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Irène Kälin, élue verte de 35 ans, présidente du Conseil national 2021/2022, n’oubliera jamais son voyage en Ukraine, deux mois après l’invasion russe. De retour à Berne, en retrouvant les députés avant d’aller chercher son fils à la crèche, elle a mesuré à quel point la Suisse était un paradis.
Didier Dana
L élue verte de 35 ans et présidente du Conseil national 2021/2022 Irène Kälin.
Mirjam Kluka«En recevant l’invitation de mon homologue Rouslan Stefantchouk, président de la Rada, le parlement monocaméral ukrainien, je n’ai pas hésité. Deux mois après le début de l’invasion russe, il fallait que je me rende en Ukraine (du 26 au 28 avril, ndlr) en tant que première citoyenne du pays. Aller là-bas, c’était manifester la solidarité de la Suisse à tout un peuple agressé.
Lorsque j’ai rencontré Volodymyr Zelensky, il était parfaitement briefé sur notre principe de neutralité. J’ai proposé notre aide humanitaire. J’ai pu assister à une réunion de travail en visioconférence avec les chefs de districts et les maires qui identifiaient les hôpitaux, les écoles, les rues, toutes les infrastructures qui avaient été touchées.
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Sur place, la brutalité des bombardements et leurs conséquences m’ont frappée, évidemment. Mais la vie quotidienne continuait malgré tout. A Kiev, les trams et les trains circulaient. L’espoir existait. Il se manifestait dans les perspectives d’avenir et de reconstruction. Les dirigeants parlaient de remettre l’Ukraine sur pied, de façon encore plus moderne, encore plus démocratique et encore plus européenne.
Ce voyage est l’expérience la plus bouleversante de ma vie. Et revenir en Suisse a constitué un autre choc. Mon regard sur notre pays et nos institutions était comme neuf. Ici, tout est beau et calme, tout fonctionne. Au Palais fédéral, j’ai ressenti le besoin d’embrasser tout le monde, mes amis politiques comme les autres. Nous vivons dans un paradis. En session, il nous arrive, entre autres, de discuter du fromage et du prix du lait. Quel contraste!
Le soir même de mon retour, je suis allée chercher mon fils Elija à la crèche, ce que j’ai rarement l’occasion de faire quand je suis à Berne. Il a l’habitude que je m’absente deux jours. Pour lui, à 3 ans (au moment des faits, ndlr), la vie avait continué normalement. En le retrouvant, je n’ai pas pu m’empêcher de l’embrasser pendant des heures. Il n’a heureusement pas compris pourquoi. La normalité s’incarnait en lui. Le prix de cette insouciance, c’est la paix.
A 35 ans, j’avais, jusque-là, vécu dans une Europe stable où toutes les valeurs liées à la démocratie semblaient garanties. Nous ne devons pas les considérer comme acquises. Avec cette guerre, elles ont été remises en question. C’est un changement historique. Le monde n’est plus le même depuis. Si, en Suisse, la démocratie n’est pas menacée, comme elle a pu l’être aux Etats-Unis avec l’attaque du Capitole, une Union européenne faible nous met en danger. Si l’Europe n’est pas stable, alors nous non plus. Nous sommes dans le même bateau.
Mon mandat en tant que présidente du Conseil national m’a permis d’écouter tous les Suisses, leurs sensibilités politiques. C’est un privilège d’avoir un système qui permet de déboucher sur un consensus. J’ai beaucoup appris, vécu et vu en une année. Je ressens un sentiment de gratitude et je suis soulagée de remettre mon mandat afin de refaire de la politique sur le terrain en tant que Verte.
Je pense souvent à l’Ukraine. Je continue à prendre des nouvelles de Rouslan Stefantchouk. On s’écrit sur WhatsApp. Je lui demande comment il va et comment il vit. Il a parfois la possibilité de voir sa femme, mais pas ses enfants. Après dix mois, le risque de nous habituer à ce conflit est grand. Je me souviens que pendant la guerre en Yougoslavie, mon père ne se coupait plus les cheveux. C’était sa façon de ne pas oublier. Alors, n’oublions pas.»
