Silhouette frêle, voix douce, la chanteuse neuchâteloise Angie Ott, 29 ans, s’exprime dans un quasi-murmure. Sur scène pourtant, son timbre puissant porte lorsqu’elle «sort de sa bulle». Son talent lui a permis d’accéder à la finale de l’Eurovision 2018. Le jour de notre rencontre, la jeune femme est sur le point de rejoindre au CHUV son fils Adriàn, 3 ans, et Mickael, son mari, 36 ans. Pour l’enfant atteint d’un rhabdomyosarcome, la chimio tant redoutée a repris.
Le miracle, puis la rechute
«Tout a commencé en juin l’an dernier par des ballonnements», se souvient la jeune femme. L’énorme excroissance de son fils évoque une constipation. «A l’hôpital, on a détecté quelque chose de solide. Une tumeur.» Les analyses dissipent le doute: elle est maligne. «Nous avons passé deux mois à l’hôpital. La tumeur était collée à la vessie, tellement grosse qu’on ne savait pas d’où elle partait.» Adriàn est au plus mal, il commence à ne plus pouvoir respirer.
Dès les premiers traitements l’espoir renaît. «Après trois chimios, tout avait disparu. Un miracle. Les médecins n’avaient jamais vu ça.» S’il faut aller au bout des neuf cures prévues, ils renonceront à la radiothérapie. Il est trop jeune et son poids trop faible pour subir ce nouvel assaut. «Après la rémission, nous avons vécu six mois d’un intense bonheur; ma grossesse avait été difficile – sans lien direct avec le cancer. Lorsque votre enfant tombe malade, vous profitez plus encore. Chaque seconde compte. Il n’y a pas une fois où je le prends dans les bras sans dire: "Merci!" Je suis si heureuse qu’il soit près de nous.»
Tempéraments différents
Tous les trois mois, Adriàn est soumis à un contrôle de routine. Un moment d’appréhension vite dissipé, jusqu’à la rechute. «Ils ont détecté une tumeur de 10 centimètres. La même, selon les médecins. Ils ont changé de médicament car l’organisme peut s’habituer au traitement.» Adriàn doit se soumettre à neuf séances, une tous les vingt-deux jours. «Ensuite, ce sera la radiothérapie.»
Angie Ott avoue volontiers qu’elle a un tempérament inquiet. «Je ne suis pas facile et je salue la patience du personnel soignant. Je ne laisse jamais mon fils seul une minute.» Son mari réagit différemment. «Mickael est super-positif. Après chaque rencontre avec les médecins, je ressors en pleurant et lui est sûr que ça va aller.»
Les mots pour le dire…
Dans ce parcours du combattant, les parents doivent apprendre à s’adapter. «Face à la rechute, mon mari et moi nous sommes interrogés: "Comment en parler à notre fils?" Il est si petit et les traitements si lourds.» L’enfant comprend à sa façon. «On lui a dit qu’il avait de nouveau un bobo dans le ventre. Nous jouons souvent avec des voitures. On emmenait les siennes "à l’hôpital" parce qu’elles avaient eu un accident. C’est ma façon de lui faire intégrer et accepter ce qu’il vit.»
Adriàn craint tout particulièrement la sonde nasogastrique. «On la lui a posée une quarantaine de fois en sept mois. C’est une source d’angoisse.»
Risques de convulsions
L’organisme du bambin, très affaibli, est sensible à la moindre bactérie. En cas de fièvre, il faut l’emmener d’urgence au CHUV. «Un séjour de quarante-huit heures. Là, il faut lui administrer des antibiotiques. Pendant le trajet en voiture – une heure et demie du Val-de-Ruz au CHUV – il y a des risques de convulsions. Adriàn peut cesser de respirer, devenir tout bleu. Si cela dure plus de cinq minutes, il faut lui donner un médicament. Cela n’est pas arrivé, mais je ne prendrais jamais le risque de conduire toute seule.»
Les premières chimios ont entraîné des effets secondaires. «Notamment des problèmes aux reins, un excès de protéines dans les urines.»
Soutiens indispensables
Tous les membres de la famille sont impactés par le drame et mobilisés. «Les retours de l’hôpital sont épuisants. Heureusement que l’on peut se reposer sur nos familles respectives.»
