Le combat de Céline Dion contre la maladie

«Je mentirais si je disais que je vais bien»: cette confession de Céline Dion est la première phrase de la chanson «Courage», parue en 2019. Elle est dédiée à son mari et manager, René Angélil, décédé en 2016, à l’avant-veille de ses 74 ans, d’un cancer de la gorge. C’était aussi le titre étendard de la tournée de la chanteuse québécoise de 55 ans, le «Courage World Tour». Sa toute première tournée mondiale depuis la disparition de son mentor. Elle a démarré le 18 septembre 2019 avec «It’s All Coming Back To Me Now» et ses paroles de circonstance: «J’ai fini de pleurer à l’instant où tu es parti.»

Eblouissante et conquérante, Céline a chanté 20 titres à Québec avant de poursuivre sa route, jusqu’au 8 mars 2020 à Newark, assurant 50 dates. Parfois elle finissait sur «Imagine», de John Lennon. A Miami, lorsqu’elle apprit le décès de sa mère, survenu la veille, elle chanta avec une délicatesse infinie «Somewhere Over the Rainbow», le soir du 18 janvier 2020, sous son portrait géant. Et puis, soudain, tout s’est arrêté. Les dates, notamment en Europe, ont été reportées trois, voire quatre années de suite, pour cause de pandémie d’abord, puis pour raisons de santé.

Le show démesuré emmenait 110 personnes et faisait voler 104 drones lumineux sur la scène imitant les étoiles, l’eau et les diamants. Il annonçait le grand retour de la diva aux 250 millions d’albums vendus. Après son deuil, Céline reprenait le contrôle de sa vie et de l’empire que lui laissait René. Une responsabilité écrasante. Elle lui avait promis de continuer en étant à la fois l’artiste que l’on sait et une maman attentionnée pour leurs trois enfants, René-Charles, 22 ans, et les jumeaux de 12 ans, Eddy et Nelson. Désormais seule, celle qui peut se targuer d’avoir reçu cinq Grammy Awards et deux Oscars avait agendé 121 concerts dans 28 pays sur trois continents, avec une halte en Suisse romande au 45e Paléo Festival, le 20 juillet 2020. Les 30 000 billets s’étaient vendus en vingt-deux minutes. 

Mais Céline Dion a dû se rendre à l’évidence. En décembre dernier, les yeux embués de larmes, contenant difficilement son émotion, elle révélait, dans une vidéo de plus de cinq minutes ponctuée de silences, être atteinte d’une maladie auto-immune qui attaquait ses propres cellules nerveuses: la maladie de l’homme raide (MHR), en anglais «stiff person syndrome». Le message en disait long sur la gravité de son état. «Je souffre d’un trouble neurologique très rare qui atteint environ une personne sur 1 million. On sait que c’est la cause de spasmes musculaires. J’ai parfois beaucoup de difficulté à marcher et je ne peux pas toujours utiliser mes cordes vocales pour chanter comme je le souhaiterais.» Elle révélait se battre, entourée de médecins et d’un coach personnel, faisant tout ce qu’elle pouvait pour revenir et donner le meilleur d’elle-même. Elle concluait avec des sanglots dans la voix, à peine audible, en proie au désespoir.

«Elle n’a pas arrêté de travailler depuis l’âge de 12 ans»

Le 30 janvier dernier, Paléo annonçait le remboursement définitif de tous les billets, mais deux dates zurichoises étaient maintenues au Hallenstadion les 13 et 14 mars 2024. Hélas, Céline n’allait pas pouvoir les honorer. Alors que la tournée devait reprendre à Amsterdam, le 26 août prochain, les 40 autres shows ont tous été annulés en Europe. Le manque à gagner représente des dizaines de millions. Reste cette lancinante question qui plane à chaque évocation de la diva pop: Céline Dion pourra-t-elle remonter sur scène un jour?

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De Las Vegas où elle réside, la chanteuse a publié, le 26 mai, un communiqué d’une prudence diplomatique. «Je suis tellement désolée de vous décevoir une fois de plus. Je me donne beaucoup de peine pour retrouver mes forces, mais les tournées peuvent être très difficiles même quand on est à 100%.» Elle ajoute: «Ce serait injuste envers vous de reporter une fois encore les concerts, même si cela me brise le cœur. Il vaut mieux que nous annulions tout maintenant, jusqu’à ce que je sois vraiment prête à remonter sur scène. Je veux que vous sachiez que je n’abandonne pas… et que, surtout, j’ai très hâte de vous revoir.» Au vu de la nature du mal dont elle souffre, le doute s’installe pour celle qui devait fêter ses 40 ans de carrière et l’espoir s’amenuise de la revoir, malgré sa volonté farouche. Depuis six mois, rien ne filtre plus la concernant et l’évocation de son état de santé incite à la plus grande prudence.

D’une façon générale, la maladie de l’homme raide touche le bas du dos, l’abdomen et les jambes. Les muscles sont affectés, ce qui entraîne une mobilité réduite et une déformation posturale. Les patients peuvent également développer une hypersensibilité au toucher et au son. La MHR provoque des pertes d’équilibre. 

A la fin janvier, dans le «Journal de Montréal», Claudette, 74 ans, l’une des sœurs de Céline Dion, semblait suggérer que l’usure pourrait être à l’origine de la maladie de sa cadette. «Elle n’a pas arrêté de travailler depuis l’âge de 12 ans», rappelait-elle, indiquant que Céline était suivie à Denver, dans le Colorado. «Elle est entourée de spécialistes. J’ai confiance que la vie va lui remettre ce qu’elle a donné. Parce que c’est une fille extrêmement intelligente, extrêmement généreuse, talentueuse. Et amoureuse de la vie aussi […].»

