«Il y a quelques années, à la veille des vacances d’été, je traversais une période agitée sur le plan professionnel. Je travaillais sur un projet comme je les aime. Un truc un peu osé, où il fallait prendre des risques. Je tentais d’innover mais la sauce ne prenait pas suffisamment vite. Je m’étais beaucoup engagé pour convaincre. Bref, ce n’était pas gagné. Les médias et les réseaux sociaux se sont emparés du sujet. Certains en faveur du projet, d’autres non. Et… c’est parti en sucette. Je me suis dit qu’une petite escapade en famille en Grèce, au soleil, me permettrait d’oublier un peu ce tumulte. Direction les îles, et plus précisément celle d’Amorgos, dans les Cyclades.
Mais je ne parviens pas à vraiment me déconnecter. Le matin et le soir, je réponds à des demandes d’interview et reste attentif à ce qui se dit sur les réseaux sociaux. La journée, ma tête est en Grèce. Sa culture antique me plaît beaucoup, en particulier sa mythologie. Je suis assez superstitieux et l’idée de faire attention à l’équilibre du monde, d’avoir un dieu pour l’amour, un pour l’économie, me convient davantage qu’une approche figée du monde religieux. J’aime cette vision multiple du sacré en fonction des différents besoins que nous avons toutes et tous.
Mais la Grèce, on y va aussi pour ses plages. On se rend donc en famille dans un coin désert et je décide de partir nager une heure. Je suis un grand fan de natation libre, dans une eau relativement profonde. Je fixe un cap et je nage une demi-heure, droit devant moi. Idem dans le sens inverse. Avec mes lunettes et mes bouchons dans les oreilles, je me coupe de tout.
La mer Egée n’est pas connue pour ses gros poissons, je n’ai pas trop la trouille de me retrouver face à un requin. Au bout d’une vingtaine de minutes, j’aperçois une forme grise. Je reste interdit. Je ris jaune intérieurement. Déjà que des soucis de boulot me tracassent pendant mes vacances, le seul requin des Cyclades, c’est pour ma pomme! La forme se rapproche, je distingue de nouvelles couleurs, plus chaudes. C’est une tortue! Elle vient à ma rencontre de façon sympathique. Et il s’est passé un truc. On a nagé ensemble. Je la suis, elle me suit, une forme de dialogue se crée entre nous. Puis elle est repartie tranquillement de son côté, dans un mouvement aérien et majestueux. L’espèce a presque disparu de cette région. Trop de bateaux, trop de plastique. C’est une survivante.De retour sur la terre ferme, j’ai effectué quelques recherches. Je voulais connaître la symbolique de cet animal. La tortue incarne la sagesse. Elle va de l’avant sereinement, protégée par sa carapace. Cette carapace représente pour moi la confiance en soi. Cette capacité à garder la tête froide et à prendre son temps. Cette rencontre m’a bouleversé et m’a libéré. J’ai décidé de laisser mes soucis professionnels de côté et de plonger dans mes vacances en famille. Aujourd’hui, quand je fais face à une situation tendue au travail, je pense à cette tortue, à cette sagesse. Je me remémore ce moment-là. Elle est devenue un repère pour moi, mon animal sacré. Elle me permet de relativiser et de me calmer. Mes enfants se moquent de moi dès que je les bassine avec ma tortue. Et pourtant, ils m’écoutent et je crois qu’ils saisissent la métaphore.»
La recette du carton de la Suisse à l'étranger
L'actualité de Nicolas Bideau
Au mois d’octobre, Nicolas Bideau se rendra à Dubaï pour l’Exposition universelle. Il inaugurera le pavillon suisse, Reflections, une structure cubique de 2000 m2 située dans le désert émirati. Retrouvez toutes les informations sur www.swisspavilion.org