J'ai grandi dans un milieu très animalier, en banlieue parisienne. Ma mère était vétérinaire, mon père passionné de fauconnerie. Je suis venue en Suisse pour étudier, puis j’ai passé dix ans dans la restauration haut de gamme. Le covid est arrivé, le traiteur où je travaillais a dû me licencier et j’en ai profité pour changer de voie avec un travail qui ait un impact positif sur l’environnement. J’ai commencé ici comme bénévole, c’est mon troisième été. Je me souviens du premier jour, tout le monde courait dans tous les sens. Quand on vient de la restauration, on aime quand ça bouge.
Ici, on fait ce qu’on peut à notre échelle pour aider les espèces puis les remettre dans leur milieu naturel. Dans la majorité des cas, il s’agit de mauvaises rencontres avec l’homme, tels des hérissons blessés par des tondeuses.
Je me suis découvert une passion pour les martinets, dont je m’occupe la moitié de l’année. On en reçoit de mai à mi-septembre. Ces oiseaux sont un peu mal-aimés en centre de soins parce qu’ils sont compliqués à gérer. Il faut les nourrir sept ou huit fois par jour et ils supportent très mal le stress. Ici, on les isole dans un conteneur aménagé, pour qu’ils soient au calme.
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Ils sont fascinants, aucun animal n’a un tel mode de vie. Ils ne se posent jamais, hormis pour la période de reproduction. Ils boivent en vol en s’abreuvant à la manière de canadairs. Pour dormir, ils sont capables de mettre en veille la moitié de leur cerveau. Leurs pattes leur servent très peu à marcher, contrairement à beaucoup d’autres oiseaux. Ce sont de fabuleux migrateurs. Ils vont jusqu’en Afrique et reviennent nicher chez nous. J’avais un vague souvenir d’eux dans la clinique de ma mère, mais c’est ici que je les ai découverts.
Il y avait besoin de mettre en place des protocoles pour améliorer les choses. J’ai pris contact avec ce qui est sans doute la meilleure clinique pour les martinets d’Europe, à Francfort. J’ai aussi pu faire un stage de deux semaines en banlieue parisienne, dans un autre centre spécialisé. J’ai beaucoup appris sur la fréquence des nourrissages, les vitamines. Ils ont une alimentation qui leur est propre, on utilise des grillons, qui arrivent congelés depuis l’Allemagne. Pareil pour les soins: le martinet étant résistant aux médicaments, il a fallu adapter toutes les posologies avec notre vétérinaire, Mélanie Lacombe-Mermillod.
Nous recevons souvent des oiseaux amaigris, épuisés par leur migration ou des petits qui ont sauté du nid et arrivent ici avec des lésions aux ailes. Je parviens désormais à réaliser des «entures», des raccords de plumes collées entre elles avec une tige en fibre de carbone. En début de saison, une première pour nous, j’ai ainsi pu relâcher un martinet adulte à qui nous avons dû changer six plumes. Il s’agit d’une technique délicate, sous anesthésie générale. Il faut que le raccord soit parfait, exactement dans le même axe.
Pendant la période des martinets, je m’occupe d’eux à 100% avec mes collègues Jade et Anaïs. Nous créons forcément des liens avec eux, même si cela n’est pas réciproque. Il n’y a pas de risques d’imprégnation avec eux, un aspect auquel on doit faire attention avec beaucoup d’animaux. On ne veut surtout pas qu’ils s’habituent à l’homme. On a parfois un petit pincement au coeur en les relâchant, toute l’équipe martinet essaie de se réunir.
Les centres de soins ne sont qu’une goutte d’eau, on pourrait faire tellement plus pour les animaux. On sent un tel besoin, des gens viennent parfois de très loin. Il faudrait que chacun fournisse des efforts, notamment les différents acteurs de l’économie, qui pourraient avoir un réel impact.»
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