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Jeux olympiques

Mathilde Gremaud racontée par ses parents

Peu avant que la freestyleuse fribourgeoise Mathilde Gremaud triomphe, L'illustré est allé rencontrer ses parents dans leur villa de La Roche (FR). Chantal et Stéphane Gremaud racontent son enfance joyeuse, au-dehors, avec ses soeurs et ses cousins. Et son premier saut périlleux, sur le trampoline de la maison!

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Mathilde Gremaud

«On bougeait beaucoup avec nos trois filles, elles aimaient cela, on ne les a jamais forcées.»

GABRIEL MONNET

En parquant devant la jolie villa de la famille Gremaud, baignée de lumière gruérienne, on regarde partout: où est le trampoline? Mathilde Gremaud parle si volontiers dans ses interviews de ses premiers émois sur l’objet rebondissant qu’on l’imaginait bien en vue sur la pelouse, comme un vestige historique, dans ce quartier de La Roche niché en contrebas de la route qui mène à Fribourg. Jovial et accueillant, Stéphane Gremaud, facteur à Bulle de son état, s’excuse en souriant: «Le trampoline où Mathilde s’entraînait? Il a été emporté par une tempête le jour des 80 ans de mon père. Il s’est envolé comme une soucoupe volante, jusque dans un talus. Mais il a été bien amorti, c’est sûr.» Il se souvient comme si c’était hier d’y avoir vu sa fille Mathilde exécuter son premier saut périlleux arrière, sans que personne lui ait montré. «Elle devait avoir 5 ans, c’était la plus jeune des enfants en train de jouer. Avec ma femme, on regardait par la fenêtre, on n’en revenait pas!»

Tous deux natifs de La Roche, Chantal et Stéphane Gremaud racontent avec modestie la trajectoire de leur fille. «J’ai été entraîneur de ski, mais aussi de foot et d’athlétisme, dit-il. On bougeait beaucoup avec nos trois filles, elles aimaient cela, on ne les a jamais forcées.» Mathilde, elle, montre vite une agilité hors du commun. «Avec elle, tout était facile, par exemple jongler des deux pieds avec un ballon de football.» Gauchère, certainement ambidextre, elle a toujours eu une belle synchronisation. Il ne résiste pas à raconter une anecdote: «A la maternelle, à Pont-la-Ville, les enfants avaient l’interdiction de monter sur les barres verticales de 5 à 6  mètres de haut que l’on trouve dans les collèges. Un jour, une maîtresse affolée a crié au secours: «Mathilde a grimpé jusqu’en haut!» Ils ont eu si peur qu’ils ont supprimé ces barres…»

Les parents disent la chance d’une enfance au-dehors. Comme le quartier est habité en grande partie par la famille, l’endroit était empli de cousins, en bas, en haut. «Ils jouaient ensemble, ils étaient tout le temps à l’extérieur. Ils allaient à pied à l’école, à 1 kilomètre. S’il y avait de la neige, ils sautaient en bas des talus en rentrant.»

Mathilde Gremaud

Stéphane et Chantal Gremaud émus devant des photos d’enfance de leur fille Mathilde.

GABRIEL MONNET

Dans la classe de Mathilde, il n’y avait que trois filles. Elle était entourée de garçons, qui l’entraînaient. Son meilleur copain venait la chercher pour expérimenter tout ce qu’une enfant sportive peut découvrir. Le football, le roller, le vélo jusqu’au lac de la Gruyère. Après, la compétition s’est insérée de manière naturelle. L’athlétisme l’a d’abord attirée. «Elle avait un joli style, une belle foulée», admire le père. «Mais c’était moins fun que le ski», sourit son épouse, Chantal. En ski alpin, elle a disputé quelques courses, est même allée jusqu’en finale du GP Migros, puis elle a passé à autre chose: «Dès qu’elle a commencé le freestyle, elle n’a plus arrêté. Avec ses copains d’école, ils construisaient leurs sauts à La Berra. Pour moi qui viens de l’alpin et ai toujours bien préparé mes skis, ce fut l’inverse: des carres toutes massacrées…» Elle a testé son audace hors des sentiers battus. «Je ne pense pas qu’elle aurait pu passer des piquets tout le temps. Elle se serait ennuyée», note sa mère.

Ensuite, elle était si douée qu’il a fallu se décider, avec les sacrifices financiers inhérents. Chantal et Stéphane Gremaud ont cru en leur fille et lui ont permis, après une première année au collège de Bulle, d’intégrer une classe sport-études du centre d’Engelberg (OW). Pas offert quand on sait qu’une année scolaire coûte environ 30 000 francs. Ils ont trouvé des aides, mis de leur poche, mobilisé des amis. Et remercient l’Aide sportive suisse. «Sans elle, tout aurait été difficile.»Ils doivent aujourd’hui vivre avec le danger de la blessure. Longtemps, ils ont pensé que les facultés de coordination de Mathilde la protégeaient. Jusqu’à ce que, en 2017, elle se déchire les ligaments croisés. Ce qui ne l’empêcha pas, à peine rétablie, de décrocher sa première médaille olympique en février 2018, aux Jeux de Pyeongchang, à 18 ans.

Mathilde Gremaud Peking 2022

Mathilde Gremaud après sa médaille d'or à Pékin 2022.

Getty Images



En fin d’année dernière, de méchantes chutes ont de nouveau fait douter la jeune championne. A Stubai (Aut), elle est tombée sur la tête. «Là c’était bien que je sois présent, ce fut dur, dit Stéphane Gremaud. Elle a commencé à se demander si cela valait la peine de continuer.» Ils ont parlé, le père a souligné qu’elle semblait tout lâcher quand elle atterrissait en arrière, à cause du genou fragilisé. Mathilde l’a écouté. «Elle m’épate, elle arrive à se relever chaque fois. Elle a une grosse capacité d’analyse.»

La Mathilde du trampoline-qui-n’existe-plus a aujourd’hui 22 ans et plusieurs médailles olympiques autour du cou. Ses parents ont le droit d’en être fiers. «On se dit que cela n’arrive pas qu’aux autres. Si cela peut donner des idées à de jeunes sportifs, tant mieux.» Les courses des Jeux, ils sont allés les voir dans la salle communale, avec les gens du village réunis. «Si j’étais resté ici, je n’aurais plus eu d’ongles, note son père. J’ai de plus en plus de peine à regarder en direct, je suis de plus en plus stressé. Parce que j’ai envie qu’elle réussisse.»

Ils décrivent une jeune femme nature, parfois tête en l’air jusqu’à oublier ses lunettes de ski. Mais aussi ouverte, facile à vivre: «Ici, tout ne tourne pas autour d’elle ou du ski», tient à ajouter Chantal Gremaud. «Il y a nos deux autres filles, Jeanne et Elsa, précise son mari. Et Mathilde fait le dîner ou plie le linge comme tout le monde…»

Par Marc David publié le 15 février 2022 - 11:28