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Comment Lionel Baier a vécu le 11 septembre 2001 (en rentrant de New York le matin même)

Le 11 septembre 2001, au petit matin, le cinéaste embarque tranquillement dans un avion qui le ramène de New York. Sans se douter un instant du cataclysme qui va secouer le monde entier. A son arrivée, son téléphone sonne. Et s’il disparaissait sans laisser de traces?

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Lionel Baier

Le cinéaste Lionel Baier revient sur son voyage new-yorkais au moment où les attentats du 11 septembre ont endeuillé les Etats-Unis. 

Jean-Christophe Bott/Keystone

«Je me trouvais à New York, le week-end du 7 au 10 septembre 2001. J’y présentais mon premier film dans un festival, Celui au pasteur, un documentaire sur mon père. J’avais été invité par le consulat général de Suisse à New York. C’était un drôle de moment, Swissair faisait faillite, Sabena, sa filiale belge, aussi. Je devais transiter par Paris. Arrivé tard, je logeais dans un hôtel à Gonesse, proche de l’aéroport. De ma fenêtre, je pouvais apercevoir l’emplacement où le Concorde s’était écrasé l’année précédente. C’était vraiment la fin d’une ère.

Arrivé à New York, je présente mon film et le lendemain, le 10 donc, je pars flâner dans les rues et me dirige vers le World Trade Center. Un endroit où on allait rarement, voire pas du tout, mais je souhaitais acheter des vêtements dans une boutique de streetwear que je connaissais. Il faisait très beau et très chaud ce jour-là. Un véritable été indien nimbé d’insouciance.

>> Lire aussi: «Le 11 Septembre 2001, le mythe de l’invincibilité a volé en éclats»

Le soir, dans la voiture qui me conduit à l’aéroport, j’observe une vapeur d’eau qui se dégage de la ville. Il avait plu une heure ou deux, l’air demeurait moite. Je sors la petite caméra digitale qui m’accompagnait partout et filme la ville, avec en arrière-plan les Twin Towers, desquelles émanait une sorte de fumée rouge, liée à la condensation et à la lumière. C’était incroyable, j’avais l’impression que Manhattan était en feu.

Mon avion est retardé, j’embarque finalement le mardi 11 septembre au petit matin. Je fais une escale à Bruxelles, en profite pour allumer mon téléphone qui est saturé de messages. Mon bureau de production est à ma recherche, ainsi que le consulat qui s’inquiétait du sort des ressortissants suisses présents à New York. Je rappelle rapidement le bureau et les entends hurler: «C’est lui, c’est lui, il est vivant!» Et c’est là qu’on m’apprend que deux avions viennent de s’écraser dans les tours. Je ne comprends rien, j’y étais quelques heures auparavant, je les avais mêmes filmées!

Personne ne semblait au courant à l’aéroport, il n’y avait pas d’écran de télévision. Je prends mon vol pour Genève et une idée me vient à l’esprit. Et si je ne rappelais pas le consulat? Si, en me posant à l’aéroport de Cointrin, je décidais de disparaître? Le monde était devenu un tel chaos en quelques heures que mon envie de m’échapper aurait pu se concrétiser.

Ce petit moment de vertige m’a accompagné assez longtemps. J’y repense souvent. Et si j’avais décidé de changer complètement de trajectoire? De réinventer une vie complètement différente? Un parcours peut-être un peu plus simple.

Le monde du cinéma est assez compétitif. C’est galvanisant mais c’est un challenge émotionnel constant. C’est une bataille de réaliser un film, de trouver les financements. Même si je me réveille avec cette envie chaque matin.

J’ai gardé les vêtements achetés le 10 septembre. Impossible de m’en débarrasser. C’était le dernier jour du XXe siècle. Je ne le savais pas. Il faisait grand beau. Depuis, le monde a radicalement changé.»


L'actualité de Lionel Baier 
 

Avec sa société de production Bande à part Films, Lionel Baier a produit Cinq nouvelles du cerveau, le dernier film du réalisateur Jean-Stéphane Bron. Actuellement en salle.

Film
DR


 

Par Alessia Barbezat publié le 20 septembre 2021 - 09:47