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Faillite personnelle: quelles sont les solutions pour s'en sortir?

En Suisse, les personnes fortement endettées peuvent recourir à la faillite personnelle pour relâcher la pression des saisies sur salaire. Si cette option présente en apparence des avantages, la faillite personnelle possède également des inconvénients. Explication.

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Faire faillite
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Nicole Müller (Beobachter*)

Il y a douze ans, Patrick Golaz (nom modifié) se marie et devient père. Pour sa famille, le trentenaire loue une grande maison et achète une voiture en leasing. S'il sent bien que la situation s’annonce serrée financièrement, Patrick Golaz n’a pas le cœur à exprimer ses réticences: «Je craignais de détruire le bonheur familial», raconte-t-il. Il continue donc simplement sur sa lancée.

Déjà auparavant, l’employé postal a toujours été un peu juste financièrement. Il tient pourtant à subvenir aux besoins de son épouse et de son enfant – et ce presque seul. En effet, sa femme ne travaille plus qu’à temps partiel et s’occupe du bébé.

Pendant longtemps, Patrick Golaz parvient à dissimuler ses problèmes d’argent. Mais un jour, le préposé aux poursuites sonne à sa porte. 100'000 francs de dettes se sont accumulées: loyers impayés, mensualités de leasing, primes d’assurance maladie, factures de médecins, impôts et prêts auprès de collègues. «C’est enfin sorti, un gros poids s’est envolé».

La faillite personnelle n’est pas toujours pertinente

Patrick Golaz résilie le bail de la maison, tente de négocier avec l’entreprise auprès de laquelle il a conclu le leasing et s’adresse au service d’aide en cas de dettes de sa région.

Le centre de conseil commence par examiner attentivement les finances de Patrick Golaz. Il trouve alors précisément la configuration dans laquelle une faillite personnelle est pertinente: Patrick Golaz gagne trop peu pour payer ses dettes mais suffisamment pour ne pas contracter de nouvelles dettes.

Une telle situation est toutefois plutôt rare – la plupart du temps, la faillite personnelle n’est pas la bonne option. Par exemple, avec un revenu très bas. En effet, lorsque de nouvelles dettes s’ajoutent constamment, la faillite personnelle n’est pas utile car elle ne permet pas d’interrompre la spirale de l’endettement. A l’inverse, lorsque l’on est dans la situation de gagner plus que ce dont on a besoin, il vaut mieux essayer de se débarrasser complètement de ses dettes. Il faut pour cela être en mesure de soumettre aux créanciers une proposition de paiement acceptable. Les services d’aide en cas de dettes comptent alors avec l’argent en surplus au cours des prochains 36 mois. En effet, la plupart des personnes peuvent se serrer la ceinture durant trois ans – plus longtemps, ce n’est pas réaliste.

Une faillite personnelle permet de relâcher la pression financière immédiatement. Toutes les saisies de salaire sont levées, les créanciers reçoivent un acte de défaut de bien. La personne endettée peut de nouveau garder une plus grande part de son revenu, se financer une «vie normale». Dans la plupart des cantons, cela signifie un montant de base plus élevé, la possibilité de s’offrir une voiture bon marché ou une petite réserve d’argent. Généralement il est aussi autorisé de garder de l’argent pour payer ses impôts.

Pas pour les personnes désordonnées

Il y a également un revers à la médaille que de nombreuses personnes débitrices ignorent: elles doivent rassembler, classer et garder méticuleusement leurs documents – durant 20 ans au minimum. Car les dettes existent toujours et les anciens créanciers peuvent à tout moment reprendre les poursuites avec l’acte de défaut de bien.

Les personnes débitrices dont les papiers sont désordonnés se retrouvent alors dans une situation infernale. Elles peuvent certes faire opposition en invoquant le motif «pas de retour à meilleure fortune», argumentant ainsi qu’elles ne se sont pas encore rétablies financièrement et que leur «vie normale» ne leur a pas permis de constituer des économies, ni précisément de revenir à «meilleure fortune».

