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L'exploit sportif

William Gargiullo: «Je viens de courir 7 marathons en 7 jours»

De l’Antarctique à l’Amérique du Nord, l’ultra-marathonien vaudois de 68 ans William Gargiullo est devenu le premier Suisse à terminer l’incroyable World Marathon Challenge, sur les sept continents. Humble et déterminé, il raconte une vie entière à courir, son «oxygène».

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Le marathonien vaudois William Gargiullo

Le Pulliéran William Gargiullo (68 ans) au bord du Léman, peu après son retour de Miami. Cet ex-militaire de carrière a disputé plus de 80 marathons dans sa vie, courant dans des endroits aussi extrêmes que l’Everest, le lac Baïkal, le pôle Nord ou le désert de l’Atacama.

Julie de Tribolet

Savent-ils, les clients attablés dans ce banal café de la place Saint-François, à Lausanne, oui, savent-ils que l’homme discret avec un léger pansement à la main gauche, l’air juste un peu plus rêveur, revient d’«un autre monde», comme il dit? Evidemment non, et il s’en moque. Si les chiffres qui décrivent son aventure ont de quoi faire écarquiller les yeux, il n’a aucune envie de passer pour un héros. «Je suis un coureur à pied amateur, rien d’autre. Je ne suis pas dans la même catégorie qu’un Mike Horn ou une Sarah Marquis, qui explore pour le «National Geographic». Je ne fais pas de course en autosuffisance ou d’épreuve où il faut chercher son chemin. Je ne me sens pas non plus de lien avec Forrest Gump, cela n’a rien à voir.»

Réfléchi, cet ancien colonel EMG de l’armée suisse a un sourire doux quand il explique que la course à pied est sa «bonbonne d’oxygène. Des gens aiment lire ou jouer aux cartes, ma femme pratique la peinture sur porcelaine. Moi, c’est courir, chaque jour depuis plus de quarante ans.» Courir à son rythme jusqu’à finir par disputer sept marathons en sept jours sur sept continents, à 68 ans, une semaine d’hiver 2023…

cartographie du World Marathon Challenge 2023

Du 31 janvier au 6 février, le World Marathon Challenge 2023 a organisé sept marathons sur sept continents, les deux derniers en un jour à cause d’un retard.

Manuel Forney

Il y a un déclic dans la vie de William Gargiullo, un traumatisme. En 1974, à cause de l’école de recrues qu’il vient d’entamer à Bière, ce pur Lausannois des quartiers sous-gare doit quitter la première équipe du Lausanne HC, qu’il vient d’intégrer. «Or le hockey était ma vie. J’ai préféré tout arrêter plutôt qu’être prêté dans une ligue inférieure.»

En parallèle, il constate qu’il n’est «pas mauvais» en endurance, lors d’un 100 kilomètres à l’école d’officiers. «Je dispute alors les 100 kilomètres de Bienne, ma première compétition, ce qui est bien sûr une manière tout à fait fausse de commencer la course à pied.» Il termine en un peu plus de 14 heures et c’est une révélation: il fera 20 fois cette course, avec un record à 9h50. Surtout, depuis 1978, il n’arrête plus de courir, dispute plus d’une centaine d’épreuves de longue distance. Jusqu’à l’âge de 40 ans, en cherchant à battre ses temps puis en affrontant des difficultés climatiques, géographiques. S’il doit citer un lieu, il choisit la Muraille de Chine, pendant cinq jours. «Pour découvrir un endroit, je dois le sentir par le sol. Ces cailloux sous les pieds, ces 12'000 marches, j’en avais les larmes aux yeux.»

Partout il a trouvé le temps de courir. En Afrique, où il a beaucoup travaillé, il se levait à 4 heures du matin pour aller sur la corniche au-dessus de Dakar. Ou, chef observateur au sein des Bérets bleus lors de la guerre en ex-Yougoslavie, il ne s’arrêtait pas pour autant: «A Sarajevo, en 1992-1993, nous recevions 300 obus par jour, impossible de sortir. Je courais dans les escaliers de notre bâtiment de cinq étages. C’était un besoin pour moi.»

William Gargiullo

Le 31 janvier, William Gargiullo dispute le premier marathon de 42 km dans les rafales glaciales de l’Antarctique.

DR

Les hamburgers à l’aéroport

Avec 143'000 kilomètres parcourus à l’entraînement et 8000 en compétition, l’idée des sept marathons en sept jours s’impose. A son habitude, il planifie tout minutieusement. «A la piscine de Mon-Repos, je nageais cinq heures, sans pause. Je sortais violet, mais cela entraînait mon esprit à sortir de mon corps.» L’automne dernier, il a couru les marathons de la Jungfrau, de Berlin et de Londres en trois semaines. «Lorsque je pars en course, elle est déjà terminée, tellement je l’ai préparée. Le mental est pareil à un muscle qu’on entraîne.»

