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Journée internationale des droits des femmes

Des Romandes remarquables

La présidente du Conseil d'Etat vaudois Nuria Gorrite, l'artiste Danitsa et l'oncologue Solange Peters, trois femmes romandes d'exception, font part de leur constat sur la condition féminine et de leurs espoirs à l'occasion de la Journée de la femme.

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Nuria Gorrite, Danitsa et Solange Peters, trois des 21 femmes remarquables pour célébrer le 8 mars.

Julie de Tribolet

«Je souhaite que la crise aide à la reconnaissance des rôles clés des femmes»

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Solange Peters, 48 ans, cheffe du service d’oncologie médicale du Centre hospitalier universitaire vaudois.

Julie de Tribolet

Née de parents pharmacologues, la Lausannoise étudie la résistance du VIH aux médicaments puis se tourne vers l’oncologie et se spécialise dans les tumeurs thoraciques. Elle est nommée professeure et cheffe du service d’oncologie du CHUV en 2016. Elle a créé le réseau Women for Oncology au sein de la Société européenne d’oncologie médicale, qu’elle préside cette année.

- Petite fille, que rêviez-vous de devenir?
- Je crois que j’ai toujours voulu soigner. Je me rappelle avoir écrit, enfant, de multiples ordonnances illisibles et les avoir largement distribuées. J’aimais aussi préparer des potions.

- Quelle est votre héroïne?
- J’aurais plaisir à citer Marie Curie, Simone Veil, Rosa Parks ou Frida Kahlo – qui restent des héroïnes modèles. Mais pour moi, particulièrement en ces temps difficiles, c’est cette femme qui parvient à garder le cap au quotidien. C’est cette travailleuse qui voit l’école soudainement fermée, cette nettoyeuse qui travaille dans mon couloir d’hôpital jusqu’au milieu de la nuit, cette vendeuse asthmatique qui a perdu son emploi, cette infirmière qu’on a arrêté d’applaudir, cette scientifique qui n’arrive pas à poursuivre ses recherches.

- Votre dernière colère?
- L’impunité que s’offrent certains à travestir et à instrumentaliser la science en rumeurs mensongères et anxiogènes. La liberté et le libre arbitre, que je défends ardemment, c’est de pouvoir décider pour soi-même, en fonction de sa réflexion et perception propre de la société, et non pas de s’octroyer le droit de véhiculer des contrevérités.

- Votre dernier bonheur?
- L’amour des miens, chaque jour.

- La journée du 8 mars a-t-elle encore un sens?
- Evidemment. Force est de constater que la situation professionnelle des femmes, certainement dans mon milieu professionnel mais aussi dans la société en général, n’a que très peu changé ces dernières décennies. Et ceci malgré la conscience collectivement acquise des stéréotypes qui parfois influencent nos choix, et en dépit des efforts de beaucoup d’organisations et institutions. Il faut analyser plus avant les fondements de cette discrimination et de la persistance des disparités pour savoir efficacement les adresser dans le futur. La Journée des femmes nous rappelle ces devoirs. 

- Les revendications féministes vont-elles parfois trop loin?
- Non. On ne va jamais trop loin lorsqu’on exige l’égalité des droits et la fin des discriminations.

- Que souhaiter aux femmes en 2021?
- Que la période que nous vivons n’égratigne aucunement l’engagement et le militantisme. Que notre vécu récent puisse renforcer la solidarité et aide à la reconnaissance de certains métiers et rôles clés des femmes. 

- Et aux hommes?
- Aux hommes comme aux femmes, de pouvoir prendre leur vie en main. La pandémie a entraîné une crise sociétale majeure aux conséquences instantanées. Je me refuse à penser qu’on puisse grandir au travers de telles épreuves, mais je veux croire qu’on peut redémarrer sensiblement plus «collectivement». (A.B.)

>> Lire l'éditorial: «Parce qu'il faut continuer le boulot»
>> Lire aussi le portrait de 18 Romandes qui brillent


«Je nous souhaite de garder ce formidable élan qui nous unit»

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Nuria Gorrite, 50 ans, présidente du Conseil d’Etat vaudois.

Julie de Tribolet

Cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines, la socialiste est la première femme à présider le Conseil d’Etat vaudois. Née dans une famille immigrée d’Espagne, elle a la vingtaine quand elle se lance en politique. Elle en gravit les échelons jusqu’à accéder au Conseil d’Etat en 2012. Réélue en 2017, elle succède à Pierre-Yves Maillard à la présidence.

- Petite fille, que rêviez-vous de devenir? 
- Grand reporter. J’ai toujours aimé écrire et j’imaginais un univers palpitant fait d’enquêtes, de carnets de voyage, de rencontres. Je voulais déjà contribuer au monde à ma manière.

- Quelle est votre héroïne?
Je n’ai pas un goût particulier pour l’hyper-personnification. Mais plusieurs figures m’ont marquée comme Rosa Parks, Malala, Gisèle Halimi ou, plus proche de nous, Yvette Jaggi, dont la carrière est si inspirante. Mais il faut surtout mentionner le cortège anonyme de celles qui se battent au quotidien pour concilier leurs vies de salariées, de mères et de femmes engagées.

