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Saint-Valentin

L'amour expliqué par la science

L’amour dans tous ses états décrypté par une scientifique: est-ce notre cœur ou notre corps qui commande? Explications en dix points à l'occasion de la Saint-Valentin.

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Les scientifiques le disent, le temps mis à tomber amoureux n’excède généralement pas un mois. Shutterstock

Lucy Vincent, docteure en neurosciences et ancienne chercheuse au CNRS, à Paris, a consacré une partie de ses travaux au phénomène amoureux. Elle a publié également quantité de livres sur la question. Que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous tombons en amour, comme disent les Québécois? Est-ce notre corps ou notre cœur qui est à la manœuvre, sommes-nous libres finalement de choisir celui ou celle avec qui nous allons faire un bout de chemin ou sont-ce nos hormones et nos neurotransmetteurs qui décident à notre place? Les réponses sont parfois surprenantes et il semblerait sur un plan strictement scientifique que nous soyons moins libres qu’on l’imagine au moment où Cupidon bande son arc.

1. Comment explique-t-on que l’être aimé a toutes les qualités?
Les expériences d’imagerie du cerveau ont montré que l’amour romantique, comme l’amour parental d’ailleurs, est caractérisé par une baisse d’activité dans la partie du cerveau associée aux émotions négatives, au jugement des intentions et des émotions de l’autre. Les parties du cerveau qui commandent le discernement seraient mises en veilleuse pour ne pas juger trop sévèrement celui ou celle destiné(e) à faire un bout de chemin avec nous.

2. L’amour est-il une drogue?
Il faut savoir qu’il y a un véritable feu d’artifice de neurotransmetteurs qui se modifient durant l’état amoureux. Celui-ci libère des endorphines responsables du plaisir à être ensemble, mais induit également de grands sauts d’humeur au début de la relation. On passe très vite de l’euphorie au désespoir pour peu que l’amoureux(se) soit en retard, oublie l’anniversaire de votre rencontre, etc. L’élévation du taux de dopamine peut expliquer notre focalisation sur le partenaire et la tendance à voir en lui un être unique. Le problème réside ensuite dans le fait que l’émission de dopamine et d’endorphines est liée en grande partie à la nouveauté. Après un certain nombre de rencontres, on observe un tassement de l’effet euphorisant. L’amoureux est comme l’héroïnomane, il a besoin d’une dose de plus en plus grande pour la libération d’endorphines. Au fil du temps, chaque rencontre avec l’objet de son amour provoquera une plus faible décharge de dopamine et la dose d’endorphines se réduira d’autant pour atteindre un niveau correspondant au bonheur de la vie régulière à deux. Plus monotone évidemment. On appelle cet «effet nouveauté» l’effet Coolidge. Du nom de ce président américain qui, visitant un élevage bovin avec son épouse, fut impressionné par un taureau qui inséminait jusqu’à 17 vaches par jour. Sa femme lui aurait dit: «Tu vois, 17 fois par jour…» Ce à quoi il a répondu: «Certes ma chère, mais pas avec la même…»

3. Comment explique-t-on les unions qui durent?
Pour ceux qui ont des projets de vie commune, vient alors le temps de faire l’apprentissage de la complicité. Avec l’aide d’une autre substance, l’ocytocine, qui va permettre d’inhiber justement l’installation de la tolérance. Depuis les années 1970, on sait que cette hormone ne se cantonne pas à la coordination de la naissance et de l’allaitement (paradoxalement elle est produite par le corps des femmes au moment des contractions pour accélérer l’accouchement) mais intervient dans le cerveau pour provoquer les sentiments d’attachement nécessaires pour promouvoir la survie de l’espèce.

4. Quelle part jouent les odeurs dans la séduction?
Les gènes produisent toutes sortes de protéines qui ont une influence sur l’odeur du corps. Une bonne part de la communication inconsciente se fait par le système olfactif. On a pu constater, par exemple, une aversion olfactive dans les couples père-fille et frère-sœur, ce qui donne au sens de l’odorat une importance dans le refus de l’inceste. On comprend mieux aussi l’étonnement qui saisit souvent les amoureux au début de leur histoire quand ils réalisent avoir les mêmes goûts, par exemple adorer les navets! Mais c’est justement le fait d’aimer tous les deux les navets qui explique qu’ils sont séduits mutuellement par l’odeur des navets métabolisée dans l’odeur corporelle de l’autre. Non seulement parce que tous deux en mangent, mais ils surproduisent tous les deux l’enzyme qui digère la cellulose du navet à cause d’un gène commun. L’odeur que vous trouvez irrésistible chez l’autre vous rappelle votre propre odeur. Chez la femme, il y a une plus grande sensibilité aux odeurs au moment de l’ovulation.

5. Pourquoi ne les sent-on pas consciemment?
Les neurobiologistes reconnaissent la liaison privilégiée entre le sens olfactif et les fonctions inconscientes du cerveau grâce, notamment, à un dispositif anatomique qui permet à l’information olfactive d’atteindre le cerveau qui sait, «cognitif», par l’intermédiaire de deux relais au lieu des trois requis habituellement pour tous les autres messages du système sensoriel. Les messages olfactifs sont envoyés directement dans les zones du cerveau liées aux émotions. Il se passe entre deux personnes ce qui se passe avec les chiens, on se renifle sans s’en rendre compte. Ce n’est pas le seul ingrédient nécessaire à la naissance de l’amour mais c’est un signal important.

