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L'ANNÉE 2021 POUR...

Estelle Revaz: «Mon violoncelle m’a permis de traverser ce tsunami émotionnel»

La violoncelliste valaisanne Estelle Revaz a traversé une année sous le signe du combat politique, en défendant les artistes pénalisés par la crise, et de la transcendance artistique. Avec détermination et émotion, elle revisite le fil de ces derniers mois.

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Estelle Revaz

La violoncelliste Estelle Revaz a traversé une année sous le signe du combat politique, en défendant les artistes pénalisés par la crise.

Blaise Kormann

«Jamais je n’aurais imaginé une année 2021 comme celle que j’ai vécue! Tout ce qui s’est passé est de l’ordre de l’incroyable. J’ai commencé le mois de janvier sur le plateau d’Infrarouge face au président de la Confédération, Guy Parmelin, pour défendre les actrices et acteurs culturels. La pandémie frappait déjà depuis de nombreux mois et une grande partie du milieu artistique, à qui on avait interdit de travailler, ne pouvait toujours pas prétendre à des indemnités faute de bases légales. Je ne savais pas du tout que j’avais ce côté militant en moi. La situation était tellement dramatique, tellement injuste, que j’avais seulement deux options: lâcher prise ou me battre. Face au désespoir, j’ai agi par instinct. Je suis allée à la rencontre des parlementaires fédéraux pour les sensibiliser et chercher avec eux des solutions concrètes. Il fallait que je sois à l’écoute pour déchiffrer en un minimum de temps les codes du monde politique. Il fallait que je sois flexible et réactive pour pouvoir rebondir à chaque instant. Tout était si imprévisible.

Emotionnellement, c’était les montagnes russes. Chaque heure, la situation évoluait. Quand je pensais enfin voir le bout du tunnel, j’apprenais qu’il fallait repartir au combat. Un jour, j’ai compris qu’il était impossible de réaliser et de digérer ce que j’étais en train de vivre en temps réel. Il fallait juste traverser les événements. C’était vertigineux, mais je ne pouvais pas abandonner.

Dans l’adversité, il y a aussi eu des rencontres extraordinaires que je n’aurais jamais faites en temps ordinaire. Sur mon chemin et indépendamment des sensibilités partisanes, j’ai rencontré des personnes passionnées, sensibles, empathiques, loyales, pleines d’énergie et de persévérance. Les amitiés ainsi tissées sont un immense cadeau de la vie. Le combat a finalement porté ses fruits fin mars avec les modifications de la loi covid et de l’ordonnance culture. Ça a été un soulagement indescriptible. Et puis, en quelques minutes, comme après un concert, finalement, je me suis tournée vers la suite.

Parallèlement, je préparais en effet mon cinquième disque, que j’ai commencé à enregistrer… trois jours seulement après la «fin» de la bataille politique. Honnêtement, tous les ressentis accumulés pendant cette période se sont invités sur mon album. Quand je le réécoute avec quelques mois de recul, je suis passablement bouleversée. Sur le coup, je n’avais clairement pas eu le temps de digérer mes émotions mais je l’ai fait à travers la musique. Inspiration populaire est nourri par le tsunami émotionnel que j’ai vécu. Le disque sortira en février 2022 et je pense que les personnes qui me connaissent sentiront quelque chose de spécial. Grâce à l’enregistrement de cet opus, j’ai pu maintenir mon niveau technique et artistique pendant le deuxième lockdown.

Il a cependant fallu retrouver les mécanismes de la performance live au moment des réouvertures. Les concerts se sont enchaînés à un rythme démentiel. C’était à la fois intense, merveilleux, stimulant, excitant et… épuisant. C’était comme si on avait un besoin irrépressible de vivre avant qu’il ne soit trop tard. Et puis l’incertitude est revenue, les perspectives se sont de nouveau assombries et j’ai fini l’année comme je l’avais commencée: en me battant pour une cause. En défendant la loi covid, j’ai défendu les bases légales durement acquises en mars et qui sont aujourd’hui indispensables au secteur culturel, profondément fragilisé par la crise.

En 2021, je me suis découverte en citoyenne engagée, mais, tout au long des saisons, j’ai continué à jouer de mon instrument. Au final, lui seul peut sublimer ce que je traverse et permet une forme de catharsis.»

Par Jade Albasini publié le 30 décembre 2021 - 09:25