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Testament

Comment être clair avec ses dernières volontés

Formuler clairement ses dernières volontés, c’est éviter beaucoup de démarches à sa famille, à l’administration et aux tribunaux.

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Guillaume Long

On ne peut jamais savoir ce que la vie nous réserve. Accident grave, crise cardiaque, AVC… Autant d’événements pouvant entraîner une sévère perte de discernement ou même la mort. Alors mieux vaut prendre ses précautions en établissant des directives anticipées ou un mandat pour cause d’inaptitude assez tôt.

• Faut-il un testament?

- Jeanne Dupuis est veuve et a deux fils. Chacun doit hériter du même montant. Que doit-elle faire? Rien, elle n’a pas besoin de testament. La loi prescrit que ses deux fils hériteront chacun de la moitié de ses biens. Si toutefois Jeanne tient à rédiger un testament, il n’y a pas de mal à ça. Mais toute personne qui déniche le testament après son décès doit le remettre aux autorités compétentes. Ensuite, celles-ci avertissent officiellement les héritiers. Juridiquement, on parle d’ouverture du testament. Mais cela coûte et réduit inutilement l’héritage. Par conséquent, mieux vaut ne rien faire du tout.

- Claude Borloz souhaite que sa compagne hérite de tout. Il n’a pas d’enfants, pas de frères et sœurs, mais sa mère est toujours en vie. Il faut un testament, car sa compagne n’est pas une héritière légale et n’hériterait de rien du tout. Il doit donc tester: «J’institue ma compagne seule et unique héritière.» Toujours est-il que, jusqu'au changement de loi prévu, la mère de Claude Borloz reste légalement héritière réservataire. Dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (probablement courant 2021), Monsieur Borloz pourra, d'une façon ou d'une autre, tout léguer à sa compagne. Si la mère survit à son fils, elle peut – jusqu'à la révision de la loi - exiger la moitié de la succession, mais n'y est pas obligée.

Si la mère ne conteste pas le testament dans un délai d’un an, tout ira définitivement à la compagne. Le délai court à partir du moment où la mère apprend l’existence du testament, soit en général quand il y a ouverture du testament.

>> Lire aussi: «Comment régler sa succession» (principes généraux)

• Que faire en cas d’imprécisions?

- Dans son testament, Hélène Nardi a désigné deux de ses sœurs comme héritières. Elle en a exclu la troisième, avec qui elle a toujours été en mauvais termes. En revanche, elle a eu des rapports affectueux avec les filles de celle-ci.

Si au décès d’Hélène Nardi ladite sœur est décédée aussi, la situation est floue. L’exclusion de la succession s’applique-t-elle aussi aux nièces? En l’absence de tout testament, elles obtiendraient la part qui serait allée à leur mère, la sœur exclue. Si les héritiers ne peuvent se mettre d’accord, c’est à un tribunal de décider. Pour éviter ce genre de situation, une formulation claire s’impose, du genre: «Parmi mes héritiers, seule ma sœur Irma ne doit rien recevoir.»

- Autre exemple: les héritiers de Karl Zeller sont son fils et sa fille. Selon le testament, la fille peut reprendre la maison. Mais les enfants interprètent cette volonté différemment. Il dit littéralement que la fille peut reprendre la maison «à la valeur marchande officielle si le domaine est divisé». Le fils pense que le père n'a émis qu'une règle de division. Sa sœur peut donc reprendre la propriété, mais devrait lui payer la moitié de la valeur marchande. La fille, en revanche, reconnaît un double avantage dans le testament: elle peut reprendre la maison à la valeur fiscale officielle inférieure. Le père n'a fait qu'une erreur.

Dans ce cas, la volonté n'est pas claire. Si les deux héritiers ne peuvent s'entendre, un tribunal doit trancher. Une formulation claire du genre «Héritage de la maison: j'ai l'intention que ma fille puisse reprendre la propriété pour le prix le plus bas possible» aurait été utile.

• Comment simplifier la procédure?

- Dans son contrat de mariage, le couple Stefanino a stipulé que la fortune réalisée pendant le mariage ira au conjoint survivant. Après le décès du mari, Amelia, la veuve, entend liquider son compte en banque mais, en dépit du contrat de mariage, la banque demande l’accord du fils, car il figure sur le certificat d’héritier.

La banque a raison. Car même si le fils n’hérite de rien à cause du contrat de mariage, il est formellement héritier et doit donc figurer sur le certificat d’héritier. Si bien qu’Amelia Stefanino a besoin de sa signature. Une formulation claire comme «J’institue mon conjoint comme seul et unique héritier» aurait été utile.

