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Boom des montres vintage: pourquoi séduisent-elles autant?

Le marché des montres «pre-owned» et vintage est en pleine expansion depuis plusieurs années. Malgré la chute des bourses et la situation politico-économique incertaine, qui ont ralenti les ventes de montres de luxe, les garde-temps à prix raisonnable, entre 300 et 3000 francs, sont de plus en plus recherchés par les jeunes et les collectionneurs.

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Joel Laplace

«Ma clientèle est jeune, entre 25 et 35 ans, et veut s’offrir une montre vintage avec un budget moyen de 1500 francs», explique Joël Laplace, marchand de montres vintage.

Nicolas Schopfer
Isabelle Cerboneschi

Avec l’effondrement des bourses, les vols avec violence envers les détenteurs de certaines montres de luxe et les temps incertains, le marché de la montre «pre-owned» a subi un ralentissement. Mais ces considérations ne concernent pas les montres dont le prix oscille entre 300 et 3000 francs. 

Avec le souci constant de durabilité qui touche les industries du savoir-faire, le marché de la seconde main en général continue de croître. Il est estimé à 86 milliards d’euros en Europe et a déjà séduit plus de 85% des Européens, selon une étude de l’entreprise de fintech Tripartie parue en janvier 2022. Si les montres signées par certaines grandes manufactures et certains horlogers indépendants restent hors de portée de la plupart des bourses, les garde-temps vintage dotés d’un mouvement manufacture gardent tout leur attrait. L’époque est propice pour commencer une collection de montres de qualité à des prix raisonnables. 

Ces modèles attirent une population d’esthètes en quête d’un produit unique qui ne ressemble pas à la montre du voisin et qui ait une histoire. «Porter du vintage, c’est se différencier, souligne Joël Laplace (@Jojo la montre), marchand de montres vintage depuis 2020. Ma clientèle est jeune: elle a entre 25 et 35 ans et veut s’offrir une montre vintage sans se ruiner, avec un budget moyen de 1500 francs.» Ses clients sont venus à lui par le biais d’Instagram et du bouche à oreille. C’est notamment le cas de Paul, 37 ans, qui s’est offert comme première montre «une Zodiac avec mouvement automatique de 1976, jamais portée, avec design atypique des seventies de forme rectangulaire horizontale. Mes goûts m’orientent vers des montres vintage, je les préfère aux designs contemporains. C’est principalement leur taille qui m’a d’abord attiré: elles avaient des diamètres beaucoup plus petits que ceux des modèles actuels, qui peuvent être parfois très massifs.»

Les critères de choix dépendent du goût de la personne, certes, mais aussi de son affinité pour les mouvements mécaniques et, bien sûr, de ses moyens. «L’histoire du modèle ou de la manufacture est clairement un plus pour moi, poursuit Paul. L’idée de porter un objet en état de marche quarante ou cinquante ans après sa fabrication me fascine dans le monde d’aujourd’hui. Et, finalement, l’explosion générale des prix dans le monde de l’horlogerie contribue aussi à trouver une certaine forme de normalité dans des montres vintage abordables que nous pouvons porter tous les jours.»

Mais comment naviguer dans ce monde de la montre de seconde main quand on n’est pas horloger? «Il faut faire ses devoirs et savoir ce que l’on achète, explique Pascal Ravessoud, directeur des affaires extérieures de la Fondation de la haute horlogerie et collectionneur passionné. Beaucoup de montres ont été altérées au fil du temps. Ce n’est pas le genre d’objet que l’on achète de manière impulsive: le vintage pousse à faire des recherches, voir qu’il existe différentes variations du modèle, différents états et niveaux de prix. Cela m’a pris quelques années, j’ai fait quelques erreurs. C’est un processus itératif.»

Le jour de la rencontre, Pascal Ravessoud portait au poignet une montre Jaeger-LeCoultre Futurematic. «L’intérêt d’une montre vintage, à mes yeux, c’est qu’elle a été conçue avant la mise en place, dans l’horlogerie, de la conception assistée par ordinateur (CAO), soit vers 1985. La CAO a industrialisé le processus de création. Le modèle que je porte (entre 2000 et 3500 francs sur les sites spécialisés, ndlr) ne s’inscrit pas dans les courants actuels, mais il est très intéressant, car en avance sur son temps. Cette montre de petite taille – 37 mm de diamètre – date de 1953 et possède un mouvement automatique totalement novateur avec une réserve de marche apparente et une couronne au dos. La manufacture avait mis au point un système qui arrêtait le mécanisme avant que la réserve de marche ne soit épuisée. Et quand on mettait la montre au poignet, le mouvement repartait. Avec son design symétrique, c’est un modèle oublié. C’est ce qui m’attire d’ailleurs: découvrir des pépites, avec cette patine, cette finesse. Cela permet de puiser dans l’histoire riche des marques.»

