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Au café du coin à Glaris

«Nous, les Glaronais, on est des pionniers»

Le Glaronais est-il conservateur ou d’esprit ouvert? Regarde-t-il vers Zurich ou plutôt vers la célèbre «fenêtre» du Martinsloch? Débat à la table ronde du Café du Coin avec Vreni Schneider.

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Vus d’en haut: Vreni Schneider (à g.), Armin Landerer, Annemai Kamm, Werner De Schepper, Anita Stüssi et Mathias Zopfi.

Kurt Reichenbach

Restaurant Glarnerhof, à côté de la gare du chef-lieu cantonal. Aucun établissement de la région n’est aussi chargé d’histoire: on s’y retrouve depuis 1862. Au Stammtisch de la vénérable salle à boire ont pris place Vreni Schneider, 55 ans, triple championne olympique et triple championne du monde, Mathias Zopfi, 37 ans, conseiller aux Etats vert, Armin Landerer, 60 ans, directeur de la fondation Solidarité Suisse, Annemai Kamm Elmer, 77 ans, naguère présidente du Grand Conseil, ainsi que son ex-camarade d’école Anita Stüssi.

Tout le monde ne parle que de football. Vous avez aussi vibré?
Vreni Schneider: Ce fut vraiment un match d’anthologie. Bon, au début, j’ai failli m’assoupir. Mais après l’arrêt décisif de Yann Sommer, j’étais survoltée. Ce succès a été d’autant plus beau que l’équipe avait été sacrément critiquée. Mais la critique, ça peut aussi motiver et créer une dynamique positive.
Anita Stüssi: L’histoire des cheveux blonds de Xhaka a été inutilement montée en épingle. Et, d’ailleurs, ça ne nous intéresse pas non plus de savoir quelles voitures les joueurs conduisent.
Vreni Schneider: Finalement, on ne devrait pas s’énerver à propos des salaires inouïs payés dans le football. Les lois du marché s’imposent. En tant que skieuse, l’argent n’a jamais joué un rôle pour moi. Je faisais de la compétition par passion. Pour remporter des médailles. Mais la prime n’a jamais été déterminante. Et je pense qu’il en va de même pour les footballeurs. Ils aiment leur sport.

La Nati est surtout formée de secondos. N’y a-t-il pas là un potentiel qui pourrait être utilisé dans le ski, dans la politique?
Vreni Schneider: Bonne idée! Mais le ski est un sport relativement cher et pas forcément accessible à tous les habitants des villes. Rien que l’équipement coûte cher. A cet égard, le football est nettement plus accessible.
Mathias Zopfi: A mon avis, l’équipe nationale de football est un bel exemple d’intégration réussie. De telles influences seraient encore plus utiles en politique, notamment ici, à Glaris, où la part des étrangers s’élève à 20%. Mais pour viser une carrière politique, il faut commencer tout en bas. Et cela dissuade pas mal de monde.

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Pour la première fois, nous nous retrouvons tous à la même table. Quels sentiments cela éveille-t-il en vous?
Vreni Schneider: C’est libérateur! La pandémie était anxiogène. D’un jour à l’autre, le monde s’est arrêté. Je n’ai pas trop souffert dans la mesure où je suis assez casanière. Mais en regardant le téléjournal, je peinais à y croire. Il faut dire aussi qu’en Suisse nous sommes privilégiés: le système de santé fonctionne très bien et les aides financières sont arrivées assez vite.
Armin Landerer: Mais dans notre fondation, nous avons remarqué très vite qu’il y avait un vrai problème pour des PME et des citoyens. Parce que l’aide étatique n’est pas arrivée tout de suite partout. D’un coup, on a vu des gens qui faisaient la file pour de l’aide alimentaire. Des candidats à l’apprentissage ont eu d’énormes difficultés à trouver un emploi. A mon avis, sur le plan médical, la situation est bien maîtrisée. Mais économiquement et socialement, la pandémie nous occupera encore longtemps.

Salutation corona: Vreni Schneider et le directeur de Solidarité Suisse, Armin Landerer.

