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L'édito

Mme Poutine ici? La Suisse joue gros

Stéphane Benoit-Godet se questionne quant à la présence de la femme de Vladimir Poutine en Suisse. Si Alina Kabaeva est bien en territoire helvétique, cela pose des questions sur les conditions de la neutralité de la Suisse. Comment un pays neutre pourrait-il accueillir la femme d'un homme massacrant des civils en Ukraine?

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Pétition

«Suisse, pourquoi as-tu hébergé les aides du régime de Poutine ?» peut-on lire comme titre de la pétition publiée sur Change.org. Cette dernière a déjà récolté près de 75'000 signatures. 

DR

La compagne de Vladimir Poutine est-elle en Suisse? Personne n’est capable de répondre à cette question et c’est plutôt gênant. Les enquêtes de Tamedia et la nôtre aujourd’hui confirment un faisceau d’indices mis en lumière par des journalistes anglo-saxons. Une récente enquête du «Wall Street Journal» localise même Alina Kabaeva à un endroit très précis: on ne parle plus du Tessin mais de Cologny, la commune la plus chic de Genève.

Ce n’est pas anodin. Si la compagne du Hitler de ce début de siècle fait ses courses dans les Rues-Basses, le citoyen est en droit de le savoir. Qui la couvre, qui lui permet une telle immunité, qui a intérêt à fermer les yeux sur la présence d’une personnalité aussi politiquement exposée? On nous rétorquera que l’ex-gymnaste est une personne privée, qu’elle n’est pas sous sanctions internationales et que son poids politique n’est pas assez significatif pour faire l’objet d’une procédure.

Nous argumenterons en soulevant que la compagne d’un chef d’Etat est de fait une personne publique même si ce dernier ne souhaite pas s’exprimer sur cette relation, que les médias ont largement rapporté le fait qu’Alina Kabaeva n’est pas ciblée par des mesures de rétorsion seulement pour éviter de rendre l’hôte du Kremlin encore plus agité qu’il ne l’est déjà. Et que oui, il faut se soucier de cette présence en Suisse: politiquement, il serait intenable d’abriter ici – à deux pas du siège de l’ONU! – toute la famille du paria du monde civilisé alors qu’il massacre des civils en Ukraine. Le débat public s’ouvre sur les conditions de la neutralité de la Suisse avec, peut-être, en ligne de mire un vote du peuple sur la question. Soit une excellente nouvelle. Il doit aussi s’ouvrir sur la faiblesse de nos services de renseignement incapables de répondre à une question aussi simple que la présence sur sol national, ou pas, d’une personnalité aussi problématique.

Le mal vient de loin: une discussion off à haut niveau avec les responsables de la sécurité en Suisse m’avait démontré en 2017 que personne ne se souciait alors du danger russe. Notamment du travail de sape en train de se mettre en place avec le déploiement de médias de propagande en Europe – comme Russia Today, devenu RT – et qui visaient alors la Suisse. A défaut de comprendre ce qui se passait alors à l’Est, gageons que ces mêmes services mesurent mieux désormais ce que donnerait à l’Ouest – en termes de dommage à notre réputation – la révélation éclatante de la présence en Suisse de la femme de Vladimir Poutine.

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 4 mai 2022 - 07:45