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Mois du cancer de l'enfant

Mon enfant a un cancer: «Naïa est différente, mais elle est vivante!»

En ce mois de sensibilisation à la maladie, trois mères aux prises avec le cancer de l'enfant ont enregistré une chanson pour l'association Zoé4life et parlent de leur combat. Troisième et dernier témoignage: Gaëlle Solioz et Naïa.

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La rémission: Gaëlle Solioz et sa fille Naïa. Julie de Tribolet

C’était un vendredi de septembre 2017. Au retour de l’école, Naïa, 7 ans, est prise de nausées. Aux vomissements violents s’ajoutent des maux de tête et de ventre. Les médecins consultés en urgence diagnostiquent une gastro. Elle s’accompagne de symptômes inhabituels: l’enfant voit double et trouble. Même assise, elle perd l’équilibre. Gaëlle Solioz, sa maman, se souvient: «Les médecins m’ont renvoyée à la maison avec des médicaments. Il y avait effectivement des cas de gastro.»

Dès lundi, il a fallu se rendre à l’évidence: quelque chose clochait. «Naïa ne vomissait plus, mais elle ne pouvait plus se déplacer toute seule.» Gaëlle retourne à l’hôpital. Cette fois, le verdict est sans équivoque: c’est une tumeur à la tête. Elles sont emmenées au CHUV en ambulance au milieu de la nuit. «A ce moment précis, l’enfer vient vous arracher les tripes, dit-elle. Vous découvrez tous ces enfants au crâne dégarni, que l’on ne voit souvent qu’à la télé et, soudain, vous êtes parmi eux.»

«Je donnerai tous mes organes…»

L’IRM indique que la tumeur saigne. «Sans cela, l’issue aurait pu être fatale. Elle se développait sournoisement.» Naïa est atteinte d’un médulloblastome et va subir une intervention chirurgicale délicate. Le mal s’est logé à moins de 1 millimètre du tronc cérébral.

Avant l’opération, l’enfant ne montrait aucun signe d’inquiétude. «La veille, elle n’arrivait pas à dormir. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m’a dit: "Je suis excitée à l’idée de vivre une nouvelle expérience." Elle ignorait la peur. C’est la force des enfants.»

Au réveil, ses premiers mots intriguent: «Quand je serai grande, je veux donner tous mes organes.» Sur le moment, Gaëlle et son mari pensent que leur fille tente de leur dire qu’elle va mourir. Naïa les rassure: «Non, je les donnerai lorsque je serai très vieille!» La petite va subir six semaines de radiothérapie et neuf mois de chimio.

Troubles

Pour la fille aînée de Gaëlle, qui a un frère et une sœur, ce traitement massif a entraîné des séquelles. «Naïa est devenue très lente, elle se fatigue vite et souffre désormais d’une thyroïdite.»

A l’école, elle est affectée de différents troubles de l’apprentissage. «Elle n’a plus été la même après. Il a fallu que nous fassions le deuil de la Naïa d’avant. Mais pour nous, le plus important est qu’elle soit en vie.»

«Aussi forte que courageuse»

Depuis octobre 2018, c’est la rémission. «Plus le temps passe et plus le risque de rechute s’éloigne.» Avec sa fille, Gaëlle a ouvert une page Facebook: Naïa – aussi forte que courageuse. Elle partage son combat, donne de ses nouvelles et évoque les problèmes rencontrés en chemin.

Les parents confrontés au drame font face à toutes sortes de questions imprévues: «Au CHUV, on nous a dit: "Nous pouvons lui faire un prélèvement ovarien afin qu’elle puisse avoir des enfants plus tard, car la chimio peut entraîner l’infertilité. Il faut décider rapidement." Sans Zoé4life, nous n’aurions pas pu bénéficier de cette technique. Cela nous a permis de nous projeter à un moment où tout s’effondrait et d’imaginer notre fille plus grande, ayant la possibilité de choisir son avenir.»

Au quotidien, il a aussi fallu apprendre à supporter le regard des autres. «Lorsque ma fille a commencé à perdre ses cheveux, j’ai décidé de me raser la tête. La dernière fois, c’est elle qui a pris la tondeuse afin de marquer ce moment symbolique.»

Gérer le regard des autres

A aucun moment Gaëlle n’a voulu cacher la maladie. «Je ne voulais pas que ma fille ait honte. A Noël, dans un magasin, un ado derrière elle a lâché: «Ça me dégoûte!» Naïa avait une large cicatrice rouge dans le cou, des brûlures sur la tête et des traces laissées par la radiothérapie.» La maman a rejoint sa voiture. «Je me suis effondrée en sanglots. Mais je ne veux pas juger l’autre qui me juge…»

Ces épreuves lui ont permis de s’endurcir. «Il faut expliquer ces choses auxquelles nous sommes soudain confrontés. Tant que l’on n’est pas concerné, on ne s’en rend pas compte.»
A Portalban, au bord du lac de Neuchâtel, un cancer sera diagnostiqué chez un autre enfant peu après Naïa. «Cela fait beaucoup en si peu de temps pour un si petit village. Nous avons mis en place, avec l’aide de l’assistance sociale, des séances d’information aux élèves et aux parents.»

