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«OFSP: Office fédéral des statistiques en petchi»

Thomas Wiesel, humoriste en télétravail, revient cette semaine sur les couacs à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

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Blaise Kormann

L’Office fédéral de la santé publique a commis une faute absolument impardonnable dans un pays tel que le nôtre, à la réputation d’exactitude et de rigueur implacable: ils se sont trompés dans les chiffres.

Deux jours après avoir dit que les boîtes de nuit étaient responsables de plus de 40% des nouvelles infections, ils ont dit: «Oups, on s’est trompés de case, en fait, c’est 2%, désolés!» Je vote pour que les employés responsables de cette erreur soient immédiatement affectés au versement des aides Covid-19, je pense que personne ne se plaindrait de recevoir 14 fois plus d’argent que prévu.

Ça la fout mal, d’autant plus que quelques jours avant, l’OFSP a irrité les cantons en leur mettant un coup de pression sur de nouvelles mesures à prendre pour limiter les infections. Sur quels chiffres se basaient-ils? «Y a 2020 cas par jour, fermez tout!» «Ça, c’est la date, Markus, faut lire la colonne d’à côté…»

D’après Alain Berset, l’OFSP a commis une petite erreur, car ils reçoivent beaucoup de demandes des médias et de la population. C’est notre faute, si on arrêtait de poser des questions, ils ne donneraient pas de mauvaises réponses. M. Berset a même fait état des dizaines de milliers de demandes de la part de la population, par jour. Je pense que ces chiffres proviennent des mêmes sources que les autres. Moi, ma routine quotidienne, c’est café, lire le journal, formuler une demande d’information personnelle à l’OFSP. Et je suis sûr que c’est le cas pour des millions de mes compatriotes.

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C’est pas si grave qu’un employé fédéral ait envoyé des chiffres sans les vérifier un vendredi après-midi pour pouvoir vite partir boire un verre dans un bar avant qu’ils ne les ferment à cause des chiffres erronés. L’erreur a été vite corrigée, le problème, c’est que cette correction pose plus de questions qu’elle n’en résout. En fait, pour la deuxième quinzaine de juillet, seulement 3% des infections viennent des boîtes de nuit et quasi 30% des familles (surprenant que l’OFSP n’ait pas recommandé une interdiction immédiate des familles sur le territoire suisse). Mais on ne dispose de données cliniques que pour 793 cas de cette période, alors que selon les chiffres de l’OFSP il y en a eu 2231 en Suisse. Donc si je calcule bien (ce qui me disqualifierait automatiquement pour travailler à l’OFSP), pour deux tiers des cas, on ne sait pas du tout où a eu lieu l’infection. Et pour le tiers où l’on sait, il y a 40% où on ne sait pas quand même, mais au moins on sait qu’on ne sait pas, tandis que pour le reste on ne sait même pas si on sait.

Le problème viendrait des échanges d’informations entre les cantons, qui ont des données plus précises grâce notamment au traçage des contacts, et l’OFSP, qui n’a que les informations contenues dans les formulaires des médecins, dont une bonne partie seraient remplis à la main et transmis par fax, donc on devrait avoir une vision précise de la pandémie au mois d’avril 1985 d’ici la semaine prochaine.

Pour éviter un nouveau confinement, on doit pouvoir prendre des mesures locales et ciblées, expliquait Alain Berset. Ça aiderait d’avoir des chiffres précis. Quand on sait que les catégories «bars/restaurants», «discothèques», «fêtes privées» et «manifestations» ont été ajoutées aux formulaires mi-juillet seulement, on comprend mieux le flou artistique qui règne dans les statistiques.

Le canton de Genève a retracé 40% des contaminations aux boîtes de nuit, Vaud la moitié «au milieu festif», l’OFSP moins de 5%. Sachant que ces deux cantons abritent 40% des cas sur la période, il y a quand même un organe reproducteur masculin dans le potage. Comme générateur de chiffres aléatoires, on avait déjà le loto et la météo, on a désormais l’OFSP.

Et Berset de conclure: «A Genève, ça fait sens de fermer les boîtes de nuit, mais pas en Appenzell Rhodes-Intérieures.» Voilà qui devrait mettre tout le monde d’accord. D’après mes recherches sur Google, il n’y a pas de boîtes de nuit en Appenzell Rhodes-Intérieures. D’après l’OFSP, il y en aurait des dizaines de milliers.

>> Lire la chronique précédente: «J’aime la Suisse»


Par Thomas Wiesel publié le 12 août 2020 - 08:07, modifié 18 janvier 2021 - 21:13