La Terre est plus lourde quand un de ses anges la quitte. Jean-Paul Belmondo, M. Bébel, nous aura enchantés durant toutes ces décennies. Je ne me souviens pas d’un acteur dont mon père et mon fils m’auront parlé chacun avec autant de ferveur. Le premier parce qu’il l’avait repéré très tôt avec ses amis dans un petit film «ce gars qui bougeait de manière incroyable». Le second parce qu’il vénère comme moi – et tant d’autres – Le magnifique, ce sommet de la parodie.
«Alors, heureuse?» lance Bob Saint-Clar en surlignant la beaufitude de son personnage dans ce film qui passe à la sulfateuse le mythe du mâle alpha. Belmondo, parmi les mille qualités que nous pouvons lui reconnaître, a toujours été un moderne. La redéfinition de la masculinité, l’acteur la posait déjà sur la table en 1973. A ses débuts, quand ses confrères jouaient avec la bouche en cul-de-poule, lui s’exprimait avec un phrasé authentique, imprimant le réel du quidam des années 1960 au cinéma qui sentait alors trop le théâtre filmé.
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Cette musicalité du mot venue de la rue s’est toujours couplée à une animalité du mouvement. Belmondo devant la caméra bougeait comme un boxeur: une présence sautillante comme pour mieux masquer la menace. En tant que spectateurs, nous ressentions toujours avec lui cette tension permanente: allait-il nous faire rire ou en coller une à son compagnon d’écran?
L’héritage de Jean-Paul Belmondo ne doit pas mourir. Ose-t-on le dire à nos amis français? Quand on regarde un de leurs films actuels, il nous faut dix minutes pour se mettre au diapason d’une manière souvent atroce de jouer, surtout de la part des acteurs de second plan, avec une voix qui tombe à plat et une présence fantomatique. Comme si la bouche en cul-de-poule avait refait son apparition.
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Bébel, lui, s’exprimait toujours avec le ton juste et nous visait directement au cœur. Sa leçon de la meilleure manière de dire «Bonjour» dans Itinéraire d’un enfant gâté en témoigne pour l’éternité. La modernité du bonhomme a aussi été de jouer «vrai» dans de grands films d’auteur puis de s’amuser comme un enfant dans de grandes productions où son corps prenait toute la place. C’est la marque des grands artistes de se réinventer pour tendre vers plus de simplicité. Chapeau bas, M. Belmondo.