William Gargiullo

A Dubaï, il réussit son meilleur temps des sept courses, en 4h29 min et 47 secondes.

DR

Au préalable, William a voulu donner du sens à son action. Il s’est approché du CHUV pour être examiné par un scientifique du sport et il a voulu collaborer avec deux associations caritatives.

La semaine du World Marathon Challenge coûte 40'000 euros, dont une partie est destinée à compenser l’empreinte carbone. L’organisation n’utilise que des charters publics et investit dans des projets de conservation forestière au Brésil. Le 31 janvier, ils sont une quarantaine de tout âge, dont 12 femmes, à s’élancer dans le vent glacial de l’Antarctique. William est à l’aise, il aime le froid; plus il prend de l’âge, mieux il s’y comporte. Même s’il ne cherche pas la performance, il termine deuxième, au mental. Le deuxième jour, les coureurs vont au Cap, puis ce sera Perth, Dubaï, Madrid, Fortaleza, Miami. A la fin de chaque course, un bus amène les concurrents aux aéroports. Ils dorment sur le sol ou dans les avions, avec des trajets de minimum six heures. William a de la chance, il s’endort vite. Les athlètes sortent du zinc en tenue de sport, sautent dans un bus avec leurs bagages.

William Gargiullo

Dans les 35°C de Perth (Australie), il termine en 4h36 min et 35 secondes.

DR

Question alimentation, si William a pour la première fois pris des conseils chez une nutritionniste, il observe avec étonnement Anglais et Américains se jeter sur les fast-foods. «Je n’avais jamais vu cela, mais je le comprends. Les chips et les frites pour le sel. Les hamburgers pour la tête, parce que cela fait plaisir.» Lui court comme toujours: «J’écoute mon corps et j’avance par rapport à lui. A l’entraînement, je ne suis qu’à 70% de mes capacités et à 90% en course. Cette règle permet à mon corps de ne pas s’user, j’en suis sûr.»

«Abandonner? Jamais!»

Il a tout prévu, sauf deux gros pépins. «Je n’avais pas tenu compte des 50 kilos de bagages à porter.» Il sera ainsi terrassé par un terrible mal de dos, qui lui fera terminer courbé en deux le dernier jour. L’autre imprévu survient lors de la cinquième étape. «Jusque-là, j’étais bien content. Je figurais autour du 15e rang. Mais je suis tombé deux fois à Madrid. D’abord dans une descente puis, vers le 36e kilomètre, j’ai trébuché sur un gendarme couché. Je saignais à la main, on a dû me faire quatre points de suture et j’ai reçu des antibiotiques.» Ces médicaments l’épuisent, alors qu’il reste deux marathons. «Au Brésil, il faisait humide, 35°C, je n’aime pas cela. Ce fut la perdition complète. J’ai terminé avec 1h30 de plus que mon temps normal. Le lendemain, à Miami, encore 1h de plus.» Abandonner? «Non, jamais, il fallait juste adapter ma vitesse à mon problème.»Il rentre deux jours plus tard et il est là aujourd’hui, dans ce café lausannois. Il vit «au ralenti» et se donne quelques jours avant de recourir. Pas trop: le marathon de Paris a lieu le 2 avril.  
 

William Gargiullo

A Fortaleza (Brésil), avant-dernière étape, il souffre de la chaleur et des antibiotiques qu’il a dû prendre.

DR

>> Plus d'informations sur les exploits de William Gargiullo sur www.operationmarathonsplanetaires.com


Le médecin Cyril Besson: «William est un cas exceptionnel»


- Votre démarche avec William Gargiullo?
- Cyril Besson: Nous utilisons une technique qui s’intéresse aux variations du temps entre les battements cardiaques au repos, liées à des états de fatigue plus ou moins sévères. La finalité de ces recherches sera de publier une étude de cas, un article scientifique qui présente les valeurs de William, un cas exceptionnel.

- Quel message en tirez-vous?
- Nous n’avons pas encore tout analysé mais, deux semaines après, il a bien récupéré. A son âge, pour une personne entraînée et en bonne santé, son cœur a pu tolérer sept jours à intensité basse à modérée. C’est un bon message pour une activité physique régulière.

- Le corps humain vous étonne-t-il?
- A titre personnel, je suis plutôt étonné par l’inverse et à quel point on a sédentarisé les gens. Physiologiquement, nous sommes faits pour l’effort; il y a 70 ans, on parcourait 15'000 pas par jour. Nous allons utiliser cette expérience pour promouvoir l’activité physique. D’autant que les sportifs de plus de 35 ans qui s’adonnent à des défis extrêmes sont de plus en plus nombreux et qu’on constate de plus en plus d’activité physique chez les 65-90 ans.

Par Marc David publié le 12 mars 2023 - 09:21