Le président français Emmanuel Macron est réélu pour un second mandat de cinq ans en battant la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen. 24.04, Paris, France.
«J’étais soulagée en apprenant qu’Emmanuel Macron avait remporté la présidentielle face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen. Ce qui n’a pas marché en France a fonctionné en Italie. Il faut donc rester vigilant. Les forces extrêmes gagnent partout et remettent en question la démocratie et l’Etat de droit avec leur politique. Ce n’est heureusement pas le cas en France.»
Laine Nathan/Abaca/DukasUn cachalot femelle échoué de 20 m de long et de plus de 70 tonnes a été sauvé, après vingt heures d’efforts, par le personnel de l’administration des pêches. 19.04, comté de Xiangshan, Chine:
«Quelle belle image! Nous épuisons la mer et pillons ses ressources, mais cette fois, c’est l’homme qui vient en aide à la nature. Cette photo me rappelle «Nick und der Wal» (L’enfant et la baleine) de l’auteur pour enfants Benji Davies. C’est l’histoire d’un petit garçon qui recueille une baleine échouée sur une plage, il l’abrite en cachette dans sa baignoire, puis la rejette à la mer avec l’aide de son père. C’est aussi le livre préféré de mon fils, Elija, 4 ans.»
XINHUA via AFPA la Biennale, le premier robot artiste ultra-réaliste baptisé Ai-Da peint et expose ses œuvres. 19.04, Venise, Italie:
«L’intelligence artificielle pourrait nous soulager des tâches les plus ingrates. Et c’est déjà le cas. Ce temps libre, nous pourrions le consacrer aux loisirs, à la culture. Mais lorsque des robots se mettent à peindre, programmés par l’homme, on est en droit de se demander d’abord s’ils font de l’art et ensuite s’ils sont nos alliés ou une menace. La science-fiction s’est déjà interrogée sur ce sujet de la créature qui dépasse l’homme. Vont-ils finir par nous remplacer? Auquel cas nous en serions responsables.»
Stefano Mazzola/Getty ImagesAu cours du procès opposant les acteurs Amber Heard et Johnny Depp, chacun a accusé l’autre de violences physiques et psychologiques, ainsi que de viol, pour elle. 11.04, Fairfax, Virginie, Etats-Unis:
«Je me souviens du tweet posté par Amber Heard, le 1er juin, après sa condamnation. «Je ne blâme pas les jurés pour leur décision. Je les comprends en fin de compte. Depp est un personnage adoré, et les gens ont l’impression de le connaître.» Les mots choisis m’ont touchée. Etaient-ils sincères? J’espère, sans quoi cela pourrait porter atteinte aux bénéfices du mouvement «#MeToo» qui a permis de libérer la parole de toutes les femmes victimes de violences. Comédiens et justiciables à la fois, ils ont été tous deux les acteurs de leur procès. Le fait qu’elle ait finalement été condamnée montre qu’il y avait des doutes sur ses propos.»
Jim Lo Scalzo/Pool/ReutersLe Suisse Nino Schurter, champion du monde de VTT cross-country, remporte la Coupe du monde. En totalisant 33 victoires, il égale le record de Julien Absalon. 10.04, Petrópolis, Brésil:
«Nous sommes un tout petit pays, mais nous restons capables de produire des champions qui brillent partout dans le monde, même si, je l’avoue, je n’ai jamais regardé un match de Roger Federer. En tant que Verte, je suis heureuse que Nino Schurter, à travers son titre, promeuve le VTT en particulier et le vélo en général. En Suisse, nous devrions faire plus afin de permettre aux deux-roues de circuler en ville alors que les itinéraires du cyclisme de loisir sont si bien balisés. Même à Berne, où je me déplace à bicyclette, nous manquons de place. Prenons exemple sur les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Belgique.»