6. Quel est le rôle exact de ces fameuses phéromones dont on parle tant?
On les trouve dans les urines, la transpiration, les selles ou sur la peau. Elles sont parfaitement inodores. Pour beaucoup d’espèces animales, elles régulent tout ce qui concerne la vie en société. Certains chercheurs pensent que les phéromones se libèrent aussi à travers le sébum. Et comme la plupart des glandes qui le sécrètent sont au niveau du cuir chevelu, de la face, du cou et de la lèvre supérieure, il est possible que le baiser soit impliqué dans l’échange de messages phéromonaux. Il y a une différence totale entre les voies suivies par les neurones phéromonaux et les neurones olfactifs. Les premiers ont pour destination les zones hypothalamiques impliquées justement dans les fonctions hormonales et reproductives.

7. Le coup de foudre n’est qu’une histoire de phéromones? Combien de temps dure l’amour passion?
Et y a-t-il un temps limité pour tomber amoureux? C’est en tout cas le comportement humain qui ressemble le plus à un phénomène d’origine phéromonale où on ne peut invoquer des paramètres d’ordre intellectuel. L’amour passion qui implique l’état d’euphorie décrit précédemment dure, selon les études scientifiques, entre dix-huit et trente-six mois. Dans une approche plus traditionnelle, où l’on prend le temps de faire connaissance, on a calculé que le temps mis à tomber amoureux n’excède généralement pas un mois. Le cerveau est alors en possession de toutes les informations nécessaires pour déclencher le processus amoureux. Si l’on n’est alors pas sensible aux stimuli chimiques de l’autre, la gentillesse, l’humour ou l’intelligence ne suffiront pas. On se contentera peut-être dès lors d’une simple amitié.

8. Peut-on acheter un flacon de phéromones sur internet pour augmenter ses chances de trouver l’élu(e) de son cœur?
Non. Même si l’on sait que les chercheurs ont pu prouver la réalité de l’attraction des phéromones mâles sur des femmes qui ont privilégié les endroits où elles avaient été déposées, même si les paysans utilisent depuis longtemps des phéromones dans la reproduction animale, il faut se méfier des publicités qui promettraient de trouver le bonheur en achetant ce genre de produit.

9. Plus on se ressemble, plus on a de chance de rester ensemble, c’est vrai?
Oui. Contrairement à l’idée commune que les contraires s’attirent, on remarque chez les couples une tendance à choisir un partenaire qui a des similitudes physiques, culturelles et sociales. Les études scientifiques ont été faites à partir de constatations de médecins dans différents pays qui étaient frappés du fait que nombre de couples présentaient des mêmes symptômes et se plaignaient des mêmes maladies. On a mesuré certains paramètres comme la taille des parties du corps, le métabolisme, la personnalité, les facteurs de susceptibilité à certaines maladies psychiques, l’intelligence et le nombre d’années passées à l’école. Les couples se ressemblent bien plus que deux personnes prises au hasard dans la rue. C’est même vrai pour des mesures comme le taux de cholestérol ou la pression sanguine. Et cette sélection des caractères communs est antérieure à l’installation du couple dans la durée, elle s’observe dès sa création. En langage scientifique, on parle d’accouplement assortatif. Certes, d’un point de vue biologique il peut paraître contre-performant que les couples se forment sur la base de caractères ressemblants. La théorie de l’évolution enseigne que plus les gènes sont différents, plus on a de chances d’avoir des descendants en bonne santé. Mais la nature est bien faite. Si on retient des traits de personnalité, de métabolisme ou d’odeurs semblables aux nôtres, il en va différemment pour les gènes liés à l’immunité (HLA). Là, c’est l’odeur différente qui est soudainement irrésistible. Des tests d’odeur sur des t-shirts présentés à 121 hommes et femmes ont montré que les sujets choisissaient le vêtement dont l’odeur était la plus éloignée d’eux au niveau des gènes HLA.

10. Peut-on encore croire à notre libre arbitre?
C’est peut-être un peu déplaisant à entendre, mais le libre arbitre est une illusion dans le domaine de l’amour. La neurobiologie n’exclut toutefois pas de reconnaître sa magie, son mystère, le fait que c’est un des plus grands bonheurs accessibles à l’homme. Tous les effets ne relèvent pas d’un réflexe reproductif. Les mécanismes neurobiologiques montrent aussi que l’amour romantique est bâti sur les mêmes bases que l’amour entre un enfant et ses parents, et il semble bien que l’amour maternel fournisse un modèle de fonctionnement à deux qui sera notre préférence pour toute la vie. Rien n’est jamais figé. Même si les connexions entre les réseaux de neurones répondent à des règles physiques, nous pouvons intervenir sur les paramètres de connexions. Le cerveau humain peut se modifier d’un instant à l’autre selon ce que nous en faisons et l’endroit où nous sommes. Plus notre cerveau est nourri par des expériences, des lectures, du savoir concernant l’amour, plus notre marge de manœuvre s’agrandit. Ce qui explique aussi que le charme et le talent jouent un rôle dans la séduction, si l’on pense à quelqu’un comme Serge Gainsbourg. La fonction centrale qui nous différencie des animaux est la capacité à nous raconter des histoires à partir des stimuli qui arrivent à notre cerveau d’animal romantique. L’histoire d’amour reste l’un des patrimoines de l’humanité les plus précieux.

>> Lire le témoignage de Nathalie et Steve 

>> * Pour en savoir encore plus: «L’amour de A à XY», «Comment devient-on amoureux?», «Petits arrangements avec l’amour», trois ouvrages parus chez Odile Jacob.


Par Baumann Patrick publié le 13 février 2020 - 09:11, modifié 18 janvier 2021 - 21:07