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Digital Valley 2023

Christoph Aeschlimann: «L’informatique est notre vecteur de croissance»

Dans le cadre de la deuxième édition du concours «Digital Valley 2023» qui vise à élire la vallée la plus digitale de Suisse, L'illustré s'est entretenu avec Christoph Aeschlimann, nouveau chef de Swisscom. Très attentif à l’innovation numérique, le Genevois ayant grandi à Bâle et étudié à Lausanne tient à ouvrir de nouveaux horizons numériques à la Suisse.

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Christoph Aeschlimann

Christoph Aeschlimann sur le robot ARA, pulvérisateur ultra-précis permettant de réduire jusqu’à 95% les produits phytosanitaires.

Darrin Vanselow
Philippe Clot

Il est jeune (45 ans), grand, «fit», calme et dynamique à la fois. Il a grandi à Bâle, a étudié à l’EPFL et vit à Genève depuis plusieurs années. Christoph Aeschlimann dirige depuis quatre mois le géant Swisscom et ses près de 19 000 collaborateurs. Le CEO nous a donné rendez-vous dans une grande ferme à Orges (VD), qui utilise depuis cette année le robot ARA, de la firme yverdonnoise Ecorobotix. Le développement de ce pulvérisateur de produits phytosanitaires dopé à l’intelligence artificielle a été soutenu par Swisscom Ventures.

- Si vous deviez vous présenter en quelques mots?
- Christoph Aeschlimann: Une caractéristique importante, c’est mon côté multiculturel. J’ai habité dans plusieurs cantons différents, en Romandie comme en Suisse alémanique. J’ai aussi vécu à l’étranger et travaillé toute ma vie dans l’informatique. Mon ambition consiste à aider les Suisses et le pays à tirer le maximum de la digitalisation. Sur le plan privé, je suis marié et j’ai deux enfants. La famille est très importante. Je m’efforce d’être présent pour mes enfants en dépit d’une charge de travail importante. Et j’aime le sport et la randonnée en montagne.

- Commençons par l’actualité: comment Swisscom se prépare-t-il face aux incertitudes énergétiques de cet hiver?
- La consommation d’énergie de Swisscom est presque 90% électrique. Il est donc primordial pour nous d’éviter une pénurie de ce vecteur énergétique. Nous avons pris des mesures pour réagir efficacement en cas de coupure de courant. Et nous faisons depuis longtemps de grands efforts d’économie d’énergie. Pour la deuxième fois, nous venons d’ailleurs d’être désignés opérateur téléphonique le plus durable du monde par le magazine anglais «World Finance».

- En cas de coupure de courant – de délestage sélectif comme disent les professionnels – les antennes relais de téléphonie mobile continueront-elles à fonctionner?
- Les antennes ont une certaine autonomie, entre une heure et quatre heures. Mais notre position est claire: il faut tout faire à l’échelle nationale pour éviter des délestages.

- Passons à l’innovation. La téléphonie mobile et la télévision par fibre optique sont vos deux grands services grand public. Ces technologies sont parvenues à maturité. Ont-elles encore un potentiel d’innovation?
- Nous ne sommes jamais au bout de l’innovation. La technologie continue d’évoluer à grands pas. Mais c’est vrai, aujourd’hui, pour Swisscom, l’innovation est surtout orientée vers le monde de l’entreprise. Tout se digitalise dans les activités économiques: outils et appareils connectés, intelligence artificielle, cloud, etc. Swisscom accompagne les entreprises dans leurs projets de numérisation.

Christoph Aeschlimann

L’agriculteur d’Orges (VD) Nicolas Pavillard (à g.), utilisateur du robot ARA, et le CEO de Swisscom. Un exemple de complémentarité numérique.

Darrin Vanselow

- Quelles sont les branches économiques qui sollicitent le plus Swisscom?
- Il y a bien sûr la santé, les hôpitaux ayant d’innombrables équipements connectés. Il y a aussi le transport, la production, la vente au détail, les processus de travail dans les banques et dans les assurances, les interfaces avec les clients. Les gens font aujourd’hui des choses sur une app de smartphone qui n’étaient possibles que sur un ordinateur il y a quelques années. Et cette évolution va continuer. Un grand opérateur comme Swisscom doit bien sûr accompagner de manière active ces changements de comportement.