Joel Laplace

Quand on veut s’offrir une montre vintage, il faut faire ses devoirs et savoir ce que l’on achète afin d’éviter de se retrouver avec une montre qui a été altérée.

Nicolas Schopfer

Il arrive que l’on trouve un modèle intéressant le matin tôt sur un marché aux puces, mais c’est plutôt rare et mieux vaut s’y connaître. Joël Laplace conseille de suivre les ventes aux enchères locales et d’arpenter les bourses de montres vintage. «Il en existe plusieurs en Suisse, dont la Bourse suisse d’horlogerie, organisée une fois par an par le Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds. Pour un prix entre 100 et 2000 francs, une personne va y trouver son bonheur. Les vendeurs sont des marchands et des amateurs passionnés. L’organisation veille à ce que les gens soient le plus professionnels possible. Cela évite de se retrouver avec une montre qui ne fonctionne pas ou dont une partie du mouvement n’est pas d’origine.»

Quand on achète une montre vintage, il faut être conscient du fait que l’objet n’a peut-être pas été révisé depuis un moment et que la marche de son mouvement peut être altérée. «Comme une voiture, une montre s’entretient et cela a un coût, explique le marchand. Pour la faire réviser, il y a deux options: soit l’apporter directement dans une boutique de la marque, soit faire appel à un horloger indépendant, agréé ou non, qui sera un peu moins cher, mais il faut avoir confiance en lui.»

Une montre mécanique doit être révisée tous les trois à cinq ans, or ce passage en atelier peut coûter entre quelques centaines et plus d’un millier de francs selon le modèle. «Le problème principal que l’on rencontre avec les montres vintage, ce sont les huiles qui ont séché et l’usure du mouvement, explique l’horloger indépendant Fabiano Pericles, qui œuvre à l’Atelier des Doct’Heures. Le frottement des dents des roues entre elles engendre une sorte de limaille. Entre cette usure et l’huile sèche, le mouvement va mal tourner, voire plus du tout.»

La plus grande difficulté, quand on est un horloger indépendant, c’est de trouver les fournitures pour réparer toutes sortes de modèles issus de marques différentes. «Nous faisons appel à des «fournituristes» qui ont racheté de vieux stocks. Il en existe partout dans le monde. Certains sont même spécialisés dans une seule marque. C’est important d’avoir un bon réseau. Trouver la pièce dont on a besoin peut prendre un peu de temps. Il m’est arrivé de ne pas trouver, mais c’est rare: jusqu’à aujourd’hui, je n’ai dû rendre que trois montres à mes clients.» Les collectionneurs qui se tournent vers les indépendants le font généralement pour une question de prix. «Nous sommes en effet meilleur marché que certaines marques.» 

Si l’on devait commencer une collection à ce jour, vers quels modèles faudrait-il se tourner? «Le collectionneur en devenir peut trouver des montres trois aiguilles pour quelques centaines de francs, signées Eterna, Jaeger-LeCoultre, des Seiko des années 1960, aussi», relève Pascal Ravessoud. «On peut dénicher de très beaux modèles avec des mouvements manufacture chez Omega, Longines et Zenith, qui ont créé une grande variété de modèles et ont beaucoup produit par le passé, explique Joël Laplace. Il reste donc beaucoup de fournitures en circulation. C’est précieux pour les restaurations. Chez Zenith, je conseillerais de trouver un modèle 3642 parce qu’il a été relancé cette année en version revival. Chez Omega, on trouve pléthore de Seamaster très abordables, avec la date et l’heure, animées par un mouvement manufacture. Si Zenith et Omega fabriquent toujours leurs mouvements, ce n’est plus le cas de Longines, mais on peut trouver une Longines des années 1950 avec un mouvement manufacture. Acquérir une Longines Conquest peut être une bonne entrée en matière. Pour la somme payée, on a un objet d’une très grande qualité. Ce sont trois marques que l’on retrouve typiquement dans les familles suisses, car il s’agissait de la montre du grand-père ou de la grand-mère.»

S’offrir une montre vintage revient bien moins cher qu’un modèle actuel, mais il faut être sensible à son esthétique. «C’est un voyage dans le temps, note Pascal Ravessoud. Quand je regarde ma montre, ce n’est pas toujours pour regarder l’heure.» 

>> La Bourse suisse d’horlogerie a lieu le dimanche 6 novembre, 10h-16h30, Musée international d’horlogerie, rue des Musées 29, La Chaux-de-Fonds, www.chaux-de-fonds.ch/musees/mih/mih-evenements/bourse-horlogere 
>> Re-luxury, le salon dédié au re-commerce des objets de luxe, 30 participants suisses et internationaux, du 4 au 7 novembre, Hôtel Président Wilson, quai Wilson 47, 1211 Genève. www.reluxuryevent.com

Par Isabelle Cerboneschi publié le 6 novembre 2022 - 10:14