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Famille royale d'Angleterre

Prince Harry, la vengeance d’un enfant meurtri

La biographie du cadet de Diana, «Spare», à paraître le 10 janvier et payée à coups de millions par son éditeur, est attendue par la couronne avec appréhension. Le prince y dévoile ses traumatismes et dit sa vérité sur le chemin de la guérison. L’époux de Meghan Markle va-t-il oser attaquer frontalement la monarchie britannique, son nouveau souverain et Camilla, la reine consort? En attendant, plusieurs ouvrages mettent à mal la réputation de son couple. Etat des lieux d’une guerre familiale qui se joue en librairie.

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Prince Harry

Le prince Harry et l’actrice américaine Meghan Markle se sont mariés en 2018. En rupture avec la famille royale depuis le 8 janvier 2020, ils vivent désormais en Californie. Ces dernières semaines, de nombreux livres les décrivent comme capricieux et détestables, à mille lieues de l’image qu’ils tentent d’afficher.

Samir Hussein/WireImage/Getty Images
Didier Dana

Cadré en gros plan, le prince Harry, 38 ans, nous fixe droit dans les yeux. Son visage est à la fois sincère et vulnérable. Sous la photo monochrome aux bords flous, signature de Ramona Rosales, coqueluche californienne du showbiz, un mot se détache en blanc: «Spare». C’est le titre de son autobiographie, à paraître le 10 janvier. En français, ce mot désigne le suppléant. Dans une boîte à outils, c’est la pièce de rechange. Une formule péjorative et blessante lorsqu’il s’agit de désigner quelqu’un qui est «en réserve».

Prince Harry

«Spare», le pavé autobiographique de 416 pages de Harry, négocié 40 millions, sortira le 10 janvier 2023. Le palais de Buckingham craint qu’il ne soit porteur de révélations embarrassantes.

Edition Penguin Random House

Le prince a toujours vécu avec cette étiquette. Elle lui désigne non pas sa place au sein de la famille royale, mais celle qu’il n’occupera jamais: roi. Selon James Patterson, auteur de «Diana, William et Harry: l’histoire déchirante d’une princesse et d’une mère», la princesse a tout fait pour le préserver de ce sobriquet humiliant. Elle le surnommait «le bon roi Harry» face à William, l’héritier légitime, «heir» en anglais. Dans l’enfance, alors que l’aîné avait émis le souhait de ne pas monter sur le trône, Harry aurait répondu: «Eh bien, je ferai le travail à ta place, alors.»

prince Harry

Harry déjoue déjà le protocole à 6 ans, au balcon de Buckingham Palace, où il apparaît tout seul, le 16 juin 1990, lors de la cérémonie Trooping the Colour. 

Tim Graham Photo Library/Getty Images

La réalité est tout autre. L’existence du cadet et sa venue au monde n’ont pas de poids dans la mécanique pesante d’une famille séculaire où les enfants perpétuent, avant tout, un nom et un système. Dès lors, comment se réaliser et s’épanouir dans le carcan étouffant de la maison Windsor, si, dès la naissance, vous êtes assigné à une place dévalorisante et que, de fait, alors que votre destin semble tout tracé, vous ne servez finalement à rien. Toute la vie de Harry, en rupture avec la famille royale depuis 2020, tourne autour de cette équation. C’est l’axe de son livre, dont on dit qu’il est porteur de révélations à faire pâlir les ors de Buckingham. Pour Harry, il ne s’agit que de la vérité. La sienne. Il tient à dire ce qu’il a vécu et ressenti, derrière les sourires de façade, du traumatisme jusqu’à la guérison. En attendant la publication des 416 pages chez Penguin Random House avec à la clé un contrat de 40 millions pour trois ouvrages – dont 20 millions d’avance avant parution –, d’autres livres sortent sur la famille royale, agissant comme autant de contre-feux à l’incendie qui crépite outre-Atlantique. Le portrait que les auteurs brossent des Sussex n’est pas flatteur.

