Fini le farniente. L’heure a sonné de la reprise du travail, des études et des tâches quotidiennes, accompagnée de son cortège de contraintes et de surcharges. De nouveau, ça va être le stress. Nous avons tous connu cela. Des conflits entre collègues, des problèmes avec les enfants, un accident, un divorce, un deuil, une maladie chronique. La tension monte et, très vite, le cœur et la respiration s’emballent, nous devenons irritables, anxieux, nous sommes pris de vertige, nous avons des troubles digestifs. Ces symptômes et bien d’autres ne sont que les réponses de l’organisme qui cherche à s’adapter à la situation gênante ou à l’événement tragique pour retrouver son équilibre.
>> Lire aussi: Méditer pour déstresser
Le stress est en fait une réaction tout à fait normale, un mécanisme de protection en cas de péril puisqu’il prépare notre corps et notre esprit à affronter l’obstacle. En ce sens, c’est lui qui a assuré la survie de notre espèce. «Songez qu’il a permis à nos ancêtres préhistoriques de fuir ou de combattre lorsqu’ils se trouvaient face à un lion», rappelle le Dr Jorge Correia, chef de clinique au service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition et éducation thérapeutique du patient des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Aujourd’hui, les mêmes mécanismes physiologiques se mettent en place quand le facteur provoquant le stress est non seulement «de nature physique (comme un traumatisme), mais aussi d’ordre psychoaffectif (chagrin, conflit personnel ou professionnel) ou intellectuel (surmenage)», précise le spécialiste de l’obésité.
1. Les hormones du stress
Lorsque l’on est stressé, deux processus physiologiques se déclenchent successivement. Le premier met en jeu le système nerveux sympathique, qui active la réponse dite de combat ou de fuite. Certains neurones sécrètent de l’adrénaline – responsable de ces fameuses «poussées» que nous ressentons quand nous devons réagir à une demande urgente ou que nous avons le trac de parler en public. Cette hormone accélère notre rythme cardiaque et notre respiration et elle augmente notre pression artérielle.
Ensuite, plusieurs structures cérébrales entrent en jeu, notamment l’amygdale et l’hippocampe «qui participent à l’interprétation subjective du stress, explique Jorge Correia. Elles relaient des signaux qui, in fine, aboutissent aux glandes surrénales, lesquelles libèrent alors dans le sang du cortisol.
Cette «hormone du stress», comme on l’appelle, soutient l’action de l’adrénaline, afin d’augmenter l’énergie disponible pour le corps.» Elle accroît aussi le taux de sucre dans le sang (glycémie), diminue le calibre des vaisseaux qui amènent ainsi plus de sang, donc d’oxygène, aux muscles et au cerveau et met notre esprit en alerte.
Une fois le péril passé, les deux mécanismes se désactivent. Quand ce n’est pas le cas, le stress s’installe et devient chronique, favorisant divers troubles et pathologies.
2. Des insomnies à l’obésité
Sommeil et stress sont intimement liés. Ce dernier mettant notre corps en alerte, il stimule l’état d’éveil. Dans ces conditions, il est difficile de s’endormir et/ou de rester endormi toute la nuit, d’autant que l’on a tendance à ruminer nos soucis. Ces insomnies perturbent le sommeil et promettent des lendemains difficiles. On se sent fatigué, on a du mal à rester concentré et à être performant et l’on se stresse davantage. On entre dans un cercle vicieux.
L’état de tension permanent a d’autres effets délétères. Certains, directs, sont dus à la libération d’adrénaline et de cortisol qui engendre une augmentation de la tension artérielle, une accélération du rythme cardiaque et un accroissement de la glycémie. D’autres sont indirects. Le stress nous incite en effet à fumer, à boire de l’alcool et à réduire notre activité physique. Il nous conduit aussi souvent à manger différemment.
Comme le constate Jorge Correia, «si un stress aigu a tendance à diminuer l’appétit, un stress chronique produit l’effet inverse». Non seulement nous mangeons davantage, mais, pour nous faire plaisir et nous réconforter, nous choisissons des aliments à la fois gras et riches en sucres rapides.
