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Moine apnéiste

Moine zen et champion de plongée en apnée

Il est l’un de nos meilleurs espoirs de médaille au prochain Championnat du monde d’apnée. Moine zen sur terre, plongeur sous la surface de la mer ou du Léman, le Vaudois Loïc Vuillemin mène une existence à couper le souffle!

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Blaise Kormann

C’est un géant de 1,98 mètre aux yeux rieurs qui pratique la profondeur à double niveau. En surface, un moine zen appelé Maître Kosho; sous la surface, Loïc Vuillemin, détenteur du record suisse de plongée en apnée en immersion libre (sans palmes, descente et montée en tirant sur une corde). Il est descendu à 84 mètres de profondeur le 27 juillet dernier dans la mer Rouge. Un record qu’il aimerait encore améliorer au prochain Championnat du monde d’apnée à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, le 7 septembre prochain.

Air de professeur Tournesol

L’homme à la barbichette de professeur Tournesol, semée de fils gris, est aussi à l’aise avec les mantras qu’avec les raies mantas. Mais qu’on plonge dans les abysses ou dans son moi profond, cela nécessite du souffle. Loïc tient près de 6 minutes sans respirer. A se demander s’il a cinq paires de fentes brachiales sur la face ventrale comme la raie manta. Il rit, d’un rire franc et contagieux, assure que nos poumons recèlent des pouvoirs extraordinaires (nous fûmes poissons, à l’origine); certains de ses élèves sont capables très vite de rétention prometteuse, on ne meurt pas, mais non, après 3 minutes sans oxygène même si on a l’impression de cracher ses poumons, comme votre serviteur, après 25 secondes. «Au bout de 3 minutes, tu comprends tout sur la vie... En apnée statique (sans bouger le visage dans l’eau), le record est de 11 minutes et 35 secondes», nous informe-t-il avant de plonger sa tête dans le Léman, au large de Villeneuve, et de réapparaître quelques minutes plus tard.

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Le Vaudois Loïc Vuillemin dans les eaux du Léman, à Villeneuve. Il est aussi instructeur de plongée en Egypte, où il habite avec sa famille. Phil Simha

Une expérience spirituelle

Si méditation et plongée se rejoignent – «une expérience spirituelle dans les deux cas, l’esprit devient sans limite et c’est magnifique!» – c’est quand même plus dangereux 100 mètres sous l’eau que sur un tatami.

Lui n’a heureusement pas connu d’accidents importants même s’il y a eu bien sûr quelques tympans percés en cours de route, ces états d’endormissement ou d’ivresse des profondeurs aussi qui peuvent être fatals. «Je me souviens d’une plongée au-delà de 80 mètres, je pensais à du beurre persillé, tout l’univers n’était plus que du beurre persillé», rigole-t-il. Il ne pratique pas le «No Limit», cette discipline illustrée dans «Le grand bleu» où le plongeur descend à l’aide d’une gueuse à des profondeurs incroyables et remonte avec un ballon gonflé d’air. Le moindre pépin avec le ballon et c’est une mort quasi certaine.

Dangers

L’Autrichien Herbert Nitsch, l’un des plus grands apnéistes du monde à ses yeux, n’est pas remonté indemne d’une plongée à 244 mètres en 2012, qui l’a laissé handicapé. Audrey Mestre, la Française, est décédée après une tentative de record à 171 mètres, en 2002, son ballon était défaillant. Le moine Kosho a appris au plongeur Loïc à respecter la vie: savoir garder les pieds sur terre, même sous l’eau.

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Sur sa robe traditionnelle, cette peinture calligraphiée constitue la carte d’identité du moine Kosho. Lignée Taisen Deshimaru. Blaise Kormann

Manque de fonds

Les autres plongeurs de freediving le surnomment «The diving Monk». Ce natif de Trélex, titulaire d’un master en biologie, est le fils d’un physicien moine zen et d’une professeur de taï-chi, ancienne présidente du Tribunal de Nyon.

Le fruit n’est pas tombé loin de l’arbre. Parti de Suisse en 2003, Loïc a cofondé un monastère zen avec son maître Kosen, Stéphane Thibault, dans les Cévennes. Il vit aujourd’hui à Charm el-Cheikh, en Egypte, avec son épouse, nonne zen, et leur fille Mahatma, 11 ans, qui plonge déjà à 18 mètres de profondeur et fait sa fierté. Le moine a précédé l’apnéiste.

Révélation

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Il est le seul plongeur à se lester avec un collier bouddhiste mala pesant 2,7 kg. Blaise Kormann

Même s’il avait vibré, à 12 ans, devant «Le grand bleu», Loïc ne fait partie du cirque bleu que depuis un an. C’est en 2017 qu’il s’initie à l’apnée lors de vacances au Mexique. Si la première plongée n’est pas concluante – «je pissais du sang par le nez» – la deuxième, à 20 mètres, est une révélation. Il se formera ensuite à Dahab, la Mecque du freediving, avec un prof expérimenté, Stephen Keenan, décédé il y a deux ans en voulant porter secours à un plongeur.

Le Vaudois a des dispositions. Un corps longiligne, des mains de basketteur. Pratiques pour saisir avant d’autres la plaquette au fond de l’eau, comme dernièrement au championnat suisse où il est descendu à 56 mètres dans l’eau glacée et obscure du lac de Zurich, obtenant une deuxième place. «Un choc thermique quand on est habitué aux eaux chaudes de la mer Rouge.» Mais l’apnée n’est pas le tennis.

Les gains sont ridicules et ses bi-palmes rafistolées au scotch témoignent qu’il n’a pas les moyens d’un Guillaume Néry, la star française de l’apnée qui apparaît dans un clip de Beyoncé. Il lui manque toujours des fonds pour aller tout au fond! Il arrive alors à Loïc de faire appel au crowdfunding, soit un appel au financement participatif via internet. «Heureusement, je vis très simplement, ce qui compte avant tout, c’est ma liberté.»

A Villefranche-sur-Mer, le moine plongeur ne va pas chercher à battre le record du Russe Alexey Molchanov, avec ses 125 mètres en immersion libre sans palmes. «C’est hors de portée. Un record suisse me ferait déjà bien plaisir.» Loïc connaît ses limites. En paix avec son ego.

>> Toutes les infos et présentation sur le site www.deepzen.net 

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Loïc Vuillemin, qui aura 43 fin septembre, a été ordonné à 19 ans. «Après une méditation, je plonge avec plus de facilité!» Phil Simha

Par Baumann Patrick publié le 4 septembre 2019 - 08:00, modifié 18 janvier 2021 - 21:05