Cette année-là, saint Norbert de Xanten fondait ce monastère, situé dans la province belge du Brabant flamand. A l’époque, les religieux comptaient sur ce breuvage calorique pour passer les quarante jours de jeûne séparant le mercredi des Cendres et Pâques. Ce qui, jadis, fut une nécessité est devenu un plaisir. Désormais, les gourmets dégustent les bières de Grimbergen avec une entrée ou un plat principal. Mais elles se marient aussi fort bien avec les desserts, créant de véritables feux d’artifice gustatifs. Neuf cents ans de tradition brassicole, cela laisse des traces. Tout comme la discipline, la persévérance et la ferveur des moines marquent leurs bières. Jamais ils n’ont renoncé à l’abbaye ou à la brasserie, malgré trois incendies. Chaque gorgée est imprégnée de cette histoire comme du cœur mis à l’ouvrage.
Mieux encore, plus de deux cent vingt ans après son invention, les moines ont retrouvé la recette originale de la fameuse bière dans des volumes datant du XIIe siècle. Durant la Révolution française, on les avait cachés dans un trou du mur de la bibliothèque. «Nous avons remis la main sur ces ouvrages que l’on croyait perdus, mais personne n’était capable de déchiffrer ces anciennes recettes, rédigées en latin et en vieux néerlandais. Il a fallu quatre ans pour y parvenir», explique le père Karel Stautemas, sous-prieur. Les membres de l’ordre y ont trouvé des précisions sur la méthode de brassage originale utilisée par leurs confrères au Moyen Age. Ils employaient par exemple du houblon au lieu d’herbes fermentées. Désormais, on réalise de nouveau les brassins selon la recette ancestrale, à quelques détails près: «Je ne suis pas convaincu que la bière de l’époque séduise les consommateurs actuels», relève Karel Stautemas. «Elle avait un peu moins de goût et ressemblait à une sorte de pain liquide», précise Marc-Antoine Sochon, le nouveau maître brasseur. Les moines de Grimbergen emploient encore des fûts en bois et misent sur les particularités du terroir, refusant toujours d’ajouter le moindre additif artificiel à leur breuvage.
L’histoire mouvementée de l’abbaye de Grimbergen continue donc à marquer le fort caractère de ses bières. Les amateurs reconnaissent au premier coup d’œil le phénix d’or qui figure sur leurs étiquettes. Il symbolise la résilience à toute épreuve dont ont fait preuve les moines de Grimbergen. En 1142, durant le conflit opposant la noblesse de Grimbergen et le duc de Brabant, un incendie a entièrement détruit l’abbaye et sa brasserie. Les moines ont profité des quatre cents ans de paix qui ont suivi pour reconstruire les bâtiments et développer leur savoir-faire brassicole. Tout va bien jusqu’en 1566, où le feu réduit de nouveau le monastère à néant. Chassés par les guerres de religion, les moines s’enfuient. Trente ans plus tard, l’abbaye renaît de ses cendres tel un phénix sous l’impulsion d’une nouvelle génération de frères. Dans la foulée, ils réédifient aussi la brasserie. Après un autre incendie qui transforme en poussière l’abbaye de Grimbergen pour la troisième fois durant la Révolution française, les moines la rebâtissent.
Aujourd’hui, le père Karel gère la vie spirituelle et travaille main dans la main avec le maître brasseur Marc-Antoine Sochon. «Grimbergen est un endroit idéal pour faire revivre les traditions», affirme-t-il. A l’instar du phénix, elles renaissent et se vivifient au contact de nouvelles idées. Les moines aiment essayer de nouveaux styles et des ingrédients inédits. «En associant neuf siècles de savoir-faire et des innovations, nous créons de nouvelles bières. Mariées aux plats les plus divers, elles rendront leur dégustation encore plus intéressante», conclut le père Karel.
L’association parfaite
Avec ses arômes de fruits mûrs et de clou de girofle, cette Blonde accompagne idéalement des bouchées à la reine.
L’agréable douceur de fruits rouges de la Rouge Intense en fait une parfaite compagne pour une mousse au chocolat.
Agrumes, coriandre, bergamote et clou de girofle: les arômes de la bière Blanche siéent à merveille aux croquettes au fromage.
Les saveurs douces-amères de la bière Ambrée dialoguent agréablement avec les notes terreuses d’une salade de betterave rouge.