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Alisha Lehmann: la superstar qui met le foot féminin en lumière

A trois semaines du début de la Coupe du monde féminine de football 2023, Alisha Lehmann a déjà gagné un titre. Selon une étude du Nielsen InfluenceScope, la Bernoise de 24 ans est l'athlète la plus influente de la compétition à venir. Performante sur le terrain et reine incontestée des réseaux sociaux, l’attaquante d’Aston Villa contribue clairement à la promotion de son sport. «L'illustré» dressait son portrait il y a quelques mois. Analyse d’un phénomène.

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Alisha Lehmann est la dernière à rejoindre le camp de l’équipe nationale à Estepona, près de Marbella. Arrivée en mode star, sous les flashs des photographes.

Lundi 13 février. La Bernoise est la dernière à rejoindre le camp de l’équipe nationale à Estepona, près de Marbella. Arrivée en mode star, sous les flashs des photographes. Elle avouera que les retrouvailles avec ses coéquipières, à qui elle avait tourné le dos l’an dernier, l’angoissaient un peu.

GABRIEL MONNET

On peut ergoter tant qu’on veut, supposer avec une pointe d’ironie et même de mépris qu’elle est d’abord un produit des réseaux sociaux avant d’être une footballeuse, que son efficacité est nettement plus élevée dans ses posts et ses vidéos que devant le but adverse, et patati, et patata. N’empêche, lorsque Alisha Lehmann lève un petit doigt, toute la médiasphère s’émeut et se met à courir. On en a encore eu la preuve à l’occasion du camp d’entraînement que l’équipe de Suisse féminine de football vient de boucler à Estepona, près de Marbella, sur la Costa del Sol. Même le site français Sports.fr, qui compte parmi les hubs multimédias les plus importants d’Europe, s’y est mis, se demandant avec plus de provoc que d’à propos si la Bernoise n’était pas trop belle pour jouer au ballon.

Le genre de question sexiste et racoleuse qui a le don d’irriter l’attaquante née à Tägertschi (390 habitants), près de Münsingen (BE). «La critique est facile. Beaucoup de personnes me jugent à travers mon comportement sur les réseaux mais n’ont jamais regardé une seule minute mes performances sportives. Ce n’est pas correct», s’insurge l’ailière droite d’Aston Villa, qui compte près de 9 millions de suiveurs sur TikTok et 13,6 millions sur Instagram.

Devant Federer


Sur cette dernière application, elle devance désormais l’icône du tennis, Roger Federer «himself», de 800'000 unités. Seul Ivan Rakitic, footballeur international croate évoluant au FC Séville né à Rheinfelden, dans le canton d’Argovie, fait mieux qu’elle, avec ses 17,4 millions d’abonnés sur Insta. Par comparaison, Granit Xhaka, Xherdan Shaqiri ou Yann Sommer en comptent à peine 3 millions chacun. Côté féminin, si l’Américaine Alex Morgan en déclare près de 10 millions, sa dauphine, la Brésilienne Marta, considérée comme la plus grande footballeuse de tous les temps, atteint péniblement les 2,5 millions de followers. Si les chiffres ne disent pas tout, ils permettent néanmoins de mesurer l’étendue du phénomène Alisha. La croissance foudroyante de son profil sur les réseaux ne s’explique pas uniquement par ses talents de footballeuse, loin de là. Bien qu’évoluant dans une ligue et un club prestigieux, Alisha Lehmann ne pointe qu’au 1237e rang du classement individuel au niveau mondial. 

Alors comment expliquer ce raz-de-marée? Simple. L’ancienne junior du FC Konolfingen et des Young Boys Frauen de Berne, qui a commencé le foot à l’âge de 5 ans, s’est très vite rendu compte des avantages qu’elle pouvait tirer de sa plastique au sein d’un sport en plein essor et en quête de modèles et de leaders sur et hors du terrain. Cerise sur le gâteau, l’attaquante des «Villains» (les «méchants», surnom de son club, Aston Villa, basé à Birmingham) se distingue d’autres femmes ou influenceuses par sa profession, qu’elle contribue largement à mettre en lumière. Elle peut aussi s’appuyer sur son statut de joueuse professionnelle de la ligue la plus huppée du football féminin, la FA Women’s Super League anglaise, qu’elle a rejointe en 2018 sous les couleurs du club londonien de West Ham United, avant de transiter par Everton.