Maxime Schmid/KeystoneLes corps de dizaines de civils, abattus par les forces armées russes, les mains liées dans le dos, jonchent le sol. Le monde, épouvanté, découvre un crime de guerre. 01.04, Boutcha, Ukraine:
«Je n’aurais jamais imaginé que de telles atrocités puissent être perpétrées au XXIe siècle. Pour la première fois de ma vie, je me suis mise à pleurer en regardant des photos. Cette barbarie totalement absurde est-elle inscrite dans notre nature humaine ou ne s’exprime-t-elle qu’en temps de guerre, lorsque des soldats sont conditionnés? Quoi qu’il en soit, il est absolument nécessaire que les responsables de ces crimes soient traduits devant la Cour pénale internationale et punis.»
Zohra Bensemra/ReutersLe président de la Confédération, Ignazio Cassis, ici avec son épouse Paola, est le dernier chef d’Etat à avoir été reçu par la reine Elisabeth II, 96 ans. 28.04, Windsor, Royaume-Uni:
«Je ne suis pas royaliste, mais j’admets que la reine Elisabeth II était unique. J’ai suivi ses obsèques à la télévision. Elle incarnait à elle seule ce que signifie la formule «servir et disparaître». Nous, politiciens, devons le faire au terme de nos mandats alors qu’elle s’est engagée toute sa vie, jusqu’à la dernière minute, malgré son âge et ses forces déclinantes. Elle a été un vivant symbole d’unité dans un monde changeant. Sa disparition, alors que ma grand-mère, ma mère et moi-même n’avons connu qu’elle, est une perte de repère en soi.»
La main collée d’un des militants de Renovate Switzerland bloque la circulation. Le mouvement réclame au Conseil fédéral plus d’actions pour la rénovation énergétique. 14.04, pont du Mont-Blanc, Genève, Suisse:
«D’un côté, je comprends ces militants: nous n’avons pas pris les mesures suffisantes et nécessaires pour lutter contre la crise climatique. Il faut exercer une forme de pression. L’urgence est indiscutable. Mais j’ai foi en nos institutions et la politicienne que je suis n’aime pas cette façon radicale de s’exprimer. Faire la grève de la faim, se coller la main au bitume, cela ne va pas aider à trouver de majorité à Berne. Il n’y a pas d’autre solution: la politique doit agir, et maintenant.»
Des citoyens en révolte, après trois semaines de quarantaine ultra-stricte visant à lutter contre le covid, sont arrêtés par les forces de police, en blanc. Mi-avril, Shanghai, Chine:
«Cette scène, assez inhabituelle, montre les limites du système répressif chinois dans un pays où le peuple, surveillé en permanence, a la réputation d’obéir. Que peut une dictature contre 26 millions d’habitants en colère? Cela donne de l’espoir. Même dans les pays autoritaires, l’Etat ne peut pas toujours tout contrôler. En voyant cela, je me dis que notre semi-confinement helvétique nous a permis une liberté incroyable.»
Le mariage très sélect de Brooklyn, le fils aîné de Victoria et David Beckham, avec Nicola Peltz. 09.04, Palm Beach, Floride, Etats-Unis:
«J’aime les photos en noir et blanc. Ils sont élégants tous les deux, mais j’avoue que l’institution du mariage me laisse insensible. Je n’en ai jamais rêvé, pas même petite fille, même si je trouve très beau de croire en un amour éternel. En revanche, le fait que le peuple suisse ait accepté, cette année,le mariage pour toutes et tous a fait battre mon cœur. Ça a changé la vie de celles et ceux qui attendaient de pouvoir se dire oui, comme le conseiller national genevois Nicolas Walder et le réalisateur Jorge Cadena, qui se sont unis le 2 juillet.»