Kurt Reichenbach

>> Retrouvez tous les détails de l'opération: Rencontrez des personnalités à la table ronde du Café du Coin

Armin Landerer, quel est votre objectif principal comme directeur de fondation?
Que l’on ne laisse personne sur le bord du chemin. Les forains trinquent, par exemple, parce qu’ils n’ont pas de lobby. Le monde politique a réagi rapidement et résolument. Mais avec notre fondation, nous intervenons là où l’Etat reste absent.
Mathias Zopfi: Globalement, la Suisse ne s’est pas mal débrouillée. Mais comme l’a dit Vreni, à Glaris tout s’est plutôt bien passé. J’ai vu le cas de mon frère. Il travaille à Zurich et il est tout de suite rentré ici en télétravail. Mais en politique, cela ne fonctionne guère: les politiciens vivent des contacts directs. A distance, ça ne marche jamais aussi bien qu’au sein d’une salle du parlement.

Dans une situation aussi extrême, les politiciens subissent une énorme pression. Avez-vous vécu cela?
Mathias Zopfi: Des menaces de meurtre, non, heureusement. Mais je ne travaille pas au sein de commissions aussi exposées. J’ai entendu parler de campagnes d’insultes et de dénigrement contre des collègues, des femmes surtout. Les femmes sont en général plus durement attaquées que les hommes.
Annemai Kamm: Phénomène connu. A la fin des années 1980, quand j’ai été la première femme élue au Grand Conseil, on m’observait d’un œil critique. Et quand je me suis mobilisée pour les requérants d’asile, j’ai été très critiquée au sein de mon parti, l’UDC. Mais en principe, autrefois, tout se passait avec une certaine mesure. J’ai bien eu quelques lettres anonymes, mais, au pire, on y disait que j’étais une idiote.

Nous sommes à Glaris, un canton particulier. L’UDC y est très populaire, l’initiative CO2 a été rejetée, mais, avec Mathias Zopfi, on a un Vert au Conseil des Etats. Comment cela s’explique-t-il?
Annemai Kamm: Elire un Vert ne signifie pas voter vert. Les Glaronais ont choisi Mathias pour sa personnalité.
Mathias Zopfi: Glaris a deux visages: le conservateur, quasi Suisse primitive, et le progressiste que l’on voit, que l’on vit à la Landsgemeinde. Le Glaronais est conservateur mais ouvert.
Anita Stüssi: Un de nos dictons énonce: plutôt aller à Zurich à dos d’âne qu’à la montagne à dos de cheval. A bien des égards, les Glaronais sont des pionniers. Nous avons instauré la première loi sur les fabriques, la première assurance incendie, le premier ski-club, la première AVS. Nous avons inventé le cube Maggi sur les conseils du médecin cantonal qui voulait s’assurer que même les pauvres auraient quelque chose de chaud et de nutritif à avaler.
Annemai Kamm: Je me souviens que du temps de mon enfance les pauvres trempaient un bout de saucisse dans leur café pour mieux supporter leur dur labeur.

Vous avez évoqué la Landsgemeinde: n’est-ce pas un modèle suranné?
Mathias Zopfi: Pas du tout. Elle encourage le débat politique et la formation des opinions. Une décision populaire peut soudainement changer en pleine Landsgemeinde. Mais parfois la météo joue un rôle: lorsque le droit de vote dès 16 ans a été approuvé, il tombait des cordes. Les adversaires étaient restés à l’abri chez eux!


Un canton aux coûts attractifs

En marge de l’opération Café du Coin, les analystes d’UBS éclairent la situation économique de chaque canton où nous débattrons.

Les perspectives de croissance économique du canton de Glaris sont modérées par rapport aux autres cantons. La zone de rayonnement – donc le nombre de personnes pouvant être atteintes – est plutôt limitée, tout comme la quantité de main-d’œuvre potentielle et les débouchés. Relativement peu d’entreprises innovantes avec une forte position concurrentielle s’y sont établies.

Dans le canton relativement petit de Glaris, la situation géographique joue un rôle important pour la compétitivité économique. Ainsi, le bas-pays de Glaris, avec la plaine de la Linth, est mieux positionné que l’arrière-pays montagneux. La proximité de la liaison autoroutière permet d’accéder plus rapidement aux infrastructures importantes comme les aéroports ou le prochain grand centre de Zurich.

La politique peut également être décisive pour l’évolution future. Dans ce domaine, le canton de Glaris est parfaitement positionné. Il compte parmi les cantons de Suisse qui ont les coûts les plus attractifs. La baisse de l’impôt sur les bénéfices en 2019 dans le cadre de la réforme fiscale et du financement de l’AVS (RFFA) a donné une impulsion importante. En parallèle, la politique financière n’a pas été en reste, ce qui se reflète notamment dans le faible endettement et offre une marge de manœuvre pour les mesures fiscales.

Par Thomas Renggli publié le 7 juillet 2021 - 08:37