René Angélil était exigeant avec celle qu’il découvrit à l’âge de 13 ans. Il en avait 38 et il fut tellement impressionné en l’écoutant chanter dans son bureau qu’il en pleura. Il hypothéqua sa maison afin de financer son premier album, «La voix du bon Dieu». Lorsque le corps de celle qui devint sa femme à 26 ans, le 17 décembre 1994, lui disait qu’il ne fallait pas monter sur scène, René insistait.

Et elle y allait, courageuse, portée par sa voix hors norme. C’est avec cette foi et la volonté farouche de s’en sortir qu’elle lutte désormais contre la maladie.

Sept ans pour diagnostiquer la maladie

Dans son numéro du 10 mars, le magazine français «Closer» affirmait qu’elle était suivie par la doctoresse Jill R. Schofield. Une experte réputée dans le traitement de la douleur au Center for Multisystem Disease à Denver, dans le Colorado. «[...] Céline Dion a reçu une injection intrathécale, un procédé qui consiste à injecter un médicament au niveau lombaire, pour atteindre le liquide céphalorachidien, qui diffusera à son tour le produit injecté», avance l’hebdomadaire.

A cela s’ajouterait un «traitement expérimental, notamment à base de magnésium et de glycine, pour tenter de soulager ses douleurs neuropathiques et lutter contre les symptômes du stress et de l’anxiété induits par la maladie». L’article avançait que l’établissement élaborait «un protocole de soins spécifique à chaque patient. Il s’accompagne de conseils diététiques, d’une aide à la réduction du stress et d’exercices physiques pour contrer au maximum les douleurs quotidiennes.»

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Selon de nombreuses sources médicales, on ne guérit pas de la MHR. Au départ, elle est difficile à identifier. Pour la Stiff Person Syndrome Research Foundation (SPSRF), le nombre de cas serait plus élevé qu’annoncé, en raison d’erreurs de diagnostic. Parfois, les spasmes musculaires sont si violents qu’ils peuvent disloquer les articulations et briser des os. «Lorsque les gens ont des spasmes, ils sont comme un mur de briques et ils «gèlent», explique le Dr Scott Newsome sur le site de la fondation.

Tara Zier, fondatrice et présidente de la SPSRF, est dentiste et mère de famille. Elle explique que, chez elle, c’est le stress engendré par la mort de son mari qui, en 2014, a été à l’origine du déclenchement de la maladie de l’homme raide.

A l’instar de Céline Dion, elle a commencé à perdre du poids, mais aucun médecin n’a été capable de faire le bon constat. «La pathologie imite certaines maladies, comme la sclérose en plaques, les maladies psychosomatiques et d’autres maladies auto-immunes. En moyenne, il faut sept ans pour poser le bon diagnostic.»

1141 shows à Las Vegas

La disparition de René Angélil, à qui Céline Dion doit la construction méthodique de sa carrière, pourrait être un facteur déclencheur auquel s’est ajouté, deux jours après, le décès de l’un de ses frères, Daniel, 59 ans, emporté lui aussi par un cancer. On se souvient de la silhouette de la chanteuse fin 2018, puis en février, l’année suivante, à la Fashion Week de Paris. Les magazines soulignaient sa maigreur extrême. On parlait d’excentricité.

Une année plus tard, son état de santé allait la forcer à annuler ses premières dates. Rien de grave: elle évoquait un virus, puis une opération de l’oreille moyenne, restant chez elle pour se reposer.

Véritable stakhanoviste du showbiz, elle avait mis fin à sa résidence à Las Vegas le 8 juin 2019, après 1141 shows en seize ans et une estimation de 4,5 millions de spectateurs ayant généré 560 millions de recettes.

En mars dernier, elle a toutefois daigné se manifester en envoyant un message à son public qui lui souhaitait un joyeux anniversaire – «J’ai certainement ressenti cette belle vague d’amour, merci pour tous vos beaux messages d’anniversaire» – mais on n’a plus revu d’image de Céline Dion. Elle n’a pas posté sa traditionnelle photo entourée de ses garçons devant un gâteau d’anniversaire.

Son premier film au cinéma et cinq titres inédits

En attendant son hypothétique retour, le public peut retrouver Céline Dion au cinéma dans une comédie dramatique romantique américaine. Ce remake du film allemand «SMS für Dich» est sorti en France le 7 juin. «Love Again»: un peu, beaucoup, passionnément, signé James C. Strouse, est le premier long métrage au cinéma de la star. Il a été tourné en 2020 alors que sa tournée s’interrompait pour cause de pandémie. Sam Heughan et Priyanka Chopra Jonas y tiennent les rôles principaux. L’interprète de «My Heart Will Go On» joue son propre rôle et celui d’une «experte en relations amoureuses».

Le scénario raconte l’histoire de Mira, qui ne se résout pas à la mort de son fiancé. Elle continue à lui envoyer des messages sur son ancien numéro de portable qui a été réaffecté à Rob, un journaliste. Ce dernier doit interviewer Céline Dion. Il lui demandera conseil afin de rencontrer Mira, l’inconnue qui l’intrigue. Comme le covid limitait les déplacements, Céline Dion a tourné à distance, sans partenaires. A l’écran, on n’y voit que du feu. Elle est également l’interprète de cinq titres inédits sur les 14 de la BO et de quelques reprises, dont le virtuose «All By Myself», intégrés à la trame narrative du film. L’album (Sony Music) est disponible depuis le 12 mai. Et sa voix, véritable don du ciel, n’a rien perdu de sa magie.