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Rencontre

Lisa Baumann et Alexandre Sideris: «Le vélo, c’est un mode de vie»

Alors que les Romands ressortent leurs deux-roues, nous avons réuni deux attachants jeunes cyclistes au skatepark de Genève. La Neuchâteloise Lisa Baumann, double championne nationale de VTT enduro, et le Genevois Alexandre Sideris, double champion national de BMX freestyle, vouent leur vie à l’éternelle bécane. Non sans style.

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Alexandre Sideris et Lisa Baumann

Au skatepark de Genève-Plainpalais, le champion de Suisse de BMX freestyle, le Genevois Alexandre Sideris (20 ans), s’envole au-dessus de la spécialiste de VTT enduro Lisa Baumann. «Je lui fais confiance», souffle la Neuchâteloise de 21 ans, elle aussi championne de Suisse.

GABRIEL MONNET

Les badauds de la plaine de Plainpalais leur jettent un regard interrogatif puis s’éloignent avec l’envie de bondir dans leur bureau. Dans ce skatepark urbain plein de creux et de bosses, le double champion suisse de BMX freestyle Alexandre Sideris se jette dans la pente au guidon de son robuste vélo sans freins, prend de la vitesse puis se sert du bord du mur comme d’un tremplin. Il se propulse quelques centimètres au-dessus de la double championne nationale de VTT enduro Lisa Baumann. Toute menue, celle-ci reste immobile quand le garçon la frôle à toute allure. «Je lui fais confiance», glisse-t-elle, superbement stoïque. Aujourd’hui, elle est son invitée, car son terrain de jeu à elle se situe plutôt dans les forêts ou les pentes que la nature réserve. 

«Ce qui me faisait kiffer, c’était sauter»


Lui en ville de Genève, elle dans la campagne neuchâteloise, l’amour du vélo les réunit, même s’ils ne se connaissaient pas. Il dit que «peu importe s’il s’agit de compétition ou juste de se déplacer, le vélo est incroyablement cool». Elle acquiesce et ajoute qu’elle aime aussi l’idée de l’équipe, elle qui rentre d’un camp d’entraînement avec son team français, Commencal-Les Orres: «On est soudés et très jeunes, on passe de tellement bons moments!»

Pour tous deux, le penchant pour la bécane remonte à l’enfance. Lisa se reconnaît casse-cou dès ses premiers tours de roues. «J’ai commencé par des gymkhanas. J’avais 5 ans et j’aimais déjà l’adrénaline. C’est comme cela que j’ai appris la technique.» Elle passe ensuite au VTT traditionnel, la discipline très helvétique où excellent les stars Jolanda Neff et Nino Schurter. La concurrence est rude. En 2021, elle prend une décision radicale. Privée d’un camp d’entraînement par le covid, elle se met à «s’amuser», dit-elle, sur le vélo d’enduro qu’elle vient de s’acheter. A Chaumont, elle multiplie les descentes, des journées entières. Elle s’éclate.

De toute manière, sa préparation hivernale est gâchée et elle doit penser à passer un CFC en juin. «J’ai tellement aimé ces sensations que je me suis inscrite pour mes premières courses, en juillet.» Elle débarque en presque inconnue aux Championnats suisses, dans le Lötschental. Surprise: elle y bat les favorites, les jumelles Gehrig. Championne nationale de VTT enduro, elle défend ce titre en 2022, à Laax (GR). «J’ai hyper progressé alors qu’à ma première course au niveau international, à Lourdes, j’étais dans les dernières. Aujourd’hui, je me suis améliorée en tout, techniquement, physiquement. J’ai une marge énorme devant moi.» La peur? «Cela m’arrive encore, impossible de tout maîtriser. Une pierre, une racine, je dois être absolument concentrée.»

