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«L’Eglise n’est pas réservée aux plus âgés»

L’Eglise n’est-elle qu’une institution poussiéreuse? Non, clament ces huit personnes engagées, qui racontent comment elles la vivent et veulent la rendre attrayante pour la jeune génération.

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«L’Eglise n’est pas réservée aux plus âgés»

Huit personnes engagées racontent leurs rapports à la religion.

Corinne Glanzmann et Julie de Tribolet

Christian Lohr, 61 ans, conseiller national (TG)
 

Christian Lohr

Christian Lohr est né avec des malformations dues au médicament Contergan, contenant de la thalidomide. Il considère aujourd’hui son handicap comme un privilège.

Corinne Glanzmann

- Comment vivez-vous votre foi au quotidien?
- Christian Lohr: Dieu est pour moi un accompagnateur, un assistant et un soutien honnête et direct qui me permet de mener une vie pleine de sens. Pour moi, le sens de la vie consiste à faire quelque chose de ce que je vis. Je veux encourager d’autres à le faire. Leur donner l’espoir que les personnes atteintes d’un handicap ont aussi leurs chances.

- N’avez-vous jamais lutté contre votre destin?
- Bien sûr, je connais de telles pensées. Surtout dans mes années de jeunesse, j’ai souvent posé à Dieu la question du pourquoi. C’est important et cela fait partie du processus. Aujourd’hui, je considère presque comme un privilège le fait de faire quelque chose de cette vie et d’y trouver un sens. Pour moi, l’humilité est aussi décisive. Je ne veux pas me mettre en avant, mais mettre la vie en valeur.

- Que transmettez-vous aux jeunes?
- Le travail avec les jeunes est particulièrement précieux pour moi. Chaque année, je vais au catéchisme et je montre combien la vie peut posséder différentes facettes. Je veux renforcer leur confiance en Dieu. Pas d’une manière détachée, plutôt de façon très pratique.


Dominique Weber, 30 ans, Action de Carême
 

Dominique Weber

Dominique Weber, 30 ans.

Corinne Glanzmann

- Avez-vous jeûné ces derniers jours?
- Dominique Weber: Je ne renonce pas à certains aliments, mais je «jeûne» concernant les médias sociaux. J’ai remarqué que je passais trop de temps sur Instagram et Facebook. J’ai supprimé ces applications. Le jeûne est très actuel: outre le carême, il faut par exemple citer le Dry January ou le Veganuary. Nous vivons dans l’abondance et les gens renoncent sciemment à une certaine consommation. Mais tout le monde ne remplit pas la pochette de carême, qui permet de faire un don à l’organisation Action de Carême. Nombreux sont ceux qui l’ont connue dans leur enfance.

- Action de Carême veut éliminer la faim dans le monde. Ne perdez-vous pas la foi devant la situation mondiale?
- C’est une tâche très exigeante. Nous entendons constamment parler de violations des droits de l’homme et de personnes qui souffrent de la faim; la crise climatique joue aussi un rôle. Mais nos projets ont un impact positif. Nous aidons les gens à accéder à la nourriture, que ce soit par le biais de groupes de solidarité, de transmission de connaissances ou de mesures contre les effets du changement climatique sur place.

- L’association Jungwacht Blauring Schweiz, ou Jubla, est aussi active pendant le carême. Que font les enfants?
- Jubla mène un partenariat avec l’association Chiro, aux Philippines. Des troupes Jubla de toute la Suisse vendent des objets symboliques. Cette année, ce sont des étuis à pansements. Le produit de la vente est reversé à un projet de partenariat d’Action de Carême et de Jubla, aux Philippines.


Olivier Keshavjee, 36 ans, pasteur et fondateur d’Open Source Church
 

Olivier Keshavjee chez lui à Lausanne avec son fils Timothée

Olivier Keshavjee, 36 ans.

Julie de Tribolet

- Comment vivez-vous votre foi?
- Olivier Keshavjee: D’abord à la maison. J’aime prier, seul, en couple, avec les enfants. Pas des prières longues ou élaborées, mais des paroles simples qui accompagnent le quotidien, les joies et les peines. Vivre dans la présence de Dieu, sous son regard encourageant et aimant.