Tous ces changements ont de quoi favoriser la prise de poids et contribuer au développement de l’obésité. Celle-ci, à son tour, «modifie certains processus physiologiques, notamment l’activation du système nerveux sympathique, qui produit alors encore plus d’adrénaline». Dans ce domaine aussi, on assiste à un cercle vicieux.
3. Le cœur affecté
Pour les mêmes raisons, à la fois physiologiques et comportementales, le stress «porte directement atteinte au cœur», selon Swissheart. La Fondation suisse de cardiologie souligne d’ailleurs que «de vastes études de population ont montré que notre mode de vie est le principal facteur à l’origine de l’infarctus du myocarde et de l’attaque cérébrale». Dans ce domaine, «le stress durable arrive en tête».
Un choc émotionnel intense, comme un deuil, une rupture amoureuse ou de graves problèmes financiers, peut même conduire au syndrome du Takotsubo. Ce «syndrome du cœur brisé», comme on l’appelle aussi, touche principalement les femmes après la ménopause. Ses symptômes (essoufflement, douleur thoracique, perte de connaissance) ressemblent à ceux de l’infarctus du myocarde, mais il vient en fait d’une déformation du ventricule gauche du cœur.
4. Difficultés psychologiques
Quand on est stressé, on essaie de faire face à la situation, mais on n’y arrive pas. A la longue, «on s’épuise, on est fatigué et on n’a plus de ressources pour rebondir. Et cela entretient le stress», souligne la Dr Françoise Jermann, psychologuepsychothérapeute au service de psychiatrie de liaison et intervention de crise des HUG. De quoi accroître les difficultés psychologiques.
Certes, tout est fonction des individus. «La réaction au stress dépend des ressources dont chacun(e) dispose», souligne la psychothérapeute. Certaines personnes parviennent à faire face, d’autres ne cessent de ruminer leurs difficultés. Le stress peut alors devenir «un terrain favorable au burn-out. De plus, s’il s’accumule et qu’il dure, il peut favoriser la survenue d’un état dépressif ou d’anxiété.»
Chez les personnes en situation d’obésité, «il peut par ailleurs favoriser des troubles du comportement alimentaire», constate Jorge Correia. Notamment l’alimentation émotionnelle (qui consiste à manger en réponse à un ressenti émotionnel plutôt qu’à la sensation de faim ou de satiété) ou «une hyperphagie boulimique, qui se manifeste par des épisodes d’ingestion d’une grande quantité de nourriture sur une courte période de temps et de manière compulsive».
5. Comment gérer son stress?
En cas de stress chronique, «il peut arriver que l’on ait «la tête dans le guidon» et que l’on n’arrive plus à faire un pas de côté. Il faut alors d’abord chercher à identifier ses ressources afin de les «activer», conseille Françoise Jermann. A chacun(e) de tenter de surmonter la situation en se livrant à une activité qui lui plaît, que ce soit le sport, la musique ou les soirées entre amis. Dans tous les cas, il faut veiller à respirer tranquillement pour diminuer les tensions. Quand la tension perdure, l’usage d’anxiolytiques et d’antidépresseurs peut être utile. Mais à court terme, car ces médicaments ont des effets secondaires (ils engendrent notamment la dépendance).
Mieux vaut donc se tourner vers une prise en charge recourant à des méthodes plus douces. «Les différentes techniques de relaxation, comme la relaxation musculaire ou la respiration sollicitant le diaphragme, de même que l’art-thérapie ou la danse-thérapie ont montré des effets bénéfiques», souligne le médecin des HUG. Il en va de même pour la méditation en pleine conscience. Il est aussi possible de faire appel aux thérapies cognitivo-comportementales. Elles peuvent aider «d’une part, à agencer son quotidien de manière à limiter son stress», constate Françoise Jermann. Et, d’autre part, «à prendre soin de soi, malgré certaines croyances qu’ont les personnes qui se disent «ça va passer», alors que ce n’est pas le cas». «Quand on souffre de stress chronique, la priorité, c’est de chercher de l’aide», conclut Jorge Correia.