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Boogaloo, le culte des armes et de la guerre civile 

La chronique «Donald ou Joe» d'Alain Campiotti, journaliste, correspondant aux Etats-Unis de 2000 à 2006, est consacrée cette semaine au groupe extrémiste Boogaloo, mouvance anti-démocratique.

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Opposés au confinement, des manifestants armés, membres du «rassemblement patriote américain», s’apprêtent à pénétrer dans l'entrée du Capitole de Lansing (Michigan). AFP

La guerre est un boomerang. Si les allumés anti-masques, à Genève ou à Zurich, manifestaient les armes à la main, ce serait un choc dans tout le pays. Pas aux Etats-Unis. Dans les cortèges qui agitent depuis des mois les villes américaines, contre les restrictions anti-covid ou contre le racisme, les fusils d’assaut font partie du paysage. Ils sont souvent portés par d’anciens combattants rentrés d’Irak ou d’Afghanistan, qui ont le droit pour eux: le 2e amendement de la Constitution les protège. Mais que cherchent-ils? C’est d’autant plus obscur et inquiétant si, sous le gilet pare-balles qu’ils portent presque tous, il y a une chemise hawaïenne.

Là, il faut faire un détour par le délire tordu des réseaux sociaux. «Electric Boogaloo», sur internet et à partir d’un film de breakdance de 1984 (on vous épargne les détails), est un mème qui veut dire «suite» ou «deuxième épisode». D’un autre côté, «Boogaloo» ressemble à «Big Luau», célèbre fête hawaïenne. D’où les chemises à fleurs.

Vous avez suivi? Mais voici moins amusant: les hommes, blancs, qui s’accoutrent ainsi font partie d’un mouvement informe qui a le culte des armes et pense que les Etats-Unis sont à la veille d’une nouvelle guerre civile (une suite, un deuxième épisode), et qu’il faut tout faire pour la provoquer.

Une guerre raciale? Pour certains sans doute. Mais on trouve de tout dans la mélasse d’internet. D’autres courants «hawaïens» sont d’abord hostiles à l’Union, à Washington, quel que soit le parti au pouvoir, au nom de l’autonomie absolue des Etats, des communautés, des individus: tuer des flics fédéraux, par exemple, répond au projet de cette tendance-là, qui rejoint ainsi le mouvement des milices armées né dans la dernière partie du siècle dernier et qui est, par les temps qui courent, largement favorable à Donald Trump.

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Alain Campiotti, journaliste, correspondant aux Etats-Unis de 2000 à 2006.

Boogaloo se rebaptise parfois Big Igloo pour fuir la censure sur certains réseaux sociaux inquiets de ces dérives. Bien sûr, ces dénominations fluctuantes donnent à ce mouvement marginal un côté farce. Mais la farce est sinistre, et déjà mortelle. Le jeune homme qui a tué deux manifestants à Kenosha, et à qui Trump a trouvé des circonstances atténuantes, était dans la mouvance des Boogaloo Bois, comme ils s’appellent. Ailleurs, la police a découvert des caches d’armes, déjoué un projet d’attaque à Las Vegas.

A Oakland, près de San Francisco, à la fin du printemps, un incident sanglant a eu lieu en marge d’une manifestation antiraciste. Un policier a été tué et un autre blessé par un tireur dissimulé dans une fourgonnette roulant sur l’avenue. Le crime a été aussitôt attribué par la Maison-Blanche à un groupe lié aux manifestants. Mais l’enquête est partie dans une tout autre direction, et elle a conduit à Steven Carrillo, un sergent de l’US Air Force, vétéran d’Afghanistan et d’Irak. Quand les policiers sont venus l’arrêter, il a pris la fuite et a été blessé. Avant d’être maîtrisé, il avait avec son sang écrit un mot sur le pare-brise de son véhicule: Boog.


Breaking News:  Trump au feu

Il y a des semaines que la Californie brûle sous un ciel orangé: plus de 30 morts, des forêts anéanties du nord au sud. Et Donald Trump ne disait rien. Pas un mot, avant un tweet vendredi pour encourager les sauveteurs; et annoncer qu’il ferait un petit saut lundi, entre le Nevada et l’Arizona où il mène campagne. Le président n’ira pas dans les zones sinistrées: il n’y serait pas très bien accueilli.

Rien d’étonnant à cette indifférence. Le Golden State est pour Trump un territoire ennemi, massivement démocrate, et donc d’un intérêt électoral nul. Alors, la compassion… En général, avec les Californiens, il préfère l’insulte à la caresse. Si leurs forêts brûlent, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, répète-t-il: ils ne savent pas les entretenir. Le réchauffement climatique? Il n’y croit pas.

Le président a même laissé entendre que l’Etat devra assumer seul les dommages, puisqu’il n’écoute pas les bons conseils qui viennent de son administration, de Washington.

>> La précédente chronique: Donald ou Joe? La haine des deux côtés


Par Alain Campiotti publié le 18 septembre 2020 - 11:11, modifié 18 janvier 2021 - 21:14