Prince Harry

Le 8 août 1987, dans les bras de Diana, sa mère adorée, Harry, 3 ans, respire le bonheur.

Tim Graham/Photo Library/Getty Images

Harry, Meghan et leurs deux enfants mènent la grande vie à Montecito, du côté de Los Angeles, dans une demeure à 13,8 millions. Le prince va gagner beaucoup d’argent avec ses révélations intimes, dont les bénéfices, promet-il, seront versés à des œuvres caritatives. Il a choisi comme «ghostwriter» le romancier américain, ancien journaliste, J. R. Moehringer. Prix Pulitzer en 2000, on lui doit les mémoires d’Andre Agassi. C’est George Clooney qui l’a mis en contact avec Harry.

Prince Harry

Dix ans plus tard, ici avec Charles et William, lorsque la princesse perd la vie, il réprime son émotion. Cette terrible épreuve va l’ébranler psychologiquement.

Anwar Hussein/Getty Images

«J’écris en tant qu’homme»

Mais quelles sont les réelles intentions de ce dernier? Sans rien dévoiler avant le jour J, il dit ceci: «J’écris non pas en tant que prince que je suis, mais en tant qu’homme que je suis devenu. J’ai porté de nombreux chapeaux au fil des ans, au propre comme au figuré, et j’espère qu’en racontant mon histoire, les hauts et les bas, les leçons apprises, je peux montrer que peu importe d’où nous venons, nous avons plus en commun que nous le pensons. (...) Je suis ravi que les gens lisent un récit de première main de ma vie qui soit exact et entièrement véridique.»

Pour beaucoup, Harry est ce garçon de 12 ans au visage triste marchant derrière le cercueil de sa mère, le 6 septembre 1997. Un gamin meurtri devenu rebelle ayant évolué au sein d’une famille dysfonctionnelle. Il est difficile d’imaginer que son ouvrage ne soit pas porteur de révélations, sans quoi l’éditeur n’aurait pas avancé une telle somme. Harry osera-t-il brûler les ponts avec sa famille? Le «Daily Mail» croit savoir que l’éditeur lui a renvoyé le brouillon de son premier manuscrit, le jugeant «trop sensible», accordant trop d’importance aux problèmes de santé mentale, son cheval de bataille à travers sa fondation, Archewell.

Prince Harry

Harry, diablotin de 4 ans, tire la langue aux photographes. 

Daily Mirror/Mirrorpix/Getty Images

En marge du livre, Netflix aurait déboursé 98,5 millions, pour une série de documentaires. Le prince a déjà tenté de faire marche arrière après le décès de la reine, voulant réviser ses déclarations un peu trop corsées à propos de Charles et de William. Ted Sarandos, co-PDG de la plateforme, a fait pression pour que la série soit diffusée en décembre, après la nouvelle saison de «The Crown». Les bailleurs qui encouragent Harry au grand déballage veulent récupérer leur mise de départ. On lui réclame moins de larmes et plus de confidences intimes.

Cote d’amour au plus bas

La reine n’étant plus de ce monde, il n’a plus aucune branche à laquelle se raccrocher en cas de scandale. Charles et William campent désormais sur leurs positions. Le roi, intraitable, a déjà fait comprendre à Andrew, son frère, accusé dans l’affaire Epstein, qu’il ne réintégrera jamais ses fonctions au sein du clan. En quittant la Firme, Harry a démissionné de l’entreprise familiale sans possibilité de retour. Dès lors, «Spare» pourrait être le livre de la rupture définitive entre lui et les Windsor. Il le sait.

Dans l’opinion publique, la cote d’amour de son couple est au plus bas. Leur coup d’éclat – claquer la porte, partir pour Los Angeles, mettre la reine devant le fait accompli et exiger de pouvoir utiliser ses titres royaux à des fins commerciales – n’a pas eu l’effet escompté. L’interview donnée à Oprah Winfrey en mars 2021, entachée d’énormités, encore moins. Initialement prévue pour les fêtes de fin d’année, mais déplacée en raison de la sortie du nouvel opus de Michelle Obama, l’autobiographie sortira, dans le monde entier, quatre mois avant le couronnement de Charles III et de Camilla, cérémonie agendée au samedi 6 mai 2023.