- Le couple Ducloux n’a pas d’enfants communs. Les rapports entre le fils de M. Ducloux et sa belle-mère sont orageux. M. Ducloux aimerait que sa femme puisse liquider ses comptes bancaires et reprendre leur propriété sans en informer le fils.

Le fils peut invoquer sa réserve héréditaire, qui lui garantit 3/8 de la valeur de la succession. Dès l'entrée en vigueur de la révision de la loi (probablement courant 2021), cela ne serait plus que ¼. Par une formulation adéquate, M. Ducloux peut faire en sorte que sa femme puisse se borner à payer son dû à son beau-fils. Une formulation du genre: «Je retire à mon fils la qualité d’héritier. S’il invoque sa réserve héréditaire, il l’obtiendra sous forme d’un legs en espèces.»

• Quelle est la forme correcte?

Maria Suarez s’étonne que la banque lui ponctionne 250 francs l’heure pour établir un testament et se demande si elle ne devrait pas plutôt s’adresser à un notaire. Elle ne doit s’adresser ni à la banque ni au notaire. Elle peut rédiger un testament olographe toute seule. Il est valable pour peu qu’il soit entièrement écrit à la main, daté et signé. Si on ne le peut ou ne le veut pas, on choisit la forme du testament public. Il faut alors s’adresser à un officier public institué par le canton, souvent un notaire. Les banques ne sont en aucun cas des officiers publics, mais elles peuvent contribuer à une formulation idoine. Exemple de testament pour célibataire: «J’institue ma sœur Colette Lopez comme mon unique héritière. Ma nièce Sarah Lopez recevra en guise de legs l’ensemble de mes bijoux. Lutry, 23 octobre 2020, Maria Suarez.»

• Où déposer son testament?

- Antoine Vuillet est célibataire et voudrait s’assurer que son testament ne disparaîtra pas après son décès. Il serait bien inspiré de le mettre en dépôt auprès de l’autorité compétente. La commune de domicile lui indiquera l’instance exacte et le coût des émoluments.

- Linette Kuster a institué son compagnon unique héritier. Il sait que le testament est déposé dans la boîte rouge, au fond de l’armoire, sous les chaussettes. La loi ne prescrit pas de dépôt officiel. Linette Kuster peut conserver son testament chez elle, mais il importe que quelqu’un sache exactement où. Il ne faut jamais déposer un testament dans un coffre de banque, cela retarde en général son ouverture.

* Traduit de l'allemand

 


Le témoignage d'un abonné

«Nous avions un problème avec le testament de mon frère»

 

Grâce au juriste de L’illustré, Gérald Roth, de Cœuve (JU), a pu vérifier que le testament non signé de son frère n’était pas valable. Il en avait perdu le sommeil, le voilà rassuré.

Lorsqu’un deuil arrive dans une famille, il arrive que des disputes éclatent à propos de l’héritage de la personne décédée. Même si les sommes en jeu sont minimes. C’est malheureusement ce qui est arrivé chez Gérald Roth, 73 ans, qui habite à Cœuve, dans le canton du Jura, dans une maison achetée lorsqu’il était encore actif professionnellement comme représentant en produits alimentaires.

L’an passé, un de ses frères est décédé de maladie. Un testament a été trouvé, mais il ne portait aucune signature, ni celle du défunt ni celle d’un notaire ou de témoins. Or ce testament privilégiait un neveu au détriment de la hiérarchie légale entre héritiers.

«Pour nous, ce testament n’était pas valable. Comme je suis un abonné de longue date à L’illustré, j’ai pu profiter du nouveau service Mes Droits pour m’en assurer. On m’a très aimablement répondu que, en effet, ce testament non signé n’avait pas de valeur juridique. J’ai insisté, envoyé une photo, la réponse est restée la même. Les choses étaient enfin claires. Avant ça, il y a eu bien des nuits où je ne dormais pas en me posant ces questions.» D’autres membres de la famille ont de leur côté fait appel à leur service juridique, qui leur a donné la même réponse. Le neveu ne veut pour l’instant toujours pas entendre raison et l’affaire n’est pas classée. Mais au moins, Gérald Roth a désormais l’assurance qu’il est dans son bon droit et il peut envisager la suite plus sereinement.


Par Karin von Flüe publié le 4 novembre 2020 - 09:26, modifié 18 janvier 2021 - 21:16