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L'éditorial

Et si Bertrand Piccard avait raison?

Notre journaliste Philippe Clot, qui a interviewé Bertrand Piccard, se demande si l'écopragmatisme de ce dernier ne serait pas la solution pour sortir de l'éternel dilemme entre enjeux climatiques et intérêts économiques. 

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Fondation Piccard

Avec sa fondation, l'aventurier-psychiatre Bertrand Piccard propose 1000 solutions écologiques pour construire le monde de demain en conciliant intérêts économiques et enjeux environnementaux. 

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Cinquante ans après la retentissante publication par le Club de Rome du rapport Meadows, intitulé «Les limites à la croissance», l’humanité brûle encore quotidiennement 15 milliards de litres de pétrole. Et ce n’est qu’un indicateur parmi d’autres de ce demi-siècle d’inertie en dépit d’une prise de conscience écologique désormais générale. Pour aplanir et infléchir ces courbes rouge vif, deux courants de pensée s’opposent: la décroissance et la croissance 2.0.

Décroître économiquement à large échelle aujourd’hui, cela présuppose une humanité atteinte subitement d’une crise de sagesse, de sacrifice et de solidarité dont aucun indicateur ne confirme l’avènement. Ce n’est en tout cas pas le milliard et demi de Chinois, dont les parents ont déjà goûté aux joies du collectivisme agraire, qui sont prêts aujourd’hui à renouer avec ce genre de frugalité entrecoupé de famines. Ce n’est pas non plus le milliard et demi d’Indiens qui ambitionnent de revenir ou de rester dans l’extrême pauvreté. Et le rêve européen des millions d’Africains qui tentent de traverser la Méditerranée n’est pas dicté lui non plus par la perspective de survivre en cultivant un petit potager.

Bertrand Piccard n’aime pas cette idée de décroissance économique sacrificielle. En fin connaisseur de l’âme humaine, notre aventurier-psychiatre a aussi le courage de rappeler que la notion de profit est une composante majoritaire de notre psychologie. Piccard plaide donc pour une «croissance qualitative». La seule décroissance qui lui convient, c’est celle du gaspillage. Son discours a un énorme atout que l’idéalisme décroissant pur et dur n’a pas: il est universel et peut donc convaincre les décideurs du monde entier.

Bien sûr, les technologies propres qu’il promeut ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées par de nouveaux comportements et par des réformes politiques et économiques courageuses. Tout comme l’idéalisme décroissant pur et dur tient de la politique-fiction, le miracle technologique tiendrait de la science-fiction. La sortie de l’impasse se situe quelque part entre les deux options: une sobriété confortable et librement consentie à l’échelle de l’individu, soutenue par des technologies de pointe résolument ennemies de tous les gaspillages et de toutes les pollutions.

Par Philippe Clot publié le 22 avril 2021 - 08:36