Sport

Lisa Baumann, la Neuchâteloise au sommet du VTT suisse

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A 21 ans, la Neuchâteloise Lisa Baumann est la relève du VTT en Suisse. Championne suisse de VTT enduro en 2021 et 2022, victorieuse d’une Coupe de France en vélo de descente en 2022, nous l’avons suivie durant deux de ses entraînements dans sa région. Théo Matthey-Junod

Alexandre écoute avec attention. Son histoire dégage la même évidence. Même si personne ne le pratiquait dans sa famille, il est heureux sur son vélo presque avant de marcher. Il commence le BMX Race à 5 ans, dispute des courses jusqu’à ses 12 ans. «Mais moi, ce qui me faisait kiffer, c’était sauter. Un jour où j’étais avec ma grand-mère, j’ai vu des BMX dans la rue, des vélos qui ressemblaient au mien. J’ai essayé une fois, j’ai compris que c’était pour moi.» Le sentiment de liberté l’emporte: il préfère maîtriser des figures acrobatiques sur des modules ou des rochers que se laisser diriger par des coachs sur une piste. Même si son corps doit en payer le prix. Il s’est «à peu près tout cassé», avec une dernière fracture tibia-péroné qui lui occasionne 15 vis et une plaque dans la jambe. Son sponsor principal, l’ex-champion de motocross Marc Ristori (RFORCE8), et son second sponsor, la salle de sport genevoise Sport Quest, veillent cependant sur sa préparation physique, indispensable pour prévenir les blessures.

Il ne fanfaronne pas: «La peur est toujours là. Elle te maintient en vie.» S’il s’avoue un petit nœud à l’estomac avant de rouler, tout disparaît dès qu’il s’engage. «Tu es sur ton petit nuage, tranquille, même si tu as des problèmes. Le freestyle, c’est une manière de m’exprimer. Je peux avoir mon style, agressif ou tranquille selon les moments. Je me réveille vélo, je dors vélo, c’est un mode de vie.» Il aime que tout ait l’air simple dans ce qu’il montre, alors que tant de travail se niche derrière. Lui aussi a été sacré champion national, en BMX freestyle, en 2021 et en 2022, pareil que Lisa. 

Tous deux ont le virus de la gagne, avec même un petit côté mauvaise perdante aux jeux de société pour elle, qui ne néglige pas la musculation en s’entraînant dans le centre neuchâtelois Fight Move Academy, tant l’effort sur les bras est intense. Une fois par semaine, elle ne fait que de la descente. Au final, elle passe entre dix et vingt heures par semaine sur son vélo. 

Quant à lui, il hante son skatepark quatre à cinq fois par semaine. Souvent avec un ami, tout en souffrant du manque de structures en Suisse. Il va à Aigle, à Cadenazzo (TI), mais le plafond de la salle de La Fièvre, à Lausanne, est trop bas et la salle de Winterthour trop loin. Il se console avec son indépendance: «Dans le BMX freestyle, tu peux avoir une idée dans ton lit et essayer de la réaliser le lendemain.» S’il ne dispose pas de véritable entraîneur, un cycliste brésilien de Genève qui a fait une carrière pro lui sert de mentor. Financièrement, il survit en grande partie grâce à ses parents. Une saison coûte environ 10 000 francs pour lui, sans doute davantage pour elle. 

Alexandre Sideris et Lisa Baumann

Au civil, Alexandre Sideris et Lisa Baumann allient naturel et décontraction. Le Genevois porte la marque de son sponsor principal, RFORCE8, fondé par l’ex-champion de motocross Marc Ristori.

GABRIEL MONNET

Le graal? Intégrer l’équipe Red Bull


En 2024, le monde du sport résonnera des Jeux de Paris. Alexandre Sideris évalue à 10% ses chances d’y aller, à cause de l’investissement que cela supposerait: «Il faudrait disputer toutes les étapes de la Coupe du monde, jusqu’en Arabie saoudite. Presque impossible pour moi.» Pour Lisa Baumann, le VTT enduro ne faisant pas partie du programme olympique, elle a un autre rêve: les Mondiaux de Champéry (VS), en 2025.

Ils poursuivent un autre graal. Entrer dans l’équipe Red Bull, un privilège qu’une vingtaine de sportifs suisses seulement connaissent. «Porter le casque Red Bull, c’est trop stylé! Tu sais tout le travail derrière pour arriver là», s’exclame Lisa. «C’est un soutien énorme, confirme Alexandre. Tout est pris en charge, tu peux appeler au moindre problème. Il n’est pas exclu que j’y arrive. Je dois me montrer encore plus carré.»

Ils se regardent. Un point commun? «La passion, on dirait.» Le naturel, un zeste d’ironie, aussi. 

Par Marc David publié le 26 avril 2023 - 08:47