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Quand le bruit nous rend malades

Le bruit est là, partout, tout le temps. Y être exposé peut coûter cher à notre bien-être. Des mesures pourtant simples peuvent améliorer les nuisances sonores en ville. Explications.

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Nous ne nous rendons pas toujours compte des nuisances sonores qui nous atteignent.

Rika Hayashi

Ceux qui vivent à proximité d’un axe routier ne le savent que trop bien: le bruit peut avoir un fort impact sur notre qualité de vie. Ce qu’on sait moins, c’est qu’il peut aussi entraîner d’importantes répercussions sur notre santé à moyen et long terme.

Une vaste étude menée auprès de 3700 riverains lausannois a notamment mis en évidence les conséquences sur le sommeil. En identifiant sur une carte de la ville – la plus bruyante de Suisse notamment par sa configuration géographique en pente – les cas de personnes souffrant de problèmes de somnolence durant la journée, les chercheurs du projet DecibeLaus, lancé en 2016, ont pu identifier des clusters dans certains quartiers.

Ces travaux, menés conjointement par l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ont donné lieu à des propositions visant à réduire les nuisances sonores via des aménagements urbains spécifiques.

1. Un impact direct sur le sommeil

Superposées au cadastre du bruit de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), les données de DecibeLaus ont mis en avant une corrélation entre exposition au trafic routier et impact sur le sommeil. «Nous avons remarqué davantage de plaintes d’endormissement durant la journée chez les habitants, et leurs voisins, de certaines zones plus particulièrement, constate le Pr Raphaël Heinzer, directeur du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV. La somnolence est une plainte que l’on rencontre souvent chez les patients qui nous consultent, et qui peut être problématique au quotidien.»

Dans les zones «rouges», l’exposition au bruit estimée selon un algorithme spécifique était supérieure de 5 décibels (dB) aux zones «bleues», dans lesquelles les habitants ne souffraient pas de somnolence. «Cinq décibels, ce n’est pas rien, ajoute Raphaël Heinzer. Cela correspond à un volume sonore multiplié par deux ou par trois.»

Avec l’habitude, le cerveau peut faire abstraction de certains sons réguliers et prévisibles (circulation routière fluide et continue, par exemple), mais les «pics» de bruit sont, eux, plus problématiques. «Ils se traduisent dans notre système nerveux par un réflexe ancestral pour faire face à une menace. L’organisme se prépare à combattre ou à fuir en augmentant sa fréquence cardiaque, sa tension artérielle, son niveau de stress, explique le Pr Idris Guessous, médecin-chef du service de médecine de premier recours aux HUG. Si ce réflexe était nécessaire pour les hommes et les femmes préhistoriques, qui devaient rapidement réagir en cas de bruit suspect, pour nous, ce stress chronique cardiovasculaire sans menace est, à terme, néfaste.»

Ce qui se cache derrière les décibels… Tour d’horizon des bruits qui nous entourent et de leurs effets, plus ou moins néfastes

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2. Pas tous logés à la même enseigne

Chacun d’entre nous possède des vulnérabilités différentes. La sensibilité au bruit est très variable, tout comme la prédisposition aux troubles du sommeil. La perception que nous avons de notre sommeil peut également varier: «Il y a souvent une incohérence entre ce que le patient ressent et ce que nos collègues spécialistes du sommeil observent sur les enregistrements, constate Idris Guessous. Vous avez l’impression d’avoir très bien dormi, mais on voit une multitude de microréveils durant la nuit. Ou inversement.» A terme, que les problèmes de sommeil soient réels ou ressentis, ils entraînent des conséquences nocives sur l’organisme. «Si vous avez le sentiment de mal dormir, vous serez plus anxieux, plus inquiet, plus propice à consommer des substances, ajoute l’expert. A contrario, des microréveils, même si vous ne les percevez pas, entraînent des conséquences cardiovasculaires et métaboliques.»