La reine consort serait la cible d’attaques dans «Spare». Maîtresse depuis toujours de Charles avant de devenir officiellement sa femme, la belle-mère des deux princes a su faire sa place contre vents et marées. Harry la considère comme une usurpatrice. Selon le livre d’Angela Levin «Camilla: From Outcast to Queen Consort», Meghan aurait repoussé les tentatives de Camilla de se lier d’amitié avec elle.

Prince Harry

Elisabeth II et Harry sont tout sourire le 18 mai 2019. Huit mois plus tard, le prince exigera de quitter ses fonctions en conservant ses titres et avantages, mais la souveraine s’y opposera sèchement.

Steve Parsons/WPA Pool/Getty Images

C’est elle qui serait – sans être jamais citée dans l’interview diffusée sur CBS – à l’origine des remarques jugées racistes par le couple, concernant la couleur de peau d’Archie, leur fils aîné. Comme le rapporte l’ouvrage de Tom Bower Revenge: «Meghan, Harry, and the War Between the Windsor», Camilla aurait dit: «Ne serait-ce pas drôle si votre enfant avait les cheveux crépus et roux?» En entendant le terme «ginger afro», Harry a rigolé. La remarque rapportée à sa femme n’a pas eu l’heur de l’amuser.

Chez Oprah, Meghan a déclaré: «Il y a eu des inquiétudes et des conversations sur sa couleur à la naissance (...) Quant à savoir à quel point sa peau serait foncée (...)» Harry, absent pendant la séquence choquante, renchérissait plus tard: «C’était étrange. (...) J’étais sous le choc», sans toutefois révéler le nom de celle ou de celui qui aurait prononcé cette phrase.

Guerre froide entre deux frères

Toucher à Camilla, ce serait atteindre le roi; blesser le monarque, c’est frapper l’institution et ceux qui l’incarnent, ce que Harry a déjà fait en disant, chez Oprah, que «[son] père et [son] frère étaient piégés». Cette attaque contre la monarchie, en plus des accusations de racisme, avait fait bondir la reine. Elle pourrait distendre encore plus les liens entre William et Harry. Une rivalité s’est installée entre les Cambridge et les Sussex. L’ouvrage signé Katie Nicholl «The New Royals: Queen Elizabeth’s Legacy and the Future of The Crown» suggère que lors de leur premier engagement public conjoint, Meghan était la vedette du quatuor: «Elle était polie, passionnée et drôle, utilisant toutes ses compétences acquises à la télévision pour se présenter.» Du coup, le futur roi et son épouse se sont sentis obligés de hausser leur niveau de jeu.

Prince Harry

Septembre 2022: tout sépare Harry et Meghan de William et Kate, futurs souverains.

Kirsty O'Connor/AP/Keystone

William, qui fut toujours conciliant avec son petit frère, affirma quelques jours après les déclarations fracassantes à la télévision américaine ayant rassemblé 17,1 millions de téléspectateurs: «Nous ne sommes pas du tout une famille raciste.» Depuis, Harry et lui ne se parlent plus. Avant le mariage, le cadet n’aurait pas aimé que son frère lui demande à propos de Meghan: «Tu es sûr que c’est la bonne personne?» Par la suite, il semble que les caprices de celle-ci aient terni sa réputation. Elle montrait son vrai visage. Elle et Kate ne s’entendent pas. A l’occasion des obsèques de la reine, au château de Windsor, l’unité de façade des fils de Diana marchant en couple, côte à côte vers les Britanniques, n’a trompé personne.

 

Prince Harry

Le roi Charles III et la reine consort Camilla ne devraient pas être épargnés par l’ouvrage de Harry. Vraiment? D’aucuns pensent que le souverain aurait versé 20 millions à son cadet afin qu’il ne fasse pas de révélations trop gênantes.