Le plus dur reste l’impossibilité d’agir concrètement. «Voir son enfant souffrir et ne rien pouvoir faire nous est insupportable. Adriàn a des nausées, le visage cerné, il est brûlé dans la bouche. Il reperd ses cheveux.» Le petit garçon fait preuve de courage. «Il est très vif. Les infirmières me disent qu’il rigole beaucoup. Cette force, il l’a depuis la naissance.»
Garder le moral pour l’enfant
Les traitements lui laissent peu de répit. «Afin d’éviter de devoir le piquer à répétition, un petit boîtier a été fixé sur son torse, sous la peau. C’est par là que se font les prises de sang et les chimios.»
Dans son album paru en 2016, Angie Ott avait dédié une chanson à cet enfant à naître: «Pour toute la vie». «J’étais enceinte, je n’imaginais pas ce qui allait arriver. Sans le faire exprès, j’ai enregistré la voix la veille de l’accouchement. La chanson parle de la grossesse et de l’amour immense que j’avais déjà pour mon fils.»
Rituels bénéfiques
Face au cancer, elle a subitement cessé de chanter. «Un soir, alors qu’il parlait à peine, mon fils m’a dit: "Maman, chante!" Il ne fallait pas arrêter. Il a raison. Ces petits rituels du coucher sont bénéfiques.» Elle ajoute: «C’est aussi pour cela que j’ai choisi de chanter pour tous les autres enfants qui se sont battus, se battent ou se battront demain contre le cancer.»
Lorsque ses parents ont un coup de mou, Adriàn, perméable à tout, le ressent. «On prend sur nous. J’ai perdu 10 kilos, mais j’essaie de les reprendre, ajoute Angie Ott. Comme me l’a écrit un ami: "Vous ne pouvez pas donner des jours à sa vie, mais vous pouvez donner de la vie à ses jours." On fait tout notre possible. On croit en lui, en sa guérison. Nous allons tout faire pour que ses jours soient beaux!»
A lire, deux autres témoignages de mamans d'enfants malades d'un cancer:
>> L'absence: Natalie, au-delà du deuil de sa fille Zoé
>> La rémission: «Naïa est différente, mais elle est vivante»
Une chanson et un clip pour la vie
Difficile d’écouter «Zoé pour la vie» sans avoir la gorge nouée. Cette chanson épurée est un hommage à la petite Romande emportée par un cancer il y a six ans, deux jours avant son 5e anniversaire. Elle a été co-écrite par Natalie Guignard, sa maman, Gaëlle Solioz et la chanteuse Angie Ott, piano et voix. Ces deux dernières vivent respectivement la rémission et la rechute de leur enfant.
Les paroles reprennent les expressions naïves de cette fillette solaire qui a rendu son dernier souffle le 26 octobre 2013, après avoir vu son souhait exaucé: rencontrer Winter, un dauphin blessé, en Floride.
>> Voir le clip de l'association Zoé4life:
«Donne-moi la chance de guérir»
Si la chanson Zoé pour la vie nous bouleverse, c’est qu’elle questionne: «Je suis plus là, et dis-moi, c’est quoi ton rêve à toi?» Un chœur d’enfants ajoute: «Donne-moi la chance de guérir, donne-moi la chance de grandir.» Mis en vente depuis le 1er septembre pour marquer le mois de sensibilisation au cancer de l’enfant, ce CD est né de la rencontre d’un trio de mamans devenues sœurs de cœur dans l’épreuve. «Nous n’étions pas prédestinées à nous rencontrer. Le destin en a décidé autrement.»
Les profits seront intégralement versés à Zoé4life. «Nous vivons des choses tragiques qui en font naître de belles», souligne Natalie Guignard. Un crowdfunding actif jusqu’à la fin du mois a permis d’enregistrer le titre et de produire un clip. Chaque franc récolté ira à la recherche pour le cancer pédiatrique.
Le CD «Zoé pour la vie», vendu 5 francs, soutient la recherche sur le cancer de l’enfant.
>> Pour commander le CD: www.zoe4life.org/zoepourlavie