Au sein de la cellule familiale, l’identité et la place de chacun ont été remises en question. «Aïdan, mon fils, 7 ans aujourd’hui, ne comprenait pas que sa sœur aînée puisse dormir dans notre lit ou qu’elle reçoive tout le temps des cadeaux, des faveurs. Irïa, la dernière, 2 ans et demi, a, au moment du diagnostic, surtout souffert de mon absence.»

Aborder la question de la mort

Les parents redoutaient d’avoir à affronter certaines interrogations. «A l’hôpital, on partage les mêmes chambres, on se lie rapidement. Naïa avait acheté un cadeau d’anniversaire pour un petit copain décédé entre-temps. Lorsqu’elle est revenue chez nous avec le jouet, il a fallu aborder un sujet dont nous ne sommes pas préparés à parler avec nos enfants: la mort. Elle s’est invitée à la maison. Nous en avons discuté les cinq: «Si lui est mort, pourquoi pas moi?»

Le cancer de l’enfant bouscule tout sur son passage. Gaëlle a arrêté de travailler. Financièrement, c’est difficile. Il y a eu heureusement des repas de soutien, des cagnottes. Mon mari, lui, travaille. Il a des collègues, son activité lui change les idées.»

L’intimité du couple a été entravée. «On a dû mettre ça de côté.» Gaëlle ajoute: «Si mes cheveux ont repoussé, je ne suis plus la même femme. Il faut aussi apprendre à se retrouver soi-même.»

A lire, deux autres témoignages de mamans d'enfants malades d'un cancer:


L'éditorial: «Cancer de l'enfant, des besoins urgents»

Par Michel Jeanneret, rédacteur en chef

Le sujet est si délicat, la perspective de perdre un enfant est tellement insensée qu’on frémit à l’idée de l’aborder. Pour regarder la réalité en face, offrir une visibilité à ce qui est encore un véritable tabou, des petits rubans dorés sont désormais distribués chaque année à l’occasion du Septembre en Or, décrété mois international de sensibilisation et de mobilisation autour des cancers de l’enfant.

Afin d’évoquer ce tremblement de terre qui bouleverse la vie de nombreuses familles et les plonge bien souvent dans une situation dramatique, nous avons récolté les témoignages pudiques et sensibles de trois mamans qui nous emmènent dans le vertige de la maladie, une épreuve dans laquelle les parents se lancent la plupart du temps sans filet, en l’absence d’un soutien approprié des pouvoirs publics.

Près de 300 enfants sont touchés chaque année par le phénomène, ce qui en fait la deuxième cause de mortalité infantile derrière les accidents. Afin de lutter au côté de leur enfant, il est fréquent que l’un des deux parents soit contraint de donner sa démission, que des familles se retrouvent ainsi dans un statut financier précaire, au moment même où celles-ci sont au cœur d’un combat pour la vie.

A la veille des élections fédérales, il est incontournable que les futurs élus s’engagent à empoigner le problème, que l’on cesse de considérer que celui-ci est marginal, même si le cancer de l’enfant ne représente que 1% des cas, les adultes étant largement plus concernés. Une assurance perte de gain, un congé parental, des solutions doivent être trouvées pour venir en soutien aux victimes collatérales du cancer et soutenir au mieux les enfants.


Une chanson et un clip pour la vie

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Trois mamans unies par le cancer de leurs enfants: Gaëlle Solioz, Natalie Guignard et Angie Ott (de g. à dr.). Julie de Tribolet

Difficile d’écouter «Zoé pour la vie» sans avoir la gorge nouée. Cette chanson épurée est un hommage à la petite Romande emportée par un cancer il y a six ans, deux jours avant son 5e anniversaire. Elle a été co-écrite par Natalie Guignard, sa maman, Gaëlle Solioz et la chanteuse Angie Ott, piano et voix. Ces deux dernières vivent respectivement la rémission et la rechute de leur enfant.

Les paroles reprennent les expressions naïves de cette fillette solaire qui a rendu son dernier souffle le 26 octobre 2013, après avoir vu son souhait exaucé: rencontrer Winter, un dauphin blessé, en Floride.

>> Voir le clip de l'association Zoé4life:

«Donne-moi la chance de guérir»

Si la chanson Zoé pour la vie nous bouleverse, c’est qu’elle questionne: «Je suis plus là, et dis-moi, c’est quoi ton rêve à toi?» Un chœur d’enfants ajoute: «Donne-moi la chance de guérir, donne-moi la chance de grandir.» Mis en vente depuis le 1er septembre pour marquer le mois de sensibilisation au cancer de l’enfant, ce CD est né de la rencontre d’un trio de mamans devenues sœurs de cœur dans l’épreuve. «Nous n’étions pas prédestinées à nous rencontrer. Le destin en a décidé autrement.»

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  DR

Les profits seront intégralement versés à Zoé4life. «Nous vivons des choses tragiques qui en font naître de belles», souligne Natalie Guignard. Un crowdfunding actif jusqu’à la fin du mois a permis d’enregistrer le titre et de produire un clip. Chaque franc récolté ira à la recherche pour le cancer pédiatrique.

Le CD «Zoé pour la vie», vendu 5 francs, soutient la recherche sur le cancer de l’enfant.

>> Pour commander le CD: www.zoe4life.org/zoepourlavie


Par Dana Didier publié le 10 septembre 2019 - 08:55, modifié 18 janvier 2021 - 21:05