Comment traiter les faits de société avec force? Le World Press Photo actuellement exposé à Prangins met en lumière des vraies signatures photographiques par de grands photojournalistes. A voir jusqu'au 9 décembre. Démonstration en 3 images primées.
Dans un tout autre style, le photographe sicilien indépendant Alessio Mamo, remporte le deuxième prix de la catégorie "Société" avec l'image de la petite Manal portant un masque de protection après une chirurgie reconstructive. La fillette, défigurée par l'explosion d'un missile à Kirkuk en Iraq a bénéficié d'un programme de chirurgie de reconstruction plastique financée par l'ONG Médecins sans frontières, à l'hôpital Al Mowasah à Amman en Jordanie. L'image en noir et blanc est parfaitement construite, graphique, la lumière est focalisée sur le visage, le reste du corps brûlé et les dessins d'enfants du décor restent dans l'ombre. Le regard se pose d'abord sur le masque. L'enfant ne sourit pas, mais pose dans une attitude fière et combative nous rappelant le lutteur mexicain masqué avant son entrée sur le ring. Alessio Mamo est un as de la synthèse photographique. Il sait construire l'image pour condenser en une seule photo la violence des armes et la force retrouvée grâce au travail des chirurgiens de l'ONG. Magistral! Alessio Mamo
Le photographe chinois Li Huaifeng travaille comme un peintre flamand du XVIIe siècle. La lumière pénètre par la fenêtre dans un lieu sombre. Elle éclaire une scène du quotidien en l'occurence celle de deux frères à la mine réjouie en train de préparer à manger. Un petit chien jappe de plaisir au premier plan. Quelques instruments de cuisine et des courges forment une belle nature morte automnale. Puis le regard s'habitue à la pénombre et comme dans les peintures de Vermeer ou de Bruegel on découvre le détail qui détonne : un ordinateur portable sur lequel se déroule manifestement une scène drôle qui fait rigoler les deux célibataires. On est bien au XXIe siècle. Li Huaifeng a dû passer des heures à retravailler cette image avec un logiciel de traitement photographique pour arriver à recréer cette distorsion temporelle absolument parfaite. Le décor est très ancien puisqu'il s'agit d'un yaodong, une maison-grotte creusée dans du loess, une terre limoneuse, meuble et préhistorique. La plupart des yaodong datent de la dynastie Qing du XVIIe siècle. Les habitants ont pour beaucoup quitté ces grottes traditionnelles sans eau courante et système d'assainissement, sauf ces deux frères. Diverses sources
Classées dans huit catégories différentes, les images primées du World Press Photo sont visibles au Château de Prangins jusqu'au 9 décembre 2018. La semaine prochaine nous vous proposons un travail photographique au long cours sur les conséquences catastrophiques d'un barrage pour les peuples qui vivent de l'eau de la rivière Omo en Ethiopie. Fausto Podavini