Martin Meissner/AP/Keystone

La démarche de Harry d’ouvrir son cœur et de rendre public son ressenti paraît légitime, mais peut-il continuer à passer sa vie à exposer ses tourments, jouer les victimes et en tirer bénéfice? Depuis l’adolescence, il multiplie les frasques. En 2005, il apparaissait déguisé en nazi alors qu’une partie de sa famille a eu des liens étroits avec les dignitaires du IIIe Reich. L’affaire remonta jusqu’au ministre des Affaires étrangères israélien. En 2009, il traitait de «Paki», terme raciste, l’un des soldats de son corps d’armée d’origine pakistanaise. Enfin, en 2012, des photos de lui nu, à Las Vegas, en compagnie d’une strip-teaseuse furent dévoilées. 

Tout cela fut oublié, si ce n’est pardonné, à l’arrivée de Meghan Markle. La reine lui fit un accueil qu’elle n’avait réservé à nulle autre. Elisabeth II avait compris qu’il fallait soutenir le plus fragile de la fratrie, traumatisé par la mort de sa mère. Elle pensait que son mariage allait le stabiliser.

Prince Harry

Harry, adolescent, a multiplié les frasques et les provocations. En 2005, il se déguise en nazi. Le scandale est tel qu’il va remonter jusqu’au ministre des Affaires étrangères israélien et le prince s’excusera publiquement.

DR
Prince Harry

En 2012, on le découvre tout nu, à Las Vegas, en compagnie d’une strip-teaseuse. La couronne voit rouge.

The Sun

Meghan, «sociopathe narcissique»

Alors que l’union de Harry et Meghan était porteuse d’espoirs, la souveraine se montra moins magnanime par la suite. Très vite, des révélations sont venues brouiller l’image idéale d’une comédienne de série TV, roturière américaine, divorcée, métisse, épousant un prince et donnant à la famille ce qui semblait cruellement lui manquer: un élan d’ouverture dans la mixité. Dans le livre «Courtiers: The Hidden Power Behind the Crown», de Valentine Low, on découvre Harry et Meghan grossiers envers le personnel, envoyant d’horribles courriels. Des faits qui tranchent avec le leitmotiv de leur fondation où ils prônent la compassion à tout va.

Prince Harry

Son exfiltration de la famille royale a permis à Harry de s’offrir des divertissements de roturier, comme ce tour en bus de Los Angeles en 2021.

Ferrari Press/Dukas

Leur secrétaire privé, Sam Cohen, Sarah Latham, la responsable des relations publiques, et l’attachée adjointe de presse, Marnie Garney, ont été stupéfaits par le comportement du couple. Les assistants traumatisés se seraient baptisés le «Sussex Survivors Club». Meghan était qualifiée de «sociopathe narcissique». Lors d’une rencontre royale, une source restée anonyme rapporte ses déclarations: «Je n’arrive pas à croire que je ne sois pas payée pour ça.» Comme si les sujets étaient un congrès de fans, elle semblait réclamer son dû.

«Harry était tout aussi dédaigneux envers les employés que sa femme», affirme Valentine Low. Une infime partie d’entre eux a été tenue au courant du départ précipité du couple. Ils se sont retrouvés, du jour au lendemain, en larmes et sans emploi. «Meghan pensait qu’elle allait être la Beyoncé du Royaume-Uni, ajoute Low. Or, entre elle et la maison royale, vous aviez deux mondes qui n’avaient aucune connaissance l’un de l’autre, aucun moyen de se comprendre.»

Aux dernières nouvelles, Harry et son épouse n’auraient pas souhaité leurs bons vœux d’anniversaire à Charles III à l’occasion de ses 74 ans. Ils ne viendront pas à Noël. La sortie de «Spare», en janvier prochain, risque d’être un drôle de cadeau.

>> Le documentaire «Harry et Meghan» sortira en deux volets sur Netflix les 8 et 15 décembre 2022.  

Par Didier Dana publié le 1 décembre 2022 - 09:06