Daniel Strub, directeur Payroll et HR Services chez Bell Suisse, tient d’emblée à mettre les choses au point: «Toutes les mesures en matière de gestion de la santé en entreprise (GSE) se réfèrent aux conditions de travail telles qu’on peut les trouver dans une entreprise de boucherie-charcuterie classique telle que Bell.» Ce boucher de formation vise le cœur de métier de l’entreprise alimentaire, dont le champ d’action dépasse depuis longtemps le seul domaine des produits carnés. Et pourtant, le groupe d’envergure internationale a commencé en 1869 comme une simple boucherie. Ce qui reste, aujourd’hui encore, la branche la plus connue du numéro un dans le secteur de la viande en Suisse.
Le métier de boucher-charcutier est exigeant. «Ce sont des emplois éprouvants, pour les jeunes comme pour les moins jeunes. On est debout toute la journée. On commence très tôt le matin. On travaille dans le froid et l’humidité. C’est une activité physique classique», explique Daniel Strub. Selon lui, les charcutiers y sont habitués. Mais chez Bell Suisse, parmi les 2800 collaboratrices et collaborateurs répartis sur les 14 sites, on trouve également beaucoup de personnes non qualifiées qui n’en ont pas l’habitude.
Voilà pourquoi la promotion de la santé et la prévention jouent un rôle essentiel. Depuis 2016, Bell Suisse est certifié «Friendly Work Space». L’équipe GSE comprend cinq personnes, parmi lesquelles Noémie Windenberger, responsable du service Administration de la division Seafood et présidente de la représentation du personnel chez Bell Suisse.
«Nous faisions déjà beaucoup auparavant, mais sans que ces actions soient regroupées sous le terme de GSE», résume Daniel Strub. C’est ce que la première certification a montré, dit-il. Entre-temps, Bell Suisse a passé avec succès la deuxième évaluation de renouvellement. Tous les trois ans, les entreprises certifiées «Friendly Work Space» sont soumises à une nouvelle évaluation. «Grâce au label, nous nous sommes imposé des structures», explique Daniel Strub. La GSE permet de faire énormément de choses, «mais il est important pour nous que les offres soient mises en place et traduites dans la réalité.»
«Nous travaillons en étroite collaboration avec la compagnie d’assurances SWICA, elle-même une entreprise certifiée «Friendly Work Space». Nous avons mis en place une gestion globale des absences en arrière-plan. Et à partir de là, nous prenons des mesures dans le cadre des réunions d’évaluation», observe Daniel Strub. Une cause d’absence qui revient fréquemment est due aux problèmes de squelette liés à l’activité physique. L’ergonomie au travail fait donc l’objet d’une attention particulière depuis des années.
«Nous avons procédé à l’analyse des postes de travail en coopération avec les spécialistes de SWICA.» Il s’agit d’examiner ce qui peut être amélioré, explique Noémie Windenberger: «Dans une journée typique, les personnes qui travaillent à la réception des marchandises du secteur Seafood soulèvent dans les trente tonnes de poisson. Pour les soulager, nous avons installé et programmé différentes machines.» Entre-temps, les mesures prises vont encore plus loin, comme l’explique Daniel Strub: «Sur plusieurs sites, nous utilisons des exosquelettes.»
Avant tout destinées aux personnes paralysées jusqu’à présent, ces structures de soutien mécaniques sont désormais souvent utilisées pour assister les activités manuelles. Mais qu’en pensent les membres du personnel de Bell?
«Certains ont le sentiment que cela les aide», répond Noémie Windenberger. D’autres ne s’y sentent pas à l’aise, explique-t-elle. Les innovations mettent parfois du temps à convaincre tout le monde, c’est normal, explique Daniel Strub. «Cela demande trop de temps, ce n’est pas possible», entend-on souvent.
Le label «Friendly Work Space» définit le standard de qualité suisse pour la gestion de la santé en entreprise (GSE) mise en œuvre de manière systématique, avec le soutien du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). La fondation Promotion Santé Suisse, disposant d’un mandat légal, délivre la certification. Celle-ci repose sur six critères de qualité qui rendent la santé des collaborateurs·trices tangible et quantifiable et sont contrôlés et confirmés par des assesseurs·euses externes indépendant·e·s. «Une GSE systématique est rentable pour les entreprises et les organisations, notamment en raison de son effet préventif, des mesures de réinsertion rapide et des gains de coûts qui en résultent. De plus, la GSE et le label «Friendly Work Space» jouent un rôle de plus en plus grand dans l’Employer Branding», ajoute Thomas Brändli, responsable de projet Communication GSE.