Ils doivent toutefois le prouver devant le tribunal, dans les moindre détails, lors de chaque opposition. L’ensemble des recettes et dépenses des douze derniers mois doit pouvoir être vérifié au moyen de documents.

En l’absence de justificatifs, le tribunal peut refuser l’opposition «pas de retour à meilleure fortune». Les personnes concernées sont alors de nouveau saisissables normalement et s’applique alors le minimum vital habituel selon le droit des poursuites – significativement plus bas. Dans ce cas, les dettes fiscales ne sont plus prises en compte, par exemple. Tous les avantages de la faillite personnelle sont ainsi perdus. Pire encore, de nouvelles dettes menacent.

Ce n’est qu’au bout de vingt ans que le danger est écarté. Les actes de défaut de biens se prescrivent alors – pour autant qu’aucun créancier n’engage une poursuite auparavant. Car alors le délai recommence de nouveau à courir. Afin de ne pas perdre la face, de nombreux créanciers engagent une poursuite peu avant la survenance de la prescription.

En effet, les dettes subsistent malgré la faillite. C’est également désagréable pour les créanciers car cela coûte, aussi bien en argent qu’en temps pour courir derrière l’argent. Les frais de poursuite doivent être avancés auxquels s’ajoutent, cas échéant, les émoluments de justice lorsque les personnes endettées peuvent prouver qu’elles ne sont pas revenues à meilleure fortune.

C’est pourquoi certains créanciers préfèrent abandonner une grande partie de la créance s’ils obtiennent en contrepartie le paiement immédiat de l’autre partie, ce qui leur permet alors de clore l’affaire. Avec cet argument, les personnes endettées peuvent ainsi réussir à racheter des actes de défaut de bien pour une fraction de leur valeur initiale. Toutefois, le paiement doit être supportable. Il est inutile de trop se restreindre et de retomber ainsi dans de nouvelles dettes.

Dettes envolées

«La procédure de faillite n’a assurément rien d’amusant», confie Patrick Golaz. Elle est également compliquée.

Pour commencer, la personne endettée dépose une demande de faillite personnelle auprès du tribunal, expose sa situation financière et paie l’avance pour les frais de procédure. Celle-ci varie selon les cantons; elle est généralement supérieure à 5000 francs.

Le tribunal ouvre la faillite, l’office des faillites dresse l’inventaire, publie la faillite dans la Feuille officielle suisse du commerce ainsi que dans la feuille des avis officiels du canton concerné et invite les créanciers à présenter leur créance à l’office. «Cette publication a été très désagréable pour moi», se rappelle Patrick Golaz. Les créanciers qui ne reçoivent qu’une partie de leur créance au terme de la procédure reçoivent un acte de défaut de bien.

Aujourd’hui, Patrick Golaz peut de nouveau dormir tranquille: «ça a valu la peine de serrer les dents». Il n’a plus de poursuites sur le dos et rembourse ce qu’il peut – il a déjà presque tout rendu à ses collègues.

Bientôt une nouvelle loi?

En Suisse, les personnes sans ressources et endettées le restent souvent toute leur vie. La faillite personnelle est une procédure compliquée et coûteuse qui n’améliore que peu la situation. Souvent, les actes de défaut de bien pèsent lourd sur les personnes concernées et leur famille, voire les rendent malades. Le Conseil fédéral en est également conscient. En 2018, il a décidé que la loi devait être adaptée. Ces dernières années, l’office fédéral de la justice a travaillé sur un projet de loi. Celui-ci est en consultation jusqu’à fin septembre et sera ensuite débattu au parlement.

L’élément central de la nouvelle loi devrait être la «libération du solde des dettes» qui annule définitivement une partie des dettes. Cette «deuxième chance» est destinée à aider les personnes concernées à maîtriser durablement leurs finances. Après sa publication, le projet de loi est mis en consultation. Ensuite, le Parlement en débattra. Cela peut encore prendre des années avant que la nouvelle loi n’entre en vigueur.

*Traduit de l'allemand (Beobachter)

Par Nicole Müller (Beobachter*) publié le 30 juin 2022 - 09:44