- Et avec les gens de votre génération?
- Ces temps, j’aime explorer la pop culture avec d’autres passionnés, pour trouver des traces de Dieu, des images du Christ. Découvrir comment les histoires qu’on aime font écho à la grande histoire que Dieu raconte à travers la Bible. Par exemple, depuis plusieurs mois, je réfléchis au «Hobbit» de J.R.R. Tolkien et découvre plein de résonances avec la Bible, de nouvelles métaphores pour parler de Jésus et vivre avec lui.

- Est-il facile de donner une dimension ludique à l’Eglise?
- L’Eglise instituée est ambivalente, il y a du soutien et de la résistance, très forts. Je bénéficie d’un poste avec beaucoup de liberté, mais on en a pas mal bavé pour en arriver là. Une fois l’espace dégagé, sortir du moule offre de magnifiques opportunités pour vivre l’Eglise. On organise des week-ends de jeu et spiritualité qui rassemblent des centaines de gens. Ou en ligne sur Discord et Twitch, une forme de communauté qui convient à des profils plus introvertis.


Kimena Bürgi, 23 ans, projet pour la jeunesse Netzwärch 25
 

Kimena Bürgi

Kimena Bürgi, 23 ans.

Corinne Glanzmann

- Avec le projet Netzwärch 25, vous voulez rendre l’Eglise attractive pour les jeunes. Pourquoi est-ce si important?
- Kimena Bürgi: Chez les adolescents et les jeunes adultes, la foi n’est pas aussi répandue qu’autrefois, l’Eglise semble dépassée. Le fait d’aller à la messe le dimanche matin ne fonctionne pas pour les jeunes. Je pense qu’il est important de faire quelque chose à ce sujet, car l’Eglise n’est pas réservée aux personnes âgées. Le Netzwärch 25 permet à des jeunes déjà engagés dans l’Eglise de se mettre en réseau.

- Qu’est-ce qu’une Eglise attrayante?
- Il existe déjà beaucoup de projets pour les jeunes, mais on ignore souvent ce que fait chaque paroisse. Il ne doit pas s’agir seulement d’activités liées à la foi et à la religion. On parle aussi d’une communauté qui se réunit, cuisine, pratique un métier, part en excursion.

- Les médias sociaux sont-ils utiles?
- Une présence sur les médias sociaux est très importante. Il doit y avoir plus d’offres numériques. Par exemple des services religieux que l’on peut «consommer» à tout moment. Nous nous heurtons cependant au manque de temps. Nous travaillons bénévolement et n’avons souvent pas les capacités nécessaires pour cela.


Vincent Perritaz, 30 ans, aumônier catholique, ancien garde suisse
 

Vincent Perritaz dans la cathédrale de Fribourg.

Vincent Perritaz, 30 ans.

Julie de Tribolet

- Comment vivez-vous votre foi?
- Vincent Perritaz: J’aimerais pouvoir répondre que je vis avec charité à la suite du Christ sans m’écarter de son chemin, mais ce n’est pas le cas. J’essaie souvent et parfois j’oublie d’essayer. Ce n’est pas évident de faire les bons choix et de s’orienter dans un monde aussi complexe. Pour tenter de garder le cap à travers les remous d’aujourd’hui, je m’appuie sur la Bible, en la lisant seul et à plusieurs. Je prie et je profite de la richesse des sacrements, notamment en allant régulièrement à la messe. Je compte aussi sur l’inestimable aide de Dieu.

- Votre expérience de garde suisse?
- Elle m’apporte encore l’expérience de l’exercice de la fidélité, du service, du don de soi. Ces valeurs ne sont pas restées des fantasmes, nous les vivons tous les jours de notre engagement. Nous rentrons avec cette expérience vécue qui nous habite encore. Nous pouvons la mettre au profit de notre profession, de notre famille et de notre foi.

- Et avec les gens de votre génération?
- Je suis encore proche de mes amis gardes avec qui je partage cette expérience commune. J’ai aussi la chance d’avoir conservé un bon lien avec des amis d’enfance pas familiers du milieu de l’Eglise. Ces deux groupes me nourrissent d’une manière différente et nécessaire.


Jasmine Ucciardi, 20 ans, étudiante, Pastorale des jeunes
 

Jasmine Ucciardi à Genèvre

Jasmine Ucciardi, 20 ans.