- La Suisse est-elle, comme on l’entend souvent, en retard sur le plan de la digitalisation?
- Sur certains aspects de la numérisation, notre pays est très bien placé. Notre réseau mobile, par exemple, est un des meilleurs du monde. Mais certains domaines, en revanche, ont pris beaucoup de retard, comme la santé ou l’administration. Des pays comme Israël ou l’Estonie peuvent nous servir de modèles à suivre.

- Comment rattraper ce retard?
- C’est souvent une question de volonté politique. Le fédéralisme complique aussi cette transition. Dans la santé, la mise en place de la loi sur le dossier électronique du patient bute par exemple sur le principe du double accord du médecin et du patient. Il faut surmonter ces écueils avant de pouvoir déployer des technologies numériques.

- L’immersion dans des mondes virtuels comme le très en vogue métavers, c’est une piste majeure d’innovation ou une lubie passagère?
- Le métavers est une technologie prometteuse mais très jeune. Nous étudions cela de près et avons déjà fait différents essais concrets pour évaluer et maîtriser ces technologies. Cela pourrait être un vecteur très intéressant pour nous, mais il est presque impossible de savoir dix ans à l’avance ce qui va se développer. Nous préférons être réactifs. Nous nous concentrons sur deux horizons d’innovation différents: un horizon classique à une année dans le cadre duquel nous développons des produits et un horizon à trois ou quatre ans avec des collaborateurs installés dans la Silicon Valley et en Suisse pour assurer une veille technologique, détecter des start-up, comme Ecorobotix et son robot ARA justement.

- Pas question pourtant pour Swisscom de se diversifier de manière plus radicale ces prochaines années?
- Cette question, nous nous la posons en permanence. Mais Swisscom reste d’abord une entreprise de télécommunications et d’informatique. Dans ces deux domaines, il y a énormément de choses à développer. L’informatique est un grand vecteur de croissance. Dans le cloud, la cybersécurité, la digitalisation de la santé, la banque, l’assurance, la connectivité, nous avons de nouveaux rôles à jouer. C’est là que Swisscom peut et doit être innovant. Dans le domaine des télécommunications, nous mettons l’accent sur le développement de nos réseaux, afin de mettre à disposition de nos clients la meilleure infrastructure possible.

- Manquez-vous d’informaticiens, comme tant d’autres entreprises aujourd’hui?
- Oui, cette pénurie nous concerne aussi. Nous devons donc rester plus que jamais attractifs comme employeur. Nous avons investi dans la marque, dans les conditions de travail, dans la flexibilité du temps de travail et dans la formation. Nous avons ouvert des bureaux à Riga et à Rotterdam pour recruter des collaborateurs. Mais à moyen terme, il est impératif que la Suisse forme plus d’informaticiens, notamment en motivant plus de jeunes femmes à s’orienter vers l’ingénierie informatique.

- Faut-il enseigner les rudiments du codage dès le plus jeune âge?
- Je ne suis pas sûr que tout le monde doive apprendre à coder. Mais si on l’a fait une fois, cela aide à comprendre comment marche vraiment l’informatique, ce qui peut faire naître des vocations. Et puis il faut avoir conscience que, dans un avenir proche, il n’y aura plus une seule profession sans contact avec le digital. Une bonne base d’informatique serait donc précieuse pour chacune et chacun.

- Vous êtes jeune, informaticien émérite, avec un grand appétit d’innovation et vous voici patron d’une grande institution nationale. N’est-ce pas un peu contradictoire?
- Je suis venu chez Swisscom parce que cette entreprise peut justement avoir un impact d’innovation au niveau national. Proposer un réseau à la pointe de la technologie dans un village de montagne, par exemple, cela change la vie de ses habitants en leur ouvrant de nouveaux horizons. On le voit ici aussi, dans cette exploitation, sans réseau mobile l’innovation n’est pas possible.

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Par Philippe Clot publié le 5 octobre 2022 - 08:51