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Politique

Philippe Nantermod: «Je n'avais jamais vécu une campagne aussi agressive»

Au lendemain du oui à la loi covid, le vice-président du Parti libéral-radical, Philippe Nantermod, revient sur cette campagne hors normes. L’occasion pour le conseiller national valaisan d’évoquer les limites du débat démocratique et ce qu’il pense de la législature actuelle.

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Le politicien valaisan Philippe Nantermod

Philippe Nantermod est vice-président du Parti libéral-radical et conseiller national valaisan.

Keystone

- Ces 62% de oui à la loi covid, c’est un soulagement?
- Philippe Nantermod: Oui. J’avoue que, les derniers jours, je me suis demandé si les sondages, qui donnaient le oui largement gagnant, n’étaient pas en train de passer complètement à côté. J’ai pensé à ceux qui donnaient pour impossible la victoire de Donald Trump en 2016. Ou, chez nous, au contre-exemple de la votation sur l’interdiction de construction des minarets, en 2009. Les sondages prédisaient 39% de non et, au final, c’était passé avec plus de 57% de oui.

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- A quoi était due votre inquiétude?
A la force de la campagne. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir déjà vécu une aussi puissante, aussi agressive. Les opposants ont investi beaucoup d’argent, mais, on le sait, cela ne suffit pas. Ils ont réussi à fédérer toute une communauté, un réseau de personnes très investies, avec des gens prêts à faire les hommes-sandwichs au bord de la route, des groupes sur [l’application] Telegram – où je suis d’ailleurs allé voir, c’est effarant de bêtise. Sans parler bien sûr des manifestations. Il est vrai que la donne a changé ces dernières années avec les rassemblements des militants du climat ou de la grève des femmes, mais, en Suisse, la politique ne se fait normalement pas dans la rue.

«Imposer la vaccination obligatoire est impensable»

- Le taux de participation très élevé (65%, soit le 4e plus élevé depuis 1971) doit également vous réjouir?
Bien sûr. La majorité silencieuse, qui a autre chose à faire que de passer son temps à commenter de fausses infos sur les réseaux sociaux, a clairement exprimé son avis. Cela rend le vote plus légitime encore. J’ajoute que la votation n’est évidemment pas une solution à tous les problèmes engendrés par le covid, mais qu’elle permet d’éviter un black-out législatif.

- Les jeunes ont été les plus nombreux à voter contre la loi. Pourquoi, selon vous?
Parce que nous avons été trop pudiques, trop retenus dans le discours, en répétant que la vaccination concernait surtout les personnes âgées, qu’elle pouvait être dangereuse pour les plus jeunes. Lorsque j’entends: «C’est terrible, on ne peut plus aller en cours, car les tests sont trop chers», je leur réponds: «Allez vous faire vacciner, c’est gratuit!» Chacun est libre de ne pas se faire vacciner, mais c’est un mauvais choix, une erreur. A titre personnel, en termes d’atteinte à la liberté individuelle, je trouve le port du masque bien pire que le vaccin.

- Etes-vous favorable à la vaccination obligatoire?
Non, c’est impensable. Cela détruirait tous les arguments que nous répétons depuis que le vaccin existe. Encore une fois, les gens sont libres de leur choix, mais ils doivent en assumer les conséquences. Le travail n’est pas obligatoire, mais si on fait le choix de ne pas travailler, on doit aussi en assumer les conséquences. C’est la même chose avec le vaccin.

 

«Quand les injures remplacent le débat, quand les gens posent des questions sans écouter les réponses, les vertus de la démocratie s’estompent»

- A l’instar d’autres personnalités politiques et de journalistes, vous avez été la cible de menaces. Avez-vous porté plainte?
- Non. Un peu parce que je suis pris par tant d’autres choses, ma famille, mon travail, les séances à Berne, la vice-présidence… Un peu aussi pour calmer le jeu. Vous savez, les insultes et les menaces ont commencé il y a un an déjà. Certains messages étaient tellement fous, tellement bêtes, que j’avoue ne pas les avoir vraiment pris au sérieux. C’est peut-être une erreur… Enfin, il est clair que je ne serais pas allé me promener au milieu des manifestants!

- Vous avez écrit récemment dans une chronique qu’on avait «atteint les limites du système». Qu’avez-vous voulu dire?
Que quand on vote deux fois sur le même sujet dans la même année, quand les injures remplacent le débat, quand les gens posent des questions sans écouter les réponses, les vertus de la démocratie s’estompent. Je ne dis évidemment pas que 40% des électeurs n’écoutent pas, mais une partie en tout cas refuse obstinément le dialogue et d’entendre des arguments qui ne vont pas dans leur sens. Etre démocrate, c’est aussi accepter l’échec: l’initiative pour les soins infirmiers est passée (61% de oui, ndlr), c’est le choix démocratique, je l’accepte.$

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- Pensez-vous que les choses vont se calmer maintenant?
- Je l’espère, mais je n’en suis pas convaincu. Il y a bien sûr des interrogations légitimes, autour du passe covid notamment. Mais les contestations ont commencé avec le nom de la loi lui-même, en sous-entendant que le passe sanitaire avait été omis exprès dans l’intitulé de la loi. Or cela découlait du processus législatif, le passe n’étant pas prévu dans la version proposée au parlement, et donc dans le titre d’origine, qui n’a pas été adapté. C’est la même chose pour la réforme AVS21: on ne parle pas dans l’intitulé de l’augmentation de la TVA, ça ne veut pas dire qu’on cache les choses. Avant dimanche, on entendait déjà parler de bulletins truqués ou volés. Ces affabulations qui font penser à celles autour des élections présidentielles truquées aux Etats-Unis, c’est quand même effarant.

