Pour baisser sensiblement sa consommation d’énergie au quotidien, il faut d’abord savoir de quoi on parle. Soyons informés et rationnels! Gardons aussi à l’esprit que les deux énergies qui risquent de manquer, l’électricité et le gaz, ont chacune leurs spécificités. Rappelons-nous encore que la marge de manœuvre n’est pas la même si l’on est un locataire ou un propriétaire, un habitant d’une villa ou d’un grand immeuble, une personne vivant seule ou une famille nombreuse, un ménage modeste ou un ménage aisé. A chacune et à chacun d’inventer ses tactiques éco-énergétiques pour diminuer sa consommation et modérer ainsi la hausse de ses factures.
1. Maîtriser le sujet
Un consommateur d’énergie bien informé sera plus efficace et motivé pour traquer ses propres gaspillages. Il existe d’innombrables sites internet sur le sujet, des dossiers en format PDF prêts à être imprimés (cela économise de l’électricité et le document restera lisible en cas de black-out!). Il faut en tout cas savoir que le grand défi à relever est celui de l’électricité. Dans la Suisse de 2022, tout s’arrêterait si l’électricité venait à manquer: les lumières, les chauffages centraux, le paiement électronique, les distributeurs d’argent, les gares, la plupart des transports publics ou encore les antennes de téléphonie mobile après deux ou trois heures. Même les installations solaires seraient à l’arrêt. Alors devenons des chasseurs d’électrons avisés!
2. La règle du 20°C maximum
Mais avant la seule électricité, il y a le chauffage, un gouffre énergétique hivernal. Qu’on se chauffe au mazout, au gaz, à l’électricité, avec ou sans pompe à chaleur ou au bois, la règle des 20°C maximum (18°C dans les chambres à coucher) devrait être non négociable. Un pull, un bon pantalon de training et tout va bien. L’air est moins sec, donc bon pour les bronches, et l’économie d’énergie énorme! Hélas, la maîtrise des radiateurs n’est pas garantie dans tous les logements. Et les compteurs par appartement (et leur effet motivant) sont encore l’exception. Pourtant, au lieu de se laisser assommer passivement par des excédents de charges, les locataires (presque 60% des habitants du pays) seraient bien avisés de prendre ensemble les devants, avec leur propriétaire ou leur gérance. Et un ou deux thermomètres fiables (de préférence non électriques...) permettront un monitoring précis de la température domestique.
3. Débranchez les gros machins!
Revenons à la seule électricité. Il existe des sacrifices radicaux (mais supportables) très efficaces. Par exemple celui du congélateur. Cet équipement, selon sa taille et sa classe énergétique, représente entre 5% et 15% de la consommation d’électricité d’un ménage. Même remarque pour les caves à vin électriques et le sèche-linge ou... les aquariums! Même remarque encore pour les saunas et jacuzzis privés, d’une voracité obscène. Alors, prêts à débrancher jusqu’à nouvel avis tous les gros machins?
4. Vive la multiprise à interrupteur!
Ce conseil a beau être une vieille rengaine, il a son efficacité et instaure un rituel quotidien positif. Il pourrait s’intituler «personne à la maison = zéro watt». La plupart des appareils électroniques consomment du courant une fois éteints. Cette fuite constante et sournoise d’électrons représente 3% de la consommation nationale d’électricité. Débrancher totalement tous ces appareils serait barbant sans les prises multiples à interrupteur, dont certaines disposent d’un bouton à pédale aussi pratique qu’incitatif.
5. Boîtier TV et borne wi-fi aussi
Le boîtier TV et la borne wi-fi peuvent consommer jusqu’à 20 watts en continu. Ces appareils, ainsi que les éventuels équipements connectés (lampes, assistant Google ou Alexa d’Amazon...), devraient être également impitoyablement débranchés. Bien sûr, il y a de quoi hésiter parfois, comme avec les systèmes de protection contre les cambriolages, généralement connectés à internet via... la gourmande borne wi-fi.
6. Et tout le reste...
Des dizaines de petits gestes quotidiens permettent enfin de grignoter des dixièmes de pour cent d’électricité. A chacun de savoir dans quel domaine il peut s’améliorer: éclairage (17% de la consommation moyenne d’un ménage), télévision, ordinateurs et électronique de loisirs (23%), cuisine (20%) ou encore buanderie (10%)?
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7. L’aspect ludique de l’exercice
L’état d’esprit qui accompagne nos efforts d’économies d’énergie est capital. Si ceux-ci sont vécus comme une punition, ils s’étioleront. Mais s’ils sont vus comme un jeu, une compétition, un défi, avec des résultats chiffrés en kWh et en francs en moins, ils dureront.
8. Le remplacement d’équipement
Le remplacement d’un vieil équipement ménager par un appareil moderne de classe A permet des économies importantes. Ce conseil ne plaît pourtant pas à certains spécialistes des écobilans qui rappellent que la fabrication des appareils représente autant, si ce n’est plus, d’énergie que leurs années de fonctionnement.
9. Devenir philosophe
Il y a cinquante ans, les habitantes et habitants de ce pays consommaient en moyenne deux à trois fois moins d’électricité qu’aujourd’hui. Ils n’étaient en tout cas pas moins heureux qu’aujourd’hui. Et la planète a un besoin vital de souffler. Voyons aussi l’aspect positif de ces restrictions, même si, pour certains habitants et beaucoup d’entreprises, cet hiver s’annonce dur.
10. Apprendre à décrypter les factures
Quand le kWh d’électricité coûtait moins de 20 centimes et que la facture annuelle moyenne restait inférieure à 1000 francs, les consommateurs payaient sans trop loucher sur les petits chiffres, eux-mêmes si obscurs qu’il fallait un CFC d’électricien pour les décrypter. Sur les sites de certains fournisseurs, on trouve des indications précieuses. Même remarque générale pour les décomptes de chauffage. Les sites d’associations de consommateurs permettent d’y voir plus clair et d’envisager une opposition le cas échéant.
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«Le marché libre est un non-sens»
François Marthaler, pionnier du développement durable, ex-conseiller d’Etat vaudois.
«Tout ce que j’ai professé depuis quarante ans devient réalité aujourd’hui avec ces risques de pénurie d’électricité et de gaz, avec cette population contrainte d’improviser. Je ne me réjouis pas de cette situation, mais elle a au moins le mérite de faire enfin bouger les lignes. Je me suis toujours opposé au marché libre de l’électricité. En tant qu’économiste, j’estime que c’est un non-sens. Tout spécialement en Suisse, où la plupart des fournisseurs d’énergie sont en mains publiques. On joue à quoi? On veut évoluer comme la France, où l’Etat est contraint, d’un côté, de subventionner les entreprises et les particuliers incapables de supporter les charges et, de l’autre côté, d’encaisser les bénéfices d’EDF? Ce que la Confédération et les cantons auraient dû faire depuis plus de vingt ans, c’est investir résolument dans la transition énergétique au lieu d’être guidés par les seuls bénéfices à court terme. Il m’est difficile de donner des conseils généraux aux gens pour les aider à économiser de l’énergie et à alléger leurs factures, car les situations individuelles et régionales sont très variées. En revanche, je crois que si les tarifs devaient exploser, l’Etat ne pourra éviter la mise en place de boucliers tarifaires.»
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