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Yann Lambiel: «Je me fous plus de moi que des autres!»

A 50 ans, vingt-huit ans après ses débuts, l’humoriste-imitateur-musicien-chanteur-batteur-ventriloque continue de surprendre et d’innover. Il repart sur les routes romandes avec un nouveau spectacle mêlant humour et technologie. Plongée dans le cerveau d’un artiste plus connecté que jamais.

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Yann Lambiel présente son spectacle «Connecté»

Dans «Connecté», son onzième spectacle aussi technologique qu’humoristique, le Valaisan prouve une nouvelle fois sa capacité à innover. Les 180 spectateurs du chapiteau seront entourés de 80 mètres d’écrans LED et assis sur des chaises pivotantes qui tourneront au gré du déroulé du programme. «Avec ce dispositif inédit, tout le monde sera assis au premier rang», assure l’artiste.

Darrin Vanselow

«Vous accepteriez, vous, que les gens voient toutes les pensées qui se bousculent dans votre tête?» Cette question, moins inspirée de la science-fiction qu’il n’y paraît à l’heure de l’intelligence artificielle, Yann Lambiel va la poser chaque soir à son public à partir du 25 janvier, en préambule à son nouveau spectacle qui le conduira à travers la Romandie pendant près de deux ans. Dans «Connecté», l’humoriste invite en effet les personnes occupant les 180 fauteuils du chapiteau à découvrir le contenu d’une puce électronique qui connecte son cerveau à une machine. Ainsi, deux heures durant, le public voyagera avec lui dans ses souvenirs, ses émotions, ses peurs, son imagination et ses fantasmes, grâce à un système immersif de haute technologie. «Une version vaudoise de la Sphere de Las Vegas», résume Christian Lenschen, son co-inventeur. Un dispositif au sein duquel le spectateur, assis sur une chaise pivotante, est entouré par 80 mètres d’écrans LED à 360 degrés, «ce qui me permet de regarder chacun d’eux dans les yeux tout au long du spectacle», s’enthousiasme Yann Lambiel. Le onzième de sa longue et riche carrière. 

- Vous adorez à ce point la technologie?
- Yann Lambiel: Non. Au contraire. Je ne sais pas l’utiliser et je m’énerve très vite devant mon ordi. Raison pour laquelle je n’accroche pas aux réseaux sociaux. Du coup, il y aura heureusement des gens compétents pour appuyer sur les boutons.

- Vous aimez vous mettre en danger, alors?
- Il y a de ça. Oser innover, faire des choses que les gens n’attendent pas. C’est peut-être grâce à ça que je suis encore là. Imiter, c’est bien, mais, au final, c’est toujours les mêmes. Il faut changer le cadre, l’emballage. Avec l’intelligence artificielle qui envahit notre quotidien, monter un spectacle autour de la technologie m’est tout de suite apparu évident.

Yann Lambiel présente son spectacle «Connecté»

Yann Lambiel en action et en répétition devant un écran sur lequel s’afficheront ses pensées. Au premier plan, les techniciens aux manettes.

Darrin Vanselow

- N’y a-t-il pas un risque de rompre le lien avec le public en apparaissant par écrans interposés?
- C’est tout le contraire. Dans cette configuration, tous les spectateurs seront au premier rang. Après les avoir accueillis personnellement à l’entrée, je resterai très proche d’eux. Il y aura même un fort côté humain, presque intime, que le spectacle va encore renforcer puisque je dévoile tout ce qu’il y a dans ma tête. Cela ressemblera à une soirée entre potes. Une expérience inédite aussi bien pour le public que pour moi. Et puis, cette fois, je me fous plus de moi que des autres. 

- A 50 ans, c’est aussi une façon de rajeunir votre public?
- Oui et non. Je voulais un spectacle passe-partout, qui emballe mon fils de 16 ans, interpelle mes parents et rallie toutes les générations entre deux. Pour y arriver, j’ai dû me donner un sacré coup de pied aux fesses, sortir de ma zone de confort. J’ai compris que le temps de faire du Claude François était révolu. Je me suis entouré d’une équipe de jeunes, qui n’ont pas les mêmes références. Jusqu’ici, j’ai toujours travaillé avec Jean-Luc Barbezat. Christophe Burgess, qui vient du théâtre et qui a la moitié de son âge, m’emmène sur d’autres chemins. Quand je fais des choses à ma sauce, il me dit parfois: «Laisse tomber, fais autrement.» Ça m’oblige à me réinventer sur un tas de détails. Il y a des décisions que j’ai prises avec lui que je n’aurais jamais prises avec Jean-Luc. C’est comme ça. Une question de génération. Et s’auto-bousculer est très motivant.

- Un nouveau Lambiel en somme?
- Un Lambiel différent. A vrai dire, je me suis inspiré de Johnny Hallyday, qui a réussi quelques trucs géniaux pour rester dans le coup. A chaque fois que sa carrière a décliné, il a eu l’intelligence de s’entourer de jeunes pour se relancer. Michel Berger, Jean-Jacques Goldman à l’époque, Zazie, Obispo et d’autres plus tard. Il a su constamment changer l’emballage. Look, habillement, attitude, décor, discours, tout a évolué avec le temps. 

Yann Lambiel présente son spectacle «Connecté»

Un des décors du spectacle avec un petit Pacman jaune aux lunettes de Yann Lambiel car, comme dit l’artiste: «Pacman, c’est comme la vie... Il faut trouver le bon chemin dans son existence.»

Darrin Vanselow

- Vous allez tourner à l’étranger aussi?
- Pas du tout. Ce spectacle parle de moi et, comme je ne suis pas connu à l’étranger, ça n’aurait aucun sens. 

- Il est vrai que, contrairement à pas mal de vos collègues, conquérir Paris n’a jamais été une obsession pour vous…
- J’ai essayé il y a vingt ans, puis avec le spectacle des «Quatre sans voix». Mais je n’en ai jamais fait une fixette. Ce qui me rend intéressant, c’est de parler des personnalités suisses. Si je fais Macron à Paris, je me retrouve au milieu de tous les imitateurs qui font Macron à Paris. Je préfère faire Sarkozy qui parle avec Alain Berset. Et puis, pour réussir à Paris, il faut y habiter, y passer beaucoup de temps. Je n’ai pas envie. Moi, je suis un produit bio local et j’aime bien la Suisse romande. 

- Mais ce n’est pas grand, la Suisse romande. On a vite fait le tour…
- Ce n’est pas grand, mais j’en suis malgré tout à mon onzième spectacle. Sans compter ceux avec Marc Donnet-Monay, les revues, la radio, la télé et tout le tintouin. A moi de trouver la bonne idée tous les deux ou trois ans pour ne pas devenir ringard. Cela étant, j’ai forcément le sentiment de faire un peu partie des meubles. On en plaisante avec Joseph Gorgoni en constatant que c’est à nous qu’on confie les émissions de fin d’année pour Noël. A notre âge, on doit avoir quelque chose de rassurant. Ça me plaît assez, ce rôle.

- Vous ne vous dites jamais «Un jour, j’arrêterai»?
- Je me dis: «Un jour, je ralentirai.» J’arrêterai de faire la radio le matin, les répétitions la journée, l’écriture de la radio du lendemain à 17 heures, puis le spectacle le soir. Quand tu arrêtes, ça veut dire que tu n’arrives plus. Je ne connais personne qui est en super forme qui arrête. Et ceux que je connais s’emmerdent ou picolent. Ça n’a aucun intérêt. Il faut toujours avoir un projet. Perso, j’en ai plein!

- Vingt-huit ans plus tard, vous paraissez content de vous...
- Plutôt, oui. Lorsque j’ai participé à l’émission «Miss et Mister» de la TSR, en 1996, j’avais dit que mon ambition était de vivre de ce métier. Mais il y a plusieurs façons d’en vivre. On peut tourner dans les centres commerciaux ou les soirées villageoises. J’ai réussi à dépasser ce stade. Aujourd’hui, les gens paient pour venir me voir. C’est quelque chose qui ne cessera jamais de me fasciner...

Par Rappaz Christian publié le 26 janvier 2024 - 08:44