- Vous parlez de débat démocratique. Vous-même n’êtes pas toujours tendre avec vos opposants, notamment les Verts.
- Je n’ai jamais été malhonnête vis-à-vis des Verts. Je retrouve par contre dans les mouvements anti-loi covid acharnés certains traits des groupes écologistes radicaux, à savoir le refus du résultat démocratique ou des institutions, notamment face aux tribunaux, ou dans le recours systématique à la pression de la rue. Les antivax s’appuient sur de la pseudoscience. Si le réchauffement climatique est une réalité, les thèses collapsologues relèvent souvent de la doctrine.

- Je pensais à la forme. Vous n’y allez pas de main morte.
Mais le débat a le droit d’être musclé, le respect n’impose pas la tiédeur! Quand je dis que nos opposants investissent illégalement la place Fédérale et que c’est moche et crade, c’est vrai! Les toilettes sèches devant le Palais fédéral, oui, c’est moche et c’est crade. Ce n’est pas antisystème que de le dire.

- En parlant de réchauffement climatique, vous avez récemment évoqué le retour du nucléaire comme solution. Tout va bien?
- (Il rit.) Le PLR ne plaide pas pour le retour du nucléaire, mais pour le maintien des centrales tant qu’elles sont sûres. Ces questions feront probablement l’objet de nombreuses discussions à l’avenir. Mais il est vrai que le nucléaire a l’avantage de ne pas émettre de CO2, même s’il pose d’autres problèmes.

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- Comment réagissez-vous aux résultats des élections cantonales à Fribourg?
- Ce carton plein, avec deux nouvelles préfectures (la Gruyère et le Lac, ndlr), deux sièges au Conseil d’Etat (Didier Castella, réélu, et Romain Collaud, ndlr), deux sièges gagnés début novembre au Grand Conseil, c’est évidemment très réjouissant. Ces résultats contredisent d’ailleurs les sondages, qui nous donnaient moribonds; c’est une très bonne nouvelle. Ils sont également la preuve que la droite peut s’entendre et cela me fait très plaisir (Le Centre – ex-PDC–, l’UDC et le PLR se sont alliés, ndlr). Enfin, je note que l’avancée des Verts s’est massivement faite au détriment du PS au Grand Conseil.

- S’allier à l’UDC n’est-il pas problématique?
Cela dépend des représentants de l’UDC. Dans mon canton, par exemple, le consensus est plus difficile à trouver, quoique les minoritaires se soient entendus au printemps dernier. Mais de manière générale, non, je ne vois pas le problème à ce que des partis bourgeois travaillent ensemble. Et en parlant d’alliance, je ne comprends pas toujours l’alliance entre les Verts et les socialistes. Alors que le projet vert s’appuie fondamentalement sur la décroissance, le PS, lui, ne cesse de réclamer davantage: de dépenses, de salaires, d’impôts. Il y a là une contradiction énorme que je ne m’explique pas.

- Vous serez le chef de campagne pour les élections fédérales de 2023. Mais vous l’êtes déjà, en campagne, non?
- Oui, bien sûr! La campagne ne s’arrête jamais… Or la législature en cours est perdue, elle ne sert à rien. On n’arrive pas à avancer. Même sur la loi CO2, les nombreux compromis ne trouvent pas de majorité. La seule victoire de la nouvelle majorité qui tourne autour de la vague verte, c’est la loi sur la chasse, vous conviendrez que c’est un peu maigre. J’espère que nous trouverons un nouvel équilibre en 2023. En Suisse, le système marche avec ses quatre grands partis, sans les Verts.

- Dernière question: seriez-vous intéressé, comme votre camarade genevois Jean Romain, à rencontrer le possible* candidat à l’élection présidentielle française Eric Zemmour?
- C’était quand déjà? Mercredi dernier? Je pose la question, car j’ai assisté à la conférence de [l’essayiste et consultant français] Ferghane Azihari ce soir-là. Sans doute plus intéressant… Non. Je ne me reconnais pas du tout dans les valeurs d’Eric Zemmour, qui n’est ni libéral ni radical. En même temps, je m’amuse des cris d’orfraie des socialistes, dont certains n’hésitent pas à s’afficher à côté de Maduro ou de Jean-Luc Mélenchon. La paille et la poutre, vous voyez?

*Note de la rédaction: Eric Zemmour a officiellement annoncé sa candidature ce mardi 30 novembre. 

Par Albertine Bourget publié le 30 novembre 2021 - 08:20