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3. Sur le long terme, des risques plus graves

Une cohorte nationale a ainsi montré une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque, d’hypertension et d’accident vasculaire cérébral chez les personnes exposées à des niveaux élevés de bruit de circulation routière, indépendamment des autres sources de bruit. «Une augmentation de 10 dB entraîne également une augmentation de 4% du risque d’infarctus du myocarde», détaille Raphaël Heinzer.

Plus frappants encore sont les résultats d’une récente étude sur les nuisances aériennes. Sur près de 25 000 décès par arrêt cardiaque survenus à proximité de l’aéroport de Zurich, 3% des cas seraient directement imputables au bruit des avions.

Le bruit s’attaque aussi à notre métabolisme et devient significativement associé à un tour de taille et à un indice de masse corporel (IMC) plus élevés, ainsi qu’à un risque accru d’obésité. Un constat lié au dérèglement du rythme circadien mais aussi «aux modifications des comportements alimentaires dues au stress ainsi qu’à une réduction de la tolérance du corps au glucose et de la sensibilité à l’insuline, qui peuvent avoir un impact en termes de diabète notamment», explique la Dre Sophie Hoehn, cheffe de la section bruit routier à l’OFEV. Les personnes exposées à une augmentation du bruit du trafic routier voient ainsi leur risque de développer cette maladie augmenter de 35%. «C’est un véritable enjeu de santé publique qui nécessite des solutions individuelles, mais surtout structurelles», conclut le Pr Guessous. On estime en effet que le seul bruit routier, ferroviaire et aérien serait responsable chaque année en Suisse de 500 décès.

4. Des recours à sa propre échelle

De simples aménagements peuvent parfois suffire à atténuer le bruit extérieur. La première des choses est de créer les conditions les plus favorables possibles pour un bon sommeil. Installer sa chambre à coucher dans la pièce la plus isolée, poser des isolants phoniques sur les murs, installer des rideaux et des tapis qui absorbent le bruit ou encore porter des bouchons d’oreilles peuvent déjà aider à réduire les nuisances. Dormir la fenêtre fermée fait également une énorme différence en atténuant le bruit extérieur de 28 dB en moyenne. Chaque conducteur peut aussi adapter son comportement au volant pour ne pas gêner inutilement les habitants.

Malgré tout, ces mesures à l’échelle individuelle restent limitées. «Une sélection naturelle semble se mettre en place dans ces zones «rouges», note Raphaël Heinzer. Les habitants les plus sensibles au bruit déménagent rapidement.»

Pour ceux qui n’ont d’autre choix que de rester et qui rencontrent des troubles du sommeil, la méditation et la relaxation peuvent apporter un certain soulagement. «Lorsqu’un bruit nous a empêchés de dormir plusieurs nuits de suite, la crainte qu’il ne survienne de nouveau peut générer une inquiétude importante qui péjore encore la qualité du sommeil, explique Idris Guessous. C’est un cercle vicieux que ces méthodes peuvent aider à désamorcer.»

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5. Des efforts développés par les villes

Canton pionnier dans la lutte contre la pollution sonore, Genève est parvenu à multiplier par quatre le nombre d’habitants protégés entre 2012 et 2018, grâce à des aménagements urbains, parois anti-bruit ou revêtement phonoabsorbant, qui recouvre désormais plus de 90% des routes cantonales. A Lausanne, la municipalité s’est attelée à la limitation de la vitesse dans les zones pilotes de Beaulieu et de Vinet. En passant plusieurs grands axes à une limitation de 30 km/h la nuit, une réduction des niveaux sonores moyens de 2,7 dB a été observée. «La baisse est de 4 dB pour les niveaux sonores de pointe, c’est-à-dire les zones de démarrage à un feu rouge ou les côtes, qui sont vraiment les lieux problématiques», ajoute Raphaël Heinzer. A la suite de ces mesures, le confort des riverains s’en est trouvé fortement amélioré: 75% d’entre eux ont en effet ressenti une atténuation notable du bruit.

Par Clémentine Fitaire et Laetitia Grimaldi publié le 16 avril 2021 - 09:09