C’est pourquoi la communication occupe une place déterminante dans la gestion de la santé en entreprise. Bell Suisse mise sur plusieurs canaux. Les offres sont signalées par voie d’affichage, dans le journal d’entreprise et à travers des prospectus. En parallèle, tout ce qui concerne la GSE se trouve également sur l’intranet, où le CEO de Bell s’adresse au personnel en vidéo sur le thème de la santé. La notoriété de l’offre GSE est bien établie, comme le montre un mémoire de bachelor sur le sujet. En effet, 70 pour cent des collaboratrices et des collaborateurs connaissent l’offre. S’agissant de l’utilisation, elle est variable selon l’offre, reconnaît Daniel Strub.
Pour que la GSE soit encore mieux adoptée par le personnel, une application va être lancée. «Le principe consiste désormais à amener l’information aux gens plutôt que de leur demander d’aller la chercher», explique-t-il. L’objectif est d’atteindre tout le monde en ligne. «Nous pouvons ainsi déployer notre communication et les membres du personnel peuvent télécharger les informations une fois par semaine», fait remarquer Noémie Windenberger. Compte tenu de la diversité du personnel, originaire de 70 pays environ, les informations sont communiquées en plusieurs langues.
Les cadres jouent un rôle clé dans l’ancrage des mesures et surtout dans la prévention, y compris pour la détection précoce et l’intervention. Pour être en mesure de remplir cette mission, les 400 responsables d’équipe de la production, de l’administration et des différents niveaux d’encadrement suivent régulièrement des formations.
«En plus des problèmes physiques, nous sommes de plus en plus confrontés à des problèmes psychologiques», témoigne Daniel Strub. C’est pourquoi le programme «Entraînement à la gestion des absences» a été lancé l’an dernier. «Sa particularité réside dans le fait que nous travaillons avec un théâtre et des comédiennes et comédiens qui jouent des scènes. Les membres du personnel peuvent participer, mais n’y sont pas tenus. C’est quelque chose que nous avons découvert lors d’un événement organisé par Promotion Santé Suisse et que nous avons désormais adopté.» Cette offre a été très bien accueillie, comme le montrent de nombreuses réactions des collaboratrices et des collaborateurs.
«Comment puis-je, moi qui suis cadre, aborder le sujet des absences? Cela semble très simple vu de l’extérieur, mais de nos jours, on attend de la part des chefs qu’ils soient à la fois professionnels dans leur domaine et fins psychologues. C’est incroyablement difficile», constate Daniel Strub.
Dans les cas d’absences, on ne voit souvent que la partie émergée de l’iceberg, explique Daniel Strub à propos du stress psychologique. Mais peut-être qu’en plus de la pression au travail, les employé·es doivent faire face à des problèmes personnels de nature familiale ou financière. Des problèmes qui, selon lui, ont augmenté. «Il y a un effet d’accumulation: la pression ne diminue pas au travail et les soucis privés viennent s’y greffer. Tous ces motifs nous échappent.»
Face aux problèmes psychologiques qui peuvent survenir dans le cadre d’une entreprise artisanale, les personnes concernées se demandent souvent si elles peuvent en parler à leurs supérieur·es. Les maladies mentales ont longtemps été stigmatisées. «Mais les mentalités sont en train d’évoluer», constate Noémie Windenberger. Selon elle, les cadres y sont désormais sensibilisés. «Nous sommes là et nous disposons des outils nécessaires. Les gens doivent juste franchir le cap de venir nous voir», explique Daniel Strub.
Les 150 personnes en apprentissage chez Bell subissent elles aussi leur lot de stress. La transition entre l’école, où l’on reste assis, et l’environnement professionnel, où l’effort physique est exigeant, peut être difficile. «Nous faisons le nécessaire pour aborder ces sujets et aller à la rencontre des apprenti·e·s. Nous utilisons notamment le programme Apprentice de Promotion Santé Suisse, qui propose des conseils dans le document de travail 55.» Au-delà, les actions menées par Bell Suisse ont valeur d’exemple. Ainsi, l’année de consolidation offre un emploi pour au moins un an à toutes celles et ceux qui ont terminé leur apprentissage.