Elle régale les gens, il les fait rire. La vivacité ensoleillée née d’une enfance passée à Avignon de la cuisinière Anita Lalubie (42 ans) a éclairé pendant treize ans le plateau de l’émission culinaire de la RTS «Al dente». Quant à David Charles (43 ans), alias MC Roger, cet ex-champion national de breakdance est devenu un phénomène du web avec des millions de vues pour ses vidéos rigolotes, musicales et parodiques à fort accent neuchâtelois.
Ils se sont rencontrés peu avant le maudit covid, lors d’un événement privé à Cortaillod (NE). Elle cuisinait en direct tandis que lui, de son propre aveu, «faisait le pitre», soit donnait son spectacle mêlant sketchs, danse, musique. Peu après, quand tout s’est arrêté avec une brutalité folle pour les artistes et les indépendants, ils se sont reparlé. «Tous nos projets étaient tombés à l’eau, la galère totale, peut-être que cela a créé un truc», lâchent-ils en chœur. Lui, pour s’en sortir, a continué à imaginer des vidéos drôles, dont une mémorable parodie de James Brown, «Tu stoppes et tu galopes», qu’il faut avoir vue une fois dans sa vie et qui a fait des centaines de milliers de vues. Il a surtout fait le poing dans sa poche alors que tout était en train de démarrer pour lui, avec des rendez-vous en perspective comme le Festival d’Avignon et de belles dates en Suisse. Elle, de son côté, a vu son laboratoire de cuisine s’échouer, tenté en vain des plats à l’emporter, avant de conclure que «c’était vraiment la cata».
Alors ils se sont tenu chaud. Peu à peu, elle s’est mise à l’aider dans l’écriture de ses sketchs, de ses capsules vidéo, pour son administration. «Elle est hyper-créative, dit-il, elle me refile souvent des petites touches pour mes chroniques. Elle me booste, me motive.» C’est aussi que les multiples tentatives professionnelles, parfois infructueuses, de la jeune femme vaccinée à la persévérance lui ont vissé les pieds sur terre. «Cela me sert à aider David. Avec des clients ou dans une cuisine, on est dans le réel, explique-t-elle. Je sens vite si une blague ne fonctionne pas.» Elle est aussi lucide en affaires: «David, c’est un vrai gentil. Si quelqu’un de sympa lui propose quelque chose, il répondra à coup sûr: «Ah oui, c’est une belle idée!» avec le risque d’oublier là où il voulait aller. Moi, je le recadre un peu.» Elle lui glisse: «Ne t’envole pas. Fais déjà cela, on verra ensuite...»
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Famille recomposée réussie
Voilà, c’est une équipe amoureuse, où le sourire a une place de roi. Cela aide quand, à l’exemple de tant de familles recomposées, il faut harmoniser la vie privée. Il avait deux enfants, elle aucun. Par bonheur, MC Roger a vite constaté combien cela a tout de suite «matché» entre Anita et ses bambins de 11 et 13 ans. «C’est ce qui a fait qu’on a pu envisager de vivre ensemble, dit-il. Puis tout s’est enchaîné naturellement.»
Enchaîner est une jolie manière pour parler de la naissance de James, le 9 avril 2023. Certes, il existe un minuscule décalage entre David et Anita, maman pour la première fois. Mais tout va bien, assurent-ils, il ne sort pas trop sa science du biberon. Elle qui aime les grandes tablées et cuisine toujours pour beaucoup trop de monde peut donc s’en donner à cœur joie.
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David Charles pourra raconter à son fils la folle histoire qui lui arrive. Soit l’irruption de ce personnage de MC Roger, né en 2017 d’une parodie de Maître Gims, «Racler comme jamais», qui fit des millions de vues, puis d’un one man show au Théâtre du Pommier, en 2018. Les abonnés ont alors explosé (il en est à 70 000 followers sur YouTube, 115 000 sur Facebook), son public a commencé à lui demander quand viendrait la prochaine vidéo. Un tel raz-de-marée, il ne l’avait pas vu venir: enfant de la ville de Neuchâtel, issu du monde du hip-hop, David Charles a alors l’intuition de mêler les univers du rap et du terroir. «Il existait certes déjà des rappeurs à Neuch, qui faisaient des espèces de gangsta rap. Mais ici on n’a pas de ghetto, cela ne marche pas. Le ghetto et les banlieusards d’ici, ce sont en quelque sorte les paysans d’aujourd’hui. Ce délire est parti de là.»
Son bredzon à edelweiss sur le dos, il s’est pris au jeu, jusqu’à une dernière vidéo, «Pas content», où il raconte la colère agricole: «Je suis fier de ma démarche, car le métier d’agriculteur véhicule des valeurs humaines, le respect du bétail et de la nature.» Comme il fourmille d’autres projets artistiques, il ne craint pas de s’enfermer dans ce personnage. Il y pressent au contraire un potentiel magnifique, qu’il exploitera dans son prochain one man show, dès le 7 mars 2025 au Théâtre du Passage. «J’ai envie de nourrir MC Roger. Je vis tellement de moments incroyables avec lui. Il m’a permis de former une vraie communauté.»
Anita à la Villa
Anita Lalubie, de son côté, a vu sa vie s’éclairer. Alors qu’elle était encore enceinte, elle a été choisie pour gérer un bel endroit au cœur de Neuchâtel, la Villa Castellane, à la fois café, restaurant et lieu où s’organisent une pléiade d’événements culturels. Elle y trotte comme quatre de salle en salle et goûte chaque jour cet hôtel particulier chargé d’histoire, ouvert et raffiné, «comme un bol d’air au milieu de la ville», dit-elle. Ils se regardent et sourient, ravis de s’épauler ainsi à trois (ne pas oublier MC Roger) dans leurs univers respectifs.