Les voilà qui vont faner une fois encore, ces belles affiches pleines de dents rassurantes et de regards déterminés. Les – ou plutôt «quelques», à en juger par le taux de participation – Vaudois·e·s ont voté, elles ne serviront plus. Très vite, les bouilles de Grégoire Junod et de ses potes, dont le poster électoral rappelait plus une nouvelle émission de France Inter que le socialisme de leur parti, finiront arrachées, remplacées ou jaunies par le soleil d’un printemps naissant. Les deux nanas «encore assez bonnes» du Centre (je ne fais que citer ici un consensus glané auprès de certain·e·s ami·e·s mal pensant·e·s) céderont leur place au nouveau McFlurry saveur TUC. Le pétulant Bruno Dupont et son Action nationale et chrétienne n’agiront plus, ni nationalement, ni chrétiennement. Jusqu’à la prochaine fois qu’ils et elles auront besoin de nous. Je parle de Lausanne car j’y réside, bien sûr, mais je suis persuadé que vous avez les mêmes chez vous, en d’autres lieux et d’autres temps.
Quelle affaire, ces affiches, tout de même! Que ce soit à l’échelon communal (comme c’était le cas ce mois-ci en Vaudoisie), cantonal ou fédéral, elles s’en vont et reviennent inlassablement, aux mêmes moments, comme une lente marée de visages et de promesses. La recette ne change jamais, comme les affiches des spectacles d’humour français. «Lisa Mazzone en remet une couche!», «Christophe Darbellay ne vous a pas tout dit!», «Jean-François Rime fonce dans le tas!»... Une tronche, un slogan, une date. Le cauchemar des créatifs. «Cette année, on avait pensé vous montrer assis en salle de réunion, en train d’animer une séance de manière passionnée…» «Non. Ce sera moi, debout devant un paysage, en train de rien branler avec l’air benêt.» «Comme vous voulez, monsieur Broulis.» «Et n’oubliez pas le slogan!»
Et les militant·e·s de coller, de poster, de distribuer sur la place du marché les visuels flambant vieux de leurs poulains respectifs… Avec leurs casquettes PLR ou leurs coupe-vent Les Vert·e·s. Bon Dieu, que ça me rend triste! Pas leur motivation et leurs combats (les casquettes PLR un peu plus, j’avoue), mais le fait qu’on doive en arriver là pour nous intéresser à la politique. Qu’on puisse espérer glaner quelques voix supplémentaires en ayant l’air «sympa» devant une montagne ou «sérieux» devant un lac. Qu’on doive encore convaincre une mémé de voter pour soi la veille de l’élection grâce à un stand tenu par «des jeunes gens très courtois»… Comme un cri de désespoir devenu tradition. «On est là! Pensez à nous! Au pire, la prochaine fois! On sera de nouveau là!» A prix d’or et en vain, me trouvé-je à penser la mort dans l’âme, sans pour autant m’être documenté sur l’efficacité de ces campagnes. J’imagine qu’une ou deux études la confirment, sinon, vraiment, c’est du masochisme pour cotisations d’adhérent·e·s.
Il n’empêche: tout comme les affiches, l’histoire se répète. Une fois encore, à peine plus d’un tiers de la population lausannoise se sera rendue dimanche aux urnes pour le renouvellement de son appareil législatif et exécutif communal. Pas pour dire que tout le monde s’en fout, mais disons que si seulement un tiers de mon sang s’intéressait à mon cerveau, j’aurais du mal à chanter «La traviata». C’est ingrat, la politique. Personne ne vote pour vous mais vous êtes élu·e quand même, pis après tout le monde vous déteste si vous faites faux. Et dans l’intervalle, un amuseur public se sera foutu de vos belles affiches. J’aimerais pas être vous. Bon mandat.