Cela étant, un épisode a particulièrement fait décoller sa notoriété: la nouvelle, postée courant 2019 sur son compte, photo tendresse à l’appui, de sa relation amoureuse avec Ramona Bachmann, sa coéquipière lucernoise en équipe nationale, de neuf ans son aînée, qui jouait également à Londres à cette époque, à Chelsea. Un coming out qui a fait l’effet d’une bombe dans un milieu où ce genre de romance demeure taboue. Mieux, après leur rupture au printemps 2021, Alisha Lehmann n’a pas hésité à en remettre une couche dix mois plus tard, en s’affichant au bras de sa nouvelle conquête, masculine cette fois: le milieu de terrain brésilien Douglas Luiz, qui évolue dans l’équipe des garçons d’Aston Villa. Une relation dont elle a par ailleurs annoncé la fin en novembre dernier. 

Alisha Lehmann et Douglas Luiz

Fin 2021, elle présentait son désormais ex-petit ami sur instagram, le joueur brésilien d’Aston Villa Douglas Luiz.

Instagram Alisha Lehmann

Des amourettes vécues au grand jour qui ont beaucoup fait jaser et lui ont valu pas mal de critiques et même d’insultes, mais qui ont largement contribué à booster ses comptes. «Les insultes sont beaucoup plus violentes sur les réseaux que dans la vraie vie parce que beaucoup de gens s’expriment», répond-elle dans une vidéo produite par l’UEFA.

Amour et glamour


Ajoutez à ces histoires de cœur un sens consommé de la mise en scène et du glamour, et le tour est joué. Un mélange des genres que l’internationale helvétique (34 sélections) n’hésite pas à porter jusque sur le terrain, où elle apparaît toujours parfaitement lookée et maquillée, faux cils et cheveux soigneusement tressés, suscitant du coup cette question récurrente: son métier de footballeuse est-il compatible, en raison du temps à lui consacrer, avec celui d’une influenceuse connaissant un succès aussi fulgurant? Une question qui, à notre connaissance, n’a jamais été posée à Cristiano Ronaldo, par exemple. Autre débat. Sur la Toile, les expert(e)s en réseaux sociaux se bousculent pour donner leur avis. L’une va jusqu’à évoquer des problèmes mentaux que pourraient déclencher chez la Bernoise les milliers de commentaires quotidiens sur son apparence.

Du côté de l’intéressée, la réponse est aussi invariable que déterminée. Elle nous l’a une fois encore martelée à Estepona: «Je me consacre à 100% à mon métier de footballeuse. Comme toutes mes coéquipières, je m’entraîne tous les jours et je joue tous les week-ends. Je n’avais jamais entendu dire par un club ou une équipe nationale que les réseaux sociaux posaient un problème. Avec l’équipe de Suisse, il y a six ou sept règles à respecter, mais nous pouvons occuper notre temps libre comme bon nous semble. Je ne vois pas où est le problème. D’autant que je ne m’occupe pas de l’aspect technique», détaille la star en faisant mine, avec un brin de mauvaise foi quand même, de ne pas s’expliquer les raisons de son énorme succès. «Il n’y a aucune explication à cela. C’est arrivé, voilà tout», coupe celle qui poste régulièrement des photos en bikini et pose à côté de voitures de luxe.

En un mot, bien dans sa peau, dans ses chaussures à crampons et dans sa tête. Sauf qu’en juin dernier, à un mois d’un Euro qui se disputait pourtant dans son jardin, en Angleterre donc, et auquel elle se réjouissait de prendre part, elle a annoncé son renoncement, invoquant ne pas être prête mentalement à vivre l’événement. Un forfait aussi inattendu qu’incompréhensible au sujet duquel elle ne s’était jamais exprimée jusqu’au 14 février dernier, laissant ainsi courir toutes les rumeurs, les spéculations et les critiques. La plus probable semblait celle d’un problème d’ego et relationnel l’opposant à son ex-sélectionneur, le Danois Nils Nielsen, qui ne la titularisait pratiquement jamais.

Accueillie à bras ouverts


On évoquait aussi des retrouvailles tendues avec Ramona Bachmann, quelques mois seulement après leur rupture amoureuse. Nous n’en saurons finalement rien. «Ce sont des raisons privées et non pas sportives qui m’ont amenée à prendre cette décision. Il y a des choses auxquelles on ne s’attend pas dans la vie mais qu’on n’a pas envie de dire au monde entier. Je m’en suis ouverte à ma famille et à quelques proches. Aujourd’hui, j’ai tourné la page», assure-t-elle, en laissant planer le mystère. Des explications qui ont suffi à l’Association suisse de football et à la nouvelle coach de l’équipe, Inka Grings, qui l’ont accueillie à bras ouverts en Espagne. «Tout le monde a droit à une deuxième chance. Alisha est une joueuse de premier plan et je me réjouis qu’elle soit parmi nous», confie la technicienne allemande.

Alisha Lehmann en entraînement

A la ville comme à la scène, la Bernoise apparaît toujours parfaitement lookée et maquillée. Ici le 15 février, lors du camp d’entraînement de l’équipe nationale.

GABRIEL MONNET

Ni rancœur, ni rancune non plus du côté de ses coéquipières, alors qu’on pouvait craindre que son forfait de l’été dernier ne soit perçu comme une trahison par certaines. «Si pour elle c’était le bon choix à ce moment-là, il faut le respecter. Et si c’était une erreur, elle doit vivre avec. Quoi qu’il en soit, je suis très contente de son retour. Elle est performante avec son club et c’est un plus pour l’équipe», se réjouit la gardienne fribourgeoise Gaëlle Thalmann (Betis Séville), taulière de la sélection du haut de ses 37 ans et de ses 104 sélections.

A cinq mois de la Coupe du monde en Australie-Nouvelle-Zélande (du 20 juillet au 20 août), l’équipe de Suisse aura en effet bien besoin de toutes ses forces vives si elle entend accéder au deuxième tour (groupe A aux côtés de la Norvège, des Philippines et de la Nouvelle-Zélande). Une occasion en or pour les affaires d’Alisha Lehmann, qui développe également une boutique en ligne où ses fans peuvent acheter des posters, des tasses à café à son effigie et surtout son premier calendrier très glamour qu’elle a présenté en cinq langues en début d’année, qu’elle propose en deux versions: basique (à 35 francs) et dédicacée (à 57 francs). A Estepona, il se murmurait que 100 000 unités avaient déjà trouvé preneur.

Plusieurs millions par an


A en croire les spécialistes des réseaux sociaux, la Bernoise générerait des revenus de plusieurs millions par année grâce à internet. Dans les colonnes du «Blick», une experte estime que chaque post qu’elle publie pourrait potentiellement lui rapporter 100 000 francs avec des sponsors du calibre d’Adidas ou de PlayStation. Des posts courts (dix mots), parfaitement réalisés, rythmés par de la musique, ne contenant aucun message pouvant créer la polémique et le plus souvent publiés en début de soirée, lorsque les gens surfent le plus.

Un travail de pro sur une plateforme qui l’est tout autant et de laquelle la joueuse tient volontairement sa vie privée à l’écart. Rien ne filtre à propos de sa famille notamment, sujet où l’ex-employée de commerce de 1 m 65 pour 52 kilos née sous le signe du Verseau (21 janvier) reste très discrète. On ne sait quasiment rien de ses parents, de son père en particulier, ni de sa sœur ou de son frère. Si ce n’est que, soutenu par des cousins, ce dernier l’a beaucoup encouragée à tenter l’aventure de joueuse professionnelle. Une heureuse inspiration, car le football féminin suisse et international ne serait pas tout à fait ce qu’il est sans Alisha Lehmann, une ambassadrice en or.


Alisha Lehmann en chiffres

- 34: Le nombre de sélections de l’ex-junior du FC Konolfingen depuis qu’elle a intégré l’équipe nationale, le 22 octobre 2017. Avant, elle avait déjà fait le bonheur des sélections U17 et U19.

- 100'000: Le nombre de calendriers qu’Alisha aurait déjà vendus depuis le lancement de ce premier exemplaire. Son prix: 35 francs en édition de base et 57 francs en version dédicacée. Cent mille est également le montant, en francs, qu’elle pourrait demander pour un post publicitaire, selon une experte des réseaux sociaux.

- 5: Les années anglaises: en août 2018, elle est recrutée par le club de West Ham United, qui évolue en FA Women’s Super League anglaise. Elle jouera ensuite six mois à Everton avant de rejoindre Aston Villa, en 2021, son club actuel, où elle dispute sa cinquième saison outre-Manche.

-3: Durant trois ans, entre 2018 et 2021, Alisha Lehmann vivra une belle et singulière romance aux côtés de Ramona Bachmann, sa coéquipière en équipe nationale, de neuf ans son aînée. Partenaires dans la vie et sous le maillot national, mais adversaires en club, puisque la Lucernoise jouait à Chelsea.

Par Christian Rappaz publié le 11 mars 2023 - 09:25, modifié 29 juin 2023 - 10:22