Julie de Tribolet

- Comment vivez-vous votre foi?
- Jasmine Ucciardi: Il y a quelques années, un événement fort a marqué ma vie, un cancer qui est venu me rappeler ce qui se trouve autour de moi. Depuis, ma foi n’a jamais été aussi forte, débordante de reconnaissance pour les merveilleuses personnes qui m’entourent, la nature splendide et la beauté dans le moment présent. La foi m’aide à m’ouvrir, à accepter l’imprévu incontrôlable. Avec ma génération, on partage nos expériences, parfois dans des groupes liés à l’Eglise ou entre amis. Je suis fascinée de découvrir ce qui pousse les personnes – même athées – à garder espoir et à continuer leur route.

- Les messages des Eglises officielles?
- J’ai remarqué que, la plupart du temps, les dogmes mis en place par les institutions prennent la place sur la foi et tendent à diviser les personnes. Mais c’est complètement absurde, je tâche souvent de garder mon sens critique afin de démêler des messages contextualisés parfois dans un autre temps.

- L’état du monde influe-t-il sur votre foi?
- Il la rend plus forte, elle s’enracine dans une révolte face à l’inaction commune et me pousse à agir. Parfois, on oublie qu’on est tous interdépendants. Le monde qui nous entoure est le reflet de nos croyances collectives, la foi nous pousse à voir le monde différemment.


Agron Lleshi, 37 ans, cuisinier au Jägerhof (SG) et catholique
 

Agron Lleshi

Agron Lleshi, 37 ans.

Corinne Glanzmann

- Vous êtes du Kosovo, qui comprend seulement 2% de catholiques. Comment le viviez-vous?
- Agron Lleshi: Notre village était un village exclusivement catholique. C’est pourquoi je ne me suis jamais senti en minorité. Nous fêtions Pâques et Noël, mais nous n’allions à l’église que sporadiquement. Parfois, je pouvais lire des passages de la Bible ou être enfant de chœur. A l’âge de 11 ans, je suis venu en Suisse.

- Quel rôle a la religion dans votre vie?
- Je ne suis pas un catholique pratiquant et je vais rarement à la messe. Mais j’aime allumer un cierge dans les églises ou visiter des monastères à l’étranger. J’aime l’atmosphère paisible, apaisante et particulière qui y règne. Dans la cuisine de ma maison, il y a une Madone. Elle me rappelle ma grand-mère. C’est la seule chose qui me reste d’elle, tout le reste a brûlé pendant la guerre. Les valeurs chrétiennes sont importantes pour moi et je veux les transmettre à mes quatre enfants. Je veux qu’ils deviennent des personnes décentes, honnêtes et bonnes. Plus tard, ils pourront décider eux-mêmes s’ils veulent être catholiques ou non.

- Dieu vous permet-il de mieux cuisiner?
- Bien sûr que non. Mais je me réjouis quand mes hôtes ont un goût divin!


Janine Rey, 25 ans, membre du comité des Unions chrétiennes
 

Janine Rey

Janine Rey, 25 ans.

Corinne Glanzmann

- Faut-il être croyant pour faire partie des Unions chrétiennes?
- Janine Rey: Non, ce n’est pas nécessaire. Les U. C. entretiennent une culture ouverte et vivante. Mais les valeurs chrétiennes sont notre base. Nous voulons parler de la foi et créer un espace pour les questions qui préoccupent les jeunes. Et les U. C. sont bien plus que cela. Cela va du feu en forêt le samedi au coaching et à l’accompagnement spirituel pour les jeunes et les adultes.

- Comment transmettez-vous ces valeurs aux enfants et aux jeunes?
- Nous leur donnons les moyens de trouver leur propre voie et de faire valoir leurs points forts. Notre charte dit: nous faisons confiance à Dieu, aux hommes et à nous-mêmes pour accomplir de grandes choses. Nous nous faisons également confiance en tant que groupe. Chaque membre apporte sa contribution à ce grand ensemble.

- Quel est pour vous le rôle de l’Eglise?
- Je considère que la mission de l’institution ecclésiale est de répondre aux besoins de la société. Il doit s’agir d’une communauté dans laquelle on se soutient mutuellement. Je prends à cœur le commandement «Aime ton prochain». J’essaie de créer un lien avec les gens qui m’entourent et de leur apporter quelque chose.


>> A l’occasion de Pâques, et en collaboration avec l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) et la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), «L'illustré» a consacré un dossier sur le thème «Les jeunes et les Eglises». A lire également:

publié le 9 avril 2023 - 10:30