- Votre dernière colère?
- Avec les années, et grâce à la politique, j’ai appris à transformer la colère en action. Cependant, en janvier, lorsque le Tribunal constitutionnel de Pologne a interdit l’avortement, je me suis sentie impuissante, triste et en colère. Au nom de principes désuets, c’est une reculade historique qui inflige de nombreuses souffrances aux femmes polonaises. Les droits des femmes sont fragiles. C’est pourquoi il faut les défendre sans relâche.

- Votre dernier bonheur?
- Il est très personnel. Celui d’avoir pu échanger quelques mots, lors de mes dernières vacances en montagne, avec une femme de plus de 80 ans, férue des sommets, battante et indépendante. J’ai mesuré ce que cette pionnière a dû mobiliser de force personnelle pour vivre la vie libre qu’elle entendait.
 
- La journée du 8 mars a-t-elle encore un sens?
- La Journée internationale des droits des femmes garde tout son sens, évidemment. L’égalité salariale n’est pas atteinte, ni celle du niveau des rentes, le partage équitable des tâches domestiques est très à la traîne, la lutte contre les féminicides et les violences domestiques doit se poursuivre ainsi que celle contre le harcèlement de rue par exemple et contre les stéréotypes de genre.

- Les revendications féministes vont-elles parfois trop loin?
- Le principe même des luttes sociales repose sur des mouvements qui, au fil de l’histoire, ont été jugés extrémistes… Ils sont pourtant nécessaires pour faire bouger les lignes, comme l’ont montré les suffragettes qui, dans notre pays aussi, se sont battues pour nous offrir le droit de vote il y a seulement cinquante ans.

- Que souhaiter aux femmes en 2021? 
- De garder ce formidable élan qui transcende les partis et les générations et qui unit, en une belle vague violette, les aspirations légitimes de celles et de ceux qui veulent vivre dans une société affranchie des dominations patriarcales. 

- Et aux hommes?
- Pareil! De vivre dans une société qui n’assigne personne à un comportement de genre, viriliste, qui les asservit, les réduit et les enferme également. Les hommes et les femmes doivent pouvoir exprimer librement leurs différences sans hiérarchie et les envisager comme des richesses. Le monde a besoin de tous les potentiels. (A.B)


«Je souhaite aux femmes du «self-love» et de lâcher prise»

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Danitsa, 26 ans, chanteuse, productrice, auteure-compositrice.

Julie de Tribolet

Depuis qu’elle a remporté un Swiss Music Award en 2018, Danitsa est sur orbite. L’artiste genevoise aux tubes hip-hop, funk, trap et soul finalise ce printemps, à Los Angeles, l’enregistrement de son nouvel album. Alors qu’elle vient de signer chez Island Records – le label historique d’Universal Music qui a produit notamment Bob Marley et Queen –, son dernier titre, «Let Go», brille sur Spotify et dans les charts depuis sa sortie en janvier.

- Petite fille, que rêviez-vous de devenir?
- Actrice. A 8 ans, je me souviens d’avoir adoré jouer dans une comédie musicale, c’était ma première expérience sur scène. Après, je voulais être reporter.

- Quelle est votre héroïne?
- Je n’ai pas une héroïne mais des héroïnes. Ce sont les femmes de mon quotidien.

- Votre dernière colère?
- Au supermarché, j’étais avec deux amies en train d’acheter une bouteille de rosé. Le caissier a demandé à l’une d’entre elles son ID suisse «car elle n’avait pas l’air de venir d’ici». Je montre rarement mes émotions en public, mais je me suis tellement fâchée! J’en ai assez de ces discriminations constantes.

- Votre dernier bonheur?
- Je suis très heureuse d’avoir signé chez Island Records (Universal Music) tout en coproduisant mon prochain album avec le label indépendant Evidence Music à Genève. Mais ma joie quotidienne, c’est de bosser avec les femmes qui m’entourent. Ce sont mes repères.

- La journée du 8 mars a-t-elle encore un sens?
- Si elle existe à ce jour, c’est qu’il y a encore plein d’éléments à pointer du doigt.

- Les revendications féministes vont-elles parfois trop loin?
- Chaque personne a le droit de s’exprimer librement. Je respecte chaque combat, même les plus extrêmes, mais je n’adhère pas à tous! Mon féminisme, je le revendique personnellement dans mes interviews.

- Que souhaiter aux femmes en 2021?
- De la confiance, du self-love, de l’ambition, de la détermination et qu’elles lâchent prise. «We have to let go» («nous devons laisser aller», clin d’œil au mantra de son nouveau single sorti en janvier dernier, ndlr).

- Et aux hommes?
- De la compréhension, de la tolérance, de la vulnérabilité et, pour eux aussi, du self-love. (J.A.)

Par Jade Albasini et Albertine Bourget publié le 4 mars 2021 - 08:59