Le Blick a relayé l’affaire. Quelque 200 commentaires de lecteurs ont suivi, dont un petit dix pour cent injurieux. «L’un d’eux disait que je ne méritais pas mon passeport suisse ou que je ferais mieux de trouver une formation. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui répondre: «Ecoutez, mon bachelor et moi-même nous portons bien depuis cinq ans, merci.»

«Sois plus intelligente»

La jeune femme sourit, tenue décontractée, les jambes repliées sur le canapé de son salon. «Je vouvoie toujours et je reste polie avec si possible un peu d’humour, tout ce que les haters ne font pas. Mon papa me disait toujours: sois plus intelligente! Le gars qui me dit que je ne mérite pas d’être Suisse, je l’imagine avec sa petite grille d’analyse dans la tête, sa check-list à cocher sur ce qu’il faut avoir pour être un bon citoyen. J’aurais envie de lui proposer une journée nationale du Suisse authentique sur trois générations, le seul qui serait ce jour-là autorisé à travailler. Il n’y aurait pas beaucoup de monde pour faire marcher le pays!»

L’humour ou l’indifférence sont ses armes en général, mais parfois c’est bon aussi de ruer dans les brancards. «Je suis toujours partagée entre l’indifférence et la riposte; si la première est la meilleure des réponses, je n’ai pas non plus envie de me laisser salir. La liberté d’expression qu’on a en Suisse est une grande chance, mais ce n’est pas un passe-droit aux insultes.» Un avis qui lui fait dire au parti UDF, qui vient de lancer un référendum contre l’extension de la norme antiraciste aux discriminations fondées sur l’orientation sexuelle: «Hé, les gars, ne gaspillez pas votre énergie, il y a d’autres combats à mener quand la planète est menacée d’extinction!»

Cool et sympa, mais...

Elle s’anime, caresse ses deux chats qui pointent le museau, aussi célèbres qu’elle depuis ce titre de plus beaux chats du canton décerné par le quotidien 24 heures. Attention, leur patronne est cool et sympa, mais gare à celui qui se croit tout permis, elle sort aussi ses griffes! «L’autre jour, au D (boîte lausannoise, ndlr), un gars que j’avais peut-être dépassé dans les escaliers m’a injuriée. Je me suis retournée et je lui ai dit: "OK, tu me traites de sale pute mais tu viens me le dire en face." Evidemment, le mec s’est dégonflé!»

Son ami Johan rappelle, lui, l’épisode où Whitney a entendu des jeunes sur son palier lancer, en découvrant son nom sur la porte: «C’est la Miss Suisse, cette sale pute!» «Je suis allée devant ma porte, leur criant de revenir me voir… Le lendemain, je suis allée frapper à la porte du voisin qui les avait accueillis…»

Nombre de plaintes en hausse

Dans notre pays, le nombre de plaintes pour injures traitées par les tribunaux est en constante augmentation, ayant passé de 7801 en 2015 à 9013 en 2018. Whitney, elle, ne portera pas plainte. «C’était limite. J’ai googlisé deux ou trois noms, je ne l’avais plus fait depuis mon élection à Miss Suisse en 2008. Franchement, quand j’ai vu le profil de certains, j’étais même plutôt fière d’être insultée par eux (rires)! En plus, franchement, quand tu es haineux comme ça, c’est que tu n’es pas bien dans ta vie!»

On a souvent demandé à cette fille née d’une mère suisse et d’un père noir américain si elle avait souffert de racisme durant sa jeunesse. «Pas vraiment, heureusement. Bien sûr, j’avais bien remarqué que, lorsqu’on passait la frontière avec ma mère au volant on ne se faisait jamais arrêter, alors que, quand c’était mon père, le contrôle était systématique!»

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Whitney Toyloy, Miss Suisse 2008, aujourd’hui dans le marketing, revendique le droit d’exposer sa vie privée sur Instagram sans se faire insulter. Blaise Kormann

En France, la journaliste et animatrice TV Rokhaya Diallo a déposé une plainte pénale contre un internaute qui avait lancé sur Twitter un appel au viol contre elle. Le réseau a dû dévoiler son identité. La journaliste a raconté s’être retrouvée au tribunal devant un jeune de 23 ans qui ne comprenait pas qu’on l’empêche de s’exprimer comme bon lui semble. «C’est exactement ça, s’exclame Whitney, on confond liberté d’expression et liberté d’insulter. A la place de cette journaliste ou de Rebecca Ruiz, j’aurais aussi porté plainte. Après mon élection en 2008, un parti extrémiste avait écrit que j’étais un abcès pour la Suisse. Le comité Miss Suisse a porté plainte; il a été condamné.»

La jeune femme ne cache pas que l’épisode du Blick l’a blessée malgré tout. «Heureusement, j’ai reçu des centaines de messages de soutien sur Instagram. Et à ceux qui me rétorquent que c’est le prix à payer pour avoir un compte public, je réponds que si j’ouvre ma vie sur les réseaux sociaux, si j’accepte de montrer énormément de choses, cela n’autorise pas tout. Si je vous invite chez moi, cela ne veut pas dire pour autant que vous avez le droit de pisser dans mon couloir!»


Par Baumann Patrick publié le 19 avril 2019 - 12:35, modifié 